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Intelligence Artificielle et Cinéma : Quand le 7e Art imagine des IA développant des sentiments



Comme la littérature avant lui, le cinéma aime interroger notre futur, qu’il soit proche ou plus lointain. Comme la fin du monde ou les ambiances post-apocalyptiques, la robotisation est un sujet inépuisable. Surtout lorsqu’il envisage une progressive émancipation des machines, pour le meilleur ou pour le pire.

Si Philip K. Dick a largement inspiré le cinéma d’anticipation, notamment Blade Runner pour ce qui est de l’intelligence artificielle, il n’est pas le seul auteur de S-F exploité par le grand écran. Isaac Asimov, qui a d’ailleurs grandement développé la thématique de la robotique et à qui l’on doit ses trois fameuses lois, a lui aussi servi de base à plusieurs film, dont L’Homme bicentenaire. Sorti en 1999 aux Etats-Unis et en 2000 en France, ce film réalisé par Chris Colombus s’inspire de la nouvelle du même nom signée Asimov et parue en 1976.

Imaginant un XXIe siècle où la robotisation s’est largement développée jusque dans les ménages, L’Homme bicentenaire est l’histoire d’un robot domestique baptisé Andrew (Robin Williams), conçu pour effectuer toutes sortes de tâches : ménage, cuisine, bricolage ou encore surveillance des enfants. Au contact de certains membres de la famille qui le possède, l’androïde se montre peu à peu doué de créativité et développe des émotions.

L’Homme bicentenaire, réalisé par Chris Colombus. Avec Robin Williams, Wendy Crewson, Kiersten Warren, Sam Neill, Embeth Davidtz, … (Sorti en France le 15 mars 2000)

 

Après Chris Colombus, c’est au tour de Steven Spielberg d’exploiter le thème de l’intelligence artificielle. S’appuyant sur une idée de Stanley Kubrick (décédé avant de pouvoir développer le film), basée elle-même sur la nouvelle Les Supertoys durent tout l’été de Brian Aldiss, A.I. Intelligence artificielle prend place dans un monde futuriste ravagé par le réchauffement climatique (est-il si futuriste que ça, ce monde ?). La fonte des glaces a submergée une grande partie des territoires habitables, provoquant famines et exodes en nombre. La procréation est à présent strictement encadrée et les robots se sont largement développés afin d’assurer les tâches domestiques. Et davantage. C’est ainsi qu’une famille décide d’adopter un enfant-robot pour pallier leur manque d’amour.

Conte des temps modernes, A.I. assume sa filiation directe avec celui de Carlo Collodi : Pinocchio. La marionnette voulant devenir un véritable petit garçon est ici un robot, mais la quête reste la même. Cette idée sera de nouveau exploitée une dizaine d’années plus tard par le cinéaste espagnol Kike Maíllo avec le film Eva. Primé à la Mostra de Venise de 2011, il raconte lui aussi l’histoire d’une enfant-robot se prenant pour une véritable petite fille.

A.I. Intelligence artificielle, réalisé par Steven Spielberg. Avec Haley Joel Osment, Jude Law, Frances O’Connor, Sam Robards, William Hurt, Brendan Gleeson, … (Sorti en France le 24 octobre 2001)

 

Si le cinéma grand public s’est fortement approprié le thème de l’intelligence artificielle avec les films de Chris Colombus et de Steven Spielberg, mais également avec certaines sagas dont il sera question plus tard, le cinéma indépendant s’est lui aussi penché sur le genre, avec notamment Ex Machina de Alex Garland (dont il est question dans notre article sur le test de Turing), ou encore Zoe de Drake Doremus. Distribué par Amazon Studios et Netflix, ce film – sorti directement sur la plate-forme de streaming le 20 juillet 2018 – réunit la française Léa Seydoux et l’écossais Ewan McGregor (Obi-Wan forever). Son scénario imagine un futur dans lequel un laboratoire de recherche scientifique travaille sur un moyen d’améliorer les relations amoureuses… grâce à des androïdes. Bien qu’intéressant sur le fond et épuré dans sa forme (qui joue sur une lenteur et une contemplation bienvenues), le nœud de l’intrigue se devine relativement facilement, ce qui retire un peu de sel à l’ensemble et ne vaut pas le magnifique Her de Spike Jones, bien plus audacieux et poétique.

Sorti aux Etats-Unis en 2013 et en France en 2014, le film de Spike Jones (à qui l’on doit par ailleurs l’excellent Dans la peau de John Malkovitch) imagine un futur proche dans lequel les systèmes d’exploitation sont conçus pour s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. Theodore, qui a du mal à se remettre de sa séparation avec sa femme, en fait l’acquisition. Il dote son OS d’une voix féminine, qui se choisit elle-même le prénom de Samantha. À mesure que leur relation se développe, le désir s’installe entre eux.

Porté par un Joaquin Phoenix une fois de plus impressionnant, Her – dont le scénario a été couronné de l’Oscar du meilleur scénario original en 2014 – est un film aussi beau que dérangeant tant il nous met face à un avenir plus que possible. Un avenir dans lequel les nouvelles technologies, créées à la base pour émanciper davantage les individus, renforcent l’isolement social et entraînent une dépendance vis-à-vis de la machine.

Her, réalisé par Spike Jones. Avec Joaquin Phoenix, Amy Adams, Rooney Mara, Olivia Wilde, Chris Pratt, … et surtout la voix de Scarlett Johansson. (Sorti en France le 19 mars 2014)