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Un Illustre Inconnu



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Après le succès du film Le prénom dans les salles françaises il y a deux ans, le duo Delaporte / De La Patellière revient avec une oeuvre très différente. Atypique, intriguant voire dérangeant, Un Illustre Inconnu nous oblige  à nous intéresser à la vie d’un homme sans intérêt. Sebastien Nicolas respire l’ennuie et la morosité, c’est pourtant bien lui le personnage principal de cette sombre histoire. Matthieu Kassovitz, enfant terrible du cinéma français, tantôt sacré génie et tantôt traité d’attardé par la presse, avait pourtant laissé prétendre qu’il ferait une pause dans sa carrière. Il était donc naturel qu’il revienne interpréter un rôle de caméléon sociopathe.

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On parle donc ici d’un film audacieux, qui casse certains codes du paysage cinématographique français. Une sorte de thriller hybride qui commence par dévoiler la fin sans trop donner d’informations aux spectateurs. Dès le début, on est intrigué par le comportement étrange d’un agent immobilier totalement banale et inutile, qui se travestit à l’extrême pour se sentir exister à travers de protagonistes plus charismatiques que lui. On est tout de suite impressionné par la performance de Kassovitz qui s’aliène mentalement, psychologiquement et physiquement pour usurper l’identité de ses victimes. Sebastien Nicolas a tous les traits d’un psychopathe, il agit comme un tueur en série sans en être un, et c’est cette ambiguité qui vient  contribuer à l’intérêt de l’intrigue.

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Le travail fait sur le maquillage est colossal et terriblement convaincant à l’écran. Idem pour la transformation faite sur la voix. Après m’être interrogé sur la possibilité de cette prouesse technique, Kassovitz et Delaporte expliqueront en projection presse qu’il s’agit  d’un énorme travail de post-production qui consiste à combiner la voix doublée de l’acteur d’origine avec la voix de Kassovitz qui prend l’identité de ce dernier. Le résultat est là aussi impressionnant.

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Implicitement, le film aborde des thèmes contemporains qu’on connait bien mais qu’on a du mal à vraiment accepter : le masque social, l’apparence et le fait de vouloir renvoyer aux autres une image de soit amplifié positivement pour se sentir exister. Notre profil Facebook est une version améliorée de nous-mêmes que nous renvoyons à autrui pour tenter de prouver que nous sommes  plus heureux que les personnes qui nous observent. On parle donc ici d’identité et de connaissance de soi, mais aussi de la paranoïa commune face au vol de ses données, à la crainte de voir sa vie virtuelle piratée et utilisée à des fins malveillantes, ou bien le fameux cloud, qui risque de tomber sur nos têtes un jour ou l’autre.

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On a donc à ce stade un certain nombre d’éléments qui pourraient faire d’Un Illustre Inconnu un excellent film : un acteur exceptionnel, une thèmatique passionnante et des prouesses techniques saisissantes. Seul problème : le film est aussi ennuyeux que le personnage qu’on suit. La première heure est soporifique, tant par son rythme d’une atroce lenteur, ses décores gris, ses personnages lugubres et cette musique obscure. La mise en scène vous fatigue et vous enferme dans des scènes à rallonge. On est comme coincé dans une spirale de morosité, un thriller à deux vitesses, un suspense en « slow-motion ». Certains dialogues sont inutilement longs pour tenter de développer rien d’autre que du vide existentiel. Cela peut être volontaire, mais ça n’en reste pas moins barbant. Le « twist » final, lorsqu’il arrive enfin, a un amer goût de frustration cérébrale.

Mais le film se positionne cependant comme une sorte de fable sociale, où le spectateur est invité à accepter la dimension poétique de l’oeuvre et donc à tolérer certaines situations improbables. C’est un récit qui invite à contempler la vie d’un homme à qui personne ne veut ressembler, mais qui pourtant aborde des sujets qui parlent à chacun de nous. C’est finalement ce thème implicite qui constitue le véritable intérêt de l’oeuvre malgré certains défauts.