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Kingdom Come Deliverance : le RPG historique !



Un jeu « Historique »

Les membres du studio tchèque Warhorse sont de toute évidence des passionnés d’histoire médiévale, prêts à se trimballer en armures et en cottes de mailles fabriquées « maison »  lors de reconstitution de batailles célèbres. Le genre de types à préférer l’hydromel aux épices à une simple bière industrielle ou se délecter d’une ritournelle au luth autour d’un feu de camp plutôt que de se faire saigner les oreilles avec le dernier Rihanna. Rien d’étonnant alors à ce que leur projet de RPG s’inscrive dans une démarche ultra réaliste voire clairement simulationniste. Dans ce Kingdom Deliverance, vous n’évoluerez donc pas dans un royaume fantasmagorique peuplé d’Elfes, d’Orques ou de Gobelins mais dans le « simple » Royaume de Bohème au tout début du XVe siècle. Enfin « simple » façon de parler car la situation politique est alors on ne peut plus épineuse : vous voilà plongez en pleine crise de succession pour le contrôle du Royaume et de facto, d’une partie non négligeable du Saint-Empire Romain Germanique.

En effet, le Roi Sigismond de Hongrie décidant non sans raison que son demi-frère, le très hédoniste Wenceslas IV, est absolument incapable de régner sur la Bohème, décide d’écarter celui-ci de son trône et d’imposer sa main de fer sur l’ensemble de la région. Tout ceci ne se fait évidemment pas sans heurts et sans résistance, et comme bien souvent ce sont les populations civiles qui payent les aspirations hégémonistes des puissants. C’est d’ailleurs lors de la mise à sac de son village que le personnage que vous incarnez, le très modeste Henry, fils d’un simple forgeron, verra sa famille décimée par un bataillon aux ordres de Sigismond. Dès lors, le simple bouseux que vous êtes n’aura qu’un seul objectif : devenir un soldat impitoyable et se venger en retrouvant le meurtrier de ses parents. Mais pour atteindre vos objectifs, il faudra vous armer de patience, de beaucoup de patience…

Magnifiquement authentique ou terriblement lourd ?

Disons-le clairement, Kingdom Come n’est pas un jeu facile d’accès et séduira plutôt ce qu’il convient d’appeler des hardcore gamers. Commençons d’abord par dresser un florilège de louanges à ce titre exigeant ; le retour de flammes interviendra bien assez tôt… Kingdom Come se veut un jeu extrêmement réaliste sur le plan historique bien entendu mais également au niveau de ses mécaniques de gameplay. Pour commencer, dans les toutes premières heures, vous incarnez un vrai guignol et pas même un simple soldat. Autant dire que vos skills sont limitées au strict minimum et qu’un simple paysan doté d’une fourche constitue à lui seul un ennemi intraitable. Vos premières tâches seront donc franchement anecdotiques, comme par exemple recouvrer la dette d’un client de votre père ou bien encore lui chercher une bière bien fraîche à la taverne. Difficile de trouver un souffle épique dans cet enchainement de missions mais autant le préciser tout de suite, le tout début de l’aventure s’apparente à un long, très long didacticiel qui permettra de se familiariser avec l’ensemble des facettes du gameplay et pas simplement le maniement d’une épée à deux mains ou d’une masse d’arme. A vous les joies du marchandage pour échanger un sac de clous contre deux sacs de charbon !

Car au-delà  d’être un vrai RPG, Kingdom Come s’apparente souvent à une vraie simulation de vie à la sauce médiévale. Si l’aspect guerrier et la progression dans votre quête vengeresse restent les piliers du scénario, vous serez aussi amené à prendre soin de votre avatar. Il faudra donc le nourrir, le faire dormir à intervalles réguliers, veiller à une bonne insertion sociale en soignant sa réputation, etc… Ce caractère simulationniste pourrait très bien être considéré comme la manifestation d’une exigence d’authenticité fort louable. Mais elle contribue aussi à « casser » systématiquement le rythme du jeu, celui-ci s’avérant particulièrement bancal dans son développement. D’un côté, on est parfois emporté dans des conflits épiques mettant aux prises des seigneuries antagonistes ; de l’autre, on est systématiquement ramené à des contingences au ras des pâquerettes, comme la nécessité de mieux tenir l’alcool pour taper la discute avec des alliés potentiels ou de dormir dans une auberge pendant quatre heures pour ne pas déranger le châtelain du coin avec une demande d’audience dès le chant du coq. En un mot, trop de réalisme tue le fun ! Et ce rythme est d’autant plus ralenti que l’interface de gestion de votre personnage s’avère outrageusement tentaculaire et labyrinthique. On se perd dans ces ramifications d’onglets et de sous-onglets, surtout au paddle il faut bien le préciser…

