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Les jeux de société : Terra Incognita



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Cocorico ! Cela faisait bien longtemps que cette rubrique n’avait pas parlé de Jeu de Rôles, et fort opportunément c’est un jeu français, édité par les XII Singes, qui nous en donne l’occasion. Julien Clément, l’auteur du jeu, nous offre avec ce brillant opus un jeu rafraichissant et original, même pour les vieux briscards, qui succède à une version amateur qui avait déjà beaucoup séduit.

En quelques mots, il faut imaginer que nous sommes au XVIIIème siècle, mais dans une uchronie. En effet, toute la littérature « fantastique » francophone et anglophone de l’époque et même un peu antérieure, comme Liliput, les animaux savants de La Fontaine, le pays du Chat Botté ou autres, est réelle. Louis XIV entame la soixante-et-unième année de son règne, il est toujours dans une forme éblouissante, tout comme son conseiller Colbert, et Molière régale encore la Cour de son génie. Vous le voyez : quelque chose cloche ! Le Roi-Soleil a imposé le culte du Dieu-Soleil, incluant dans la religion classique des éléments occultes centrés autour de l’astre diurne. Et dans ce monde, les joueurs vont incarner des Voyageurs, quittant le morne (façon de parler) Pays d’Ici pour visiter les Pays de Nulle Part.

Si, par l’exubérance des personnages, leur truculence et le côté rocambolesque de certaines situations, le jeu peut à certaines occasions rappeler 7th Sea, autre fleuron du genre, il s’en démarque pourtant très nettement.

D’abord, par l’univers, extrêmement fertile. De plus, les XII Singes sont bien décidés à suivre la gamme, puisque ce sont pas moins de quatre ouvrages qui la composent : Le Livre de Base, déjà un superbe vivier assorti d’un scénario qui constitue une bonne entrée en matière, le Livre du Maistre, Les Pays d’Ici et de Nulle Part et Serendipités et Prodiges. Quiconque a déjà croisé cette littérature peut voir tout ce que cela autorise, et ces destinations pour ainsi dire magiques insuffle une vraie inspiration nouvelle au jeu, qui offre des situations vraiment neuves et enthousiasmantes.

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Ensuite, les personnages sont loin de n’être qu’une série de chiffres. Ainsi, chacun a un thème astral, qui l’associe à un astre dominant et conduira en partie sa vie. Ensuite, tous ont un dessein (en gros ce qu’ils recherchent dans leur vie, la raison qui les pousse à partir à l’aventure) et des passions qui les motivent et les animent. Chaque personnage a donc une vraie personnalité, enrichie par des intrigues personnelles bien trouvées et souvent cocasses. Profitons-en d’ailleurs pour louer le travail minutieux de l’auteur pour rattacher son livre à la littérature de l’époque à travers un choix de termes et de concepts très pertinent et très immersif. Sans que les joueurs n’aient à se creuser les méninges, un personnage émerge du jeu, avec ses désirs, ses craintes, ses mobiles. Ajoutons à cela les Humeurs, qui sont en fait ses caractéristiques, et sont au nombre de 5 : Vigueur, Empire, Raison, Contenance et Verve. Le système, simple mais efficace, s’articuler autour de ces humeurs et de talents qui leur sont associés. A chaque niveau d’une humeur est associé un dé spécifique, de 2 à 12 faces. Sur demande du Maistre, le joueur doit lancer le dé, y additionner le niveau du talent concerné, et comparer le résultat à la difficulté annoncé. Évidemment, chaque Figure, autrement dit les archétypes disponibles, vient avec une liste de talents privilégiés. Il est également hautement recommandé aux joueurs de choisir une Coterie dont faire partie, pour créer du jeu, leur ouvrir du porte mais surtout s’inscrire dans des intrigues de Cour qui les dépassent largement.

Le système de combat, quant à lui, est raisonnablement fluide, assez létal, et permet vraiment de ressentir la différence entre un personnage rompu au combat et un amateur. Ajoutons à cela de nombreuses règles optionnelles malines et inventives, comme par exemple le long feu des armes ou le reliquat de la médecine, et on a un système cohérent, qui colle à son univers, et se maitrise sans difficulté autre qu’un peu de calcul mental pour le Maistre.

Reste le point central du jeu : la sérendipité. Elle est le moteur et le coeur du jeu. La sérendipité, ce sont les inventions faites par hasard, ou alors que l’on cherchait autre chose, comme la pénicilline ou le Coca-Cola… Et finalement, cela résume très bien les aventures des personnages : souvent, ils seront amenés à découvrir des territoires inconnues, des Terra Incognita donc, en y cherchant quelque chose qu’ils ne trouveront pas mais en faisant mille découvertes merveilleuses. La capacité à s’en émerveiller est plus ou moins grande chez les personnages, mais elle croit à mesure qu’ils voyagent, et les encourage à accomplir des prodiges. Ainsi, l’alchimiste peut développer de nouveaux filtres, le bretteur accomplir des miracles en combat, et ainsi de suite. En revanche, bien évidemment, revenus au Pays d’Ici, les personnages verront leur sérendipité s’étioler, faute du plaisir de l’aventure… A moins que les frissons et les découvertes ne les attendent au coin de la rue !

JDR - TERRA INCOGNT LIVR4