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The Square – Something is rotten in the state of Sweden



« The Square est un sanctuaire où règnent confiance et altruisme. A l’intérieur, nous sommes tous égaux en droits et en devoirs ». Une installation d’art contemporain dont la vocation est le vivre ensemble. Telle est l’ambition de Christian, conservateur du musée X-Royal de Stockholm, convaincu que la bienveillance doit être la pierre angulaire de la vie de chacun. Jusqu’à ce qu’il se fasse dérober portefeuille et téléphone en tentant d’aider une femme se faisant agresser dans la rue. L’agression est évidemment une mise en scène et les toutes les belles croyances de Christian volent en éclats lorsqu’il décide de confronter ceux qui l’ont dépouillé. Traçage du téléphone, lettres de menaces, … Tout est bon pour récupérer son bien. Et cette situation l’occupe à un point tel qu’il en devient négligent dans son travail. Avant que tout ne vire au désastre.

Une interview. Celle d’un conservateur de musée d’art contemporain suédois (Claes Bang, assez exceptionnel) par une journaliste américaine (Elisabeth Moss). Telles sont les premières minutes du film qui donnent immédiatement le ton. Une interview dont l’échange tourne à l’absurde lorsque la journaliste demande au conservateur de s’expliquer sur une obscure phrase qu’il a prononcé concernant la dernière exposition du musée. Phrase révélatrice de la masturbation intellectuelle qui entoure aujourd’hui le monde de l’art. La scène dure, encore et encore, faisant monter l’hilarité à chaque nouvel échange. Et le spectateur n’aura plus jamais de répit deux heures et demi durant tant l’exercice de style est puissant.

Grâce à sa mise en scène d’une implacable et d’une impeccable maîtrise, Ruben Östlund joue avec le spectateur autant qu’avec la caméra, alternant plans-séquences et hors-champs à l’envi, préférant se concentrer sur les réactions plutôt que sur l’action de ses protagonistes. Et chaque nouvelle scène est un moment de cinéma virtuose, que ce soit la performance artistique réalisée lors d’un dîner mondain qui tourne au malaise, la conférence de presse d’un artiste troublée par un homme sujet au syndrome de La Tourette, ou encore cet improbable rapport sexuel dont l’apothéose survient lorsqu’il s’agit de savoir qui de l’homme ou de la femme doit mettre le préservatif à la poubelle.

Autour de cette multitude de saynètes, un argument principal aux conséquences inattendues. Celui du vol du portefeuille et du téléphone du protagoniste. S’il souffre sur la fin de quelques longueurs, ce fil conducteur met habilement en lumière les contradictions de notre société. Une société qui se veut tolérante, ouverte, à l’écoute. Et qui révèle ses instincts de vengeance les plus primaires au moindre incident. Au final, l’empathie éprouvée par la classe dominante à l’égard de ceux dans le besoin n’est qu’un apparat : on tolère la pauvreté, mais de loin, en tenant de beaux discours sur l’entraide, mais en se raidissant dès qu’un indigent approche.

Pour autan The Square ne juge pas. Il questionne, abordant une multitude de thèmes : limites de l’art et de la liberté d’expression, recherche d’un idéal de bonheur individuel autant que collectif mais sans cesse confronté aux inégalités, inégalités que l’on dénonce sans pour autant les affronter dans notre quotidien, … La satire sociale frappe fort. Et elle frappe juste.