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Dishonored : heu… honored ! J’ai bon ?



Corvo est le garde du corps de l’Impératrice. Corvo, disons-le tout de suite, c’est vous. Afin de négocier des accords commerciaux en faveur de votre cité-état de Dunwall on vous envoie quelques mois à l’étranger, et à peine revenu, vous avez la stupeur de voir l’impératrice se faire assassiner et sa fille se faire enlever sous vos yeux. Bientôt, vous êtes accusé du meurtre, alors que les commanditaires sont bien connus de vous. Mais personne ne voudra vous croire, et vous croupissez en prison. Cependant, bientôt, de mystérieux alliés vous font évader et vous arment, car pour vous, l’heure de la vengeance a sonné. Il est temps de laver votre honneur.

Dishonored est un jeu d’aventure/FPS qui se déroule dans la cité de Dunwall, dans un univers Steampunk alimenté par l’huile de baleine. Un univers steampunk, grosso modo, est un univers visuellement proche de la fin du 19ème siècle mais où la technologie serait un peu plus avancée, un monde où la vapeur est une source d’énergie originale mais où la magie n’est pas inexistante. En somme, une angleterre victorienne plus « moderne ». Univers rarement vu dans les jeux, depuis le mesestimé Arcanum, le steampunk se prête pourtant à des délires visuels et à une créativité échevelée, ce que Bethesda ne pouvait pas ignorer beaucoup plus longtemps.

Corvo, c’est donc vous. On pourra se demander pourquoi un garde du corps est envoyé comme ambassadeur. Et pourquoi, dans ce cas-là, tout au long du jeu, ses réponses sont aussi peu nombreuses. Disons-le tout net, Dishonored n’est pas un jeu de dialogues. Vous serez surtout amenés à répondre « oui » ou « non » et ce sera tout. Par ailleurs, à la différence d’un Fallout, vous n’aurez pas pléthore de quêtes annexes, en dehors de la collection de différents objets. Qui plus est, vous serez souvent pris dans un couloir, un point A, le donneur de quête, vous menant au point B, le lieu de la quête, sans voir beaucoup de chemins de traverses. Et pourtant, le jeu est d’une richesse faramineuse.

Prêt à revêtir le masque?

Nous l’avons dit, les possibilités d’interaction sociales sont limitées, et les quêtes annexes tout autant, n’influant finalement en général que sur la résolution de la quête principale.

Seulement voilà, à l’image du prodigieux Mark of the Ninja, ce chemin du point A au point B peut prendre de multiples voies. La furtivité, bien sûr, mais aussi l’extrême violence, ou un mix des deux, peu importe. Le jeu rappelle, du coup, évidemment Deus Ex Human Revolution, en en amplifiant le concept. Dans DEHR, votre liberté était totale quant à la méthode, la fin justifiant les moyens, et la fin du jeu était plus ou moins indépendante du chemin choisi.

Dans Dishonored, loin s’en faut. Le jeu obéit à une forme de « roue kharmique » : si vous vous montrez violent et cruel, le monde dans lequel vous évoluez le deviendra lui aussi, et la fin sera de plus en plus noire. Ainsi, vous aurez de plus en plus de rats dans les rues, de geignards (des malades de la peste qui ressemblent à des zombies), vos alliés seront plus cruels eux-même ou pourront se détourner de vous, et bien sûr la fin du jeu reflétera ce que vous avez fait du monde. On ne répand pas la peste impunément…

A l’inverse, soyez miséricordieux, faites votre Gandhi en ne tuant personne, et le monde s’en portera mieux, reflétera votre for intérieur. Les truands vous prendront de haut mais le quidam moyen vous verra avec bienveillance. A noter que dans le cadre de sa vengeance, Corvo a des cibles. Et bien encore à la différence d’un DEHR il n’aura aucune obligation de les tuer, mais devra alors se creuser la tête pour trouver un moyen de s’en débarrasser sans violence. On regrettera simplement qu’épargner un gros PNJ, même après avoir massacré des tonnes de péon, fasse tourner la roue dans votre sens de manière beaucoup plus prononcée… Certes, c’est une cible beaucoup plus importante, mais tout de même…

De plus, parfois, votre tâche de « nettoyage » sera compliquée par des objectifs optionnels, et le joueur qui voudra finir le jeu en ne tuant personne à part quelques rats et en remplissant tous les objectifs optionnels n’a pas fini de suer sang et eau ! Un défi de taille, assurément, mais passionnant, et encore plus si vous décidez d’enlever de l’écran les repères qui vous indiquent votre objectif suivant ! A noter, cerise sur cet énorme gâteau, que si vous vous aventurez à recharger une partie après un échec cuisant, il faudra revoir votre copie, le comportement des gardes par exemple étant déterminé aléatoirement à chaque loading…

Corvo vous a bien eus.

