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Lovely Bones, un drame trop surréaliste…



Lovely Bones, un drame trop surréaliste...

Peter Jackson est un homme de défis. Après avoir filmé la trilogie du Seigneur des Anneaux de Tolkien et dépensé 200 millions de dollars dans le remake de King Kong, le réalisateur Néo-Zélandais qui a fait ses débuts à la fin des années 80 avec plusieurs films d’horreur s’est aujourd’hui lancé dans l’adaptation du roman populaire « La Nostalgie de l’Ange » d’Alice Sebold, une histoire racontée depuis la tombe par Susie Salmon (Saoirse Ronan), une jeune fille de 14 ans, violée et assassinée par un voisin au milieu des années 70. Perdue entre les cieux et la terre, Susie suit les réactions de ses parents (Mark Wahlberg, Rachel Weisz), sa soeur (Rose McIver) et de son meurtrier Harvey (Stanley Tucci), alors qu’elle peine à trouver la sérénité nécessaire pour enfin poursuivre son voyage.

Malgré son goût pour le spectaculaire, Jackson a adouci le caractère tragique du drame dépeint par Alice Sebold, pas de scène de viol, pas de scène de meurtre. L’accent est en effet mis, de manière exagérée, sur les effets spéciaux utilisés pour représenter les limbes célestes dans lesquelles Susie réside à la suite de sa mort tragique. Dans une version totalement surréaliste, ces scènes prennent une telle place au sein du film que le spectateur est parfois tenté de se demander si Jackson s’intéresse véritablement au drame que vit la famille. Les autres personnages sont mis de côté en faveur de la magie des effets spéciaux, et les choses ne s’arrangent pas avec l’apparition de Susan Sarandon dans le rôle de la grand-mère déjantée, un effet comique mal venu au moment où le spectateur s’attend plus à un développement tragique.

Malheureusement, il ne s’agit pas là du principal problème de Lovely Bones, qui se situe véritablement au niveau de la perspective. Qui est le narrateur de l’histoire ? La réponse devrait être Susie Salmon, d’ailleurs, à certains moments, le spectateur retrouve quelques tirades narratives du livre et notamment l’ouverture bien connue « Mon nom est Salmon, comme le poisson, prénom Susie. J’avais 14 ans quand j’ai été assassinée le 6 décembre 1973 ». Malheureusement, il n’y a pas de constance dans l’utilisation de Susie comme prisme pour le spectateur. Bien entendu, la vision assez limitée de cette banlieue américaine, sous fond d’histoire d’amour ratée, suggère qu’il s’agit du point de vue d’une jeune fille de 14 ans. Mais à certains moments, le spectateur perd ce point de vue, et en vient à se demander s’il s’agit d’un drame ou d’un thriller, le ton du film ne parvenant jamais à véritablement s’affirmer.

Le film possède tout de même quelques atouts, et en particulier la performance de Saoirse Ronan dans le rôle de Susie, notamment lorsque le spectateur se rend compte que la plupart des scènes de la jeune actrice ont été tournées sur fond vert. De la même manière, Stanley Tucci incarne un effrayant Mr Harvey, autour duquel Peter Jackson arrive à créer une ambiance particulière, à la limite du malaise, qui colle très bien avec le personnage. Malheureusement, il n’y a pas vraiment d’échappatoire aux scènes surréalistes de l’existence spirituelle de Susie, un paravent qui risque d’aveugler le spectateur et de lui cacher le véritable drame humain qui aurait du être au centre de Lovely Bones. Dommage.


Initialement publié le 10.02.10