Le choix des armes

Comme nous le disions, Kingdom Come s’adresse aux gros gamers. Et ceci se vérifie avec le système de combat qui suscitait beaucoup d’attentes et sur lequel Warhorse avait intensément communiqué. Mais après plusieurs heures de jeu, l’ensemble a de quoi laisser franchement dubitatif. Dès les vidéos explicatives proposées durant la campagne de crowfunding, les développeurs avaient martelé leur intention de proposer un système très réaliste vous mettant vraiment dans la peau d’un soldat du XVe siècle. Pas de délire arcade donc mais un maniement des armes pointilleux à l’extrême et prenant en compte les problèmes de mobilité en raison du poids des différentes épées ou même la visibilité forcément limitée lorsque l’on revêt un heaume de combat. Et reconnaissons que le travail de recherche et de reconstitution s’observe sans contestation à l’écran. Mais le hic, c’est que tout ceci a un prix et rend le gameplay extrêmement difficile à prendre en main. Pourtant, le joueur reconnaîtra un système au final pas si éloigné que celui utilisé pour un jeu bien plus permissif comme For Honor. Lorsque vous abordez un adversaire, une mire étoilée apparaît à l’écran, chacune de ses branches indiquant la zone vers laquelle vous allez diriger votre attaque ou tenter de parer. Il s’agit donc de parfaitement anticiper la gestuelle de votre ennemi pour lui porter des coups d’estoc ou de taille dans le bon timing. Mais c’est sans compter une latence dans vos mouvements que le poids d’une arme ne peut à lui seul justifier. De fait, on tape dans le vide assez régulièrement et la baisse extrêmement rapide de votre jauge d’endurance vous pousse à revenir régulièrement à une posture défensive.

Et ces combats sont donc longs, mais longs… Il faudra s’acharner durant des heures et des heures et maîtriser quelques bottes secrètes pour enfin prendre un peu de plaisir à taillader du chevalier. Mais je ne suis pas certain que beaucoup de joueurs aient la patience de se coltiner cet interminable apprentissage. D’autant que les quelques combats plus massifs qui émaillent votre aventure s’avèrent franchement brouillons et peu intéressants.  Ne nous attardons pas sur le tir à l’arc qui relève du challenge impossible. Poussant le réalisme à l’extrême, Warhorse a choisi de ne pas intégrer de mire : il faut donc tirer au juger ! Avec un peu de chance, vous finirez par tuer un lapin par accident au bout de cinq heures ! Heureusement, Kingdom Come  parvient à diversifier son gameplay en vous proposant de multiples alternatives pour résoudre vos missions. En effet, vos quêtes ne sont pas aussi dirigistes que dans certains RPG et vous pourrez choisir entre de multiples voies pour les mener à bien. Vous pourrez ainsi privilégier l’infiltration et faire preuve de vos talents de crocheteur ou bien faire confiance à votre éloquence pour soutirer des informations essentielles. Cette liberté d’action reste donc un très bon point… On n’en dira pas autant du système de sauvegarde automatique complétement à la rue. La seule possibilité qui s’offre alors à vous est de dégoter des potions de sauvegarde ce qui n’est pas toujours aisé lorsque vous chevauchez en pleine campagne et qu’une urgence vous oblige à terminer inopinément votre session…

Rendez-vous au dixième patch !

Mais il convient de terminer ce test assez mitigé par ce qui reste le point noir de Kingdom Come, à savoir le niveau technique de l’ensemble. Certes, les environnements proposés par le Cry Engine sont souvent de toute beauté, en particulier les paysages forestiers ou campagnards. Cependant, les villages et en particulier l’intérieur de certaines bâtisses sont beaucoup moins flatteurs pour le regard avec des textures un peu grossières et une sensation de vide somme toute assez déroutante. Mais ce qui frappe surtout dès le lancement du jeu, c’est une avalanche de bugs dignes d’une version Beta et ce malgré un patch Day One particulièrement volumineux. Tout y passe : personnages qui deviennent muets au fil d’un dialogue ou qui changent soudainement de langue, ennemis flottant soudainement dans les airs ou s’incrustant dans un mur, chargement d’une zone qui perdure indéfiniment et qui vous oblige à relancer le jeu (et perdre votre sauvegarde…), monture soudainement bloquée par un caillou. Et j’en passe…

Ces malfaçons s’accumulent jusqu’à faire perdre patience et il faudra beaucoup de sang-froid pour ne pas tester l’aérodynamisme de votre paddle. Cette déficience technique est franchement incompréhensible et prouve surtout que le jeu est sorti au moins six mois trop tôt. Nul doute que de nombreux correctifs viendront gommer tous ces bugs mais on imagine la tête des backers ayant financé le projet devant un tel manque de finition. C’est bien dommage car en persévérant, l’aventure principale s’avère relativement prenante et bien écrite et cette immersion dans le moyen-âge propose une expérience loin des sentiers battus. Mais comme chacun le sait, l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions…

Disponible également sur Xbox one et PC