Pourquoi passionnant ? Pour le chemin parcouru. Corvo dispose, pour une raison que nous tairons, de pouvoirs mystiques très particuliers, et ceux-ci conditionnent votre jeu. Aurez-vous le pouvoir de vous téléporter, vous ouvrant alors des lieux inaccessibles et des voies impossibles sinon ? Déciderez-vous de pouvoir posséder animaux et humains, franchissant ainsi les obstacles au nez et à la barbe de vos ennemis ? Serez-vous un maître des rats, pour dévorer vos ennemis ? Un maître du vent, pour les tuer d’une explosion ? Arbalète anesthésiante ? Pistolet ? Franchirez-vous ce portail en faisant sauter les réservoirs et en tuant les gardes ou en tâchant de vous approcher assez près pour le saboter ? De ce fameux point A à ce fameux point B, le chemin « physique » que vous emprunterez dépendra de vous et entièrement de vous. Il est d’ailleurs très agréable de voir que le jeu propose tout de même une certaine liberté  pour tenter différentes choses, et vous serez surpris de vous apercevoir de ce que parfois, une idée dont vous ne pensiez pas qu’elle marcherait se révèle très efficace !

Et la liberté ne s’arrête pas là, sa meilleure incarnation étant l’association des pouvoirs. A vous de voir comment elle fonctionne, nous ne voulons pas vous gâcher le plaisir, mais assurément, avec de la pratique, vous verrez rapidement que certaines combinaisons sont très intéressantes, et que certains pouvoirs ont des applications… inattendues…

En termes de maniabilité et d’interface, le jeu est bien pensé. Tout est facile d’accès, rapide, et très intuitif. Corvo répond au doigt et à l’œil, ses pouvoirs sont placés sur une roue plutôt pratique, et tout se conçoit et s’assimile aisément. On regrettera que l’attribution de pouvoirs à la croix directionnelle ne soit pas mieux pensée, mais c’est vraiment le seul écueil du gameplay, que l’on s’épargnera sur PC.

Corvo court, saute, escalade, plonge, se faufile avec une facilité déconcertante qui pourrait inspirer bon nombre de développeurs et, improbable chez Bethesda, nous n’avons rencontré aucun bug pendant nos heures de jeu.

Corvo devient assez rapidement une powerhouse…

Heures de jeu ? Oui. Car si le jeu est plutôt court, environ une dizaine d’heures, on ne le regrettera pas vraiment. Chaque partie est un chemin différent, lié à votre façon d’agir, et là où Deus Ex offrait vingt-cinq heures qui refroidissaient un peu les ardeurs de qui voulait tenter une autre façon de procéder, les dix heures de Dishonored permettent largement de le rejouer séance tenante pour découvrir une nouvelle histoire et un nouveau gameplay. Et ces dix heures, au moins, seront intenses ! Entre une IA assez efficace et un level design impeccable, vous aurez largement de quoi passer d’excellents moments avec ce titre.

Qui plus, le jeu est techniquement réussi. Si l’on excepte les visages typiques de l’Unreal Engine, qui affiche quand même ses plus de dix ans, les décors sont beaux, plutôt riches, et cette ville industrielle est opressante, son esthétique très verticale et très sombre rendant particulièrement bon. D’ailleurs, tout cela est renforcé par des thèmes sonores toujours justes et bien trouvés, des effets souvent angoissants ainsi que par des doublages français exceptionnels, où l’on reconnaitra entre autres Christophe Lemoine, Patrick Bethune, Eric Legrand… Tous les grands, ou presque, sont là, et cela se sent!

D’une manière générale, l’ambiance du jeu est remarquable. On se prend souvent à retenir son souffle, à se mettre à stresser pour on ne sait quelle raison simplement parce que la musique a varié, en somme l’aventure est très immersive. De plus, l’univers n’est pas statique : les PNJs discutent, s’entretuent, ils vivent, et l’ensemble y gagne en profondeur.

Dommage, du coup, que le scénario ne soit pas davantage travaillé : une histoire de vengeance va rarement chercher loin, mais celle-ci est tout de même assez simpliste, ce qui est bien regrettable.

 

Testé sur PS3.