- Article publié sur MaXoE.com -


La BD du jour : Betty Boob de Julie Rocheleau et Vero Cazot (Casterman)



Récit muet qui aborde un thème difficile, celui du cancer et de la reconstruction suite à la maladie, Betty Boob délivre un message d’espoir d’une exceptionnelle force. Une héroïne qui n’a pas arrêté de vivre et entend bien repousser ses limites pour profiter de l’instant présent…

Une nuée de crabes se rapproche du lit où une jeune femme dort, nue, aux côtés de son ami. Les bestioles recouvrent très vite les draps et se dirigent vers le sein gauche de la femme qui se réveille tout en souffrance dans la chambre d’un hôpital. Ses cheveux ont disparu et une douleur se fait sentir sur sa poitrine où son sein gauche a été ôté et remplacé par une large cicatrice. La vie d’Elisabeth bascule, et, si le plus dur est passé, la chute ne s’arrête pourtant pas là…

Les chiffres donnent froid dans le dos. En France, en 2015, près de douze mille femmes mourraient d’un cancer du sein, soit l’équivalent de la population d’une ville comme Mende ou Provins. Elisabeth, elle, fait partie des plus de cinquante mille femmes touchées par la maladie. Pas forcément préservée par le mal découvert tardivement la jeune femme s’est vu subir l’ablation de son sein gauche, tandis que le traitement chimiothérapique qui a accompagné le traitement s’est accompagné, comme fréquemment, de la perte de ses cheveux bruns. Autant dire que, pour la jeune femme, le moral n’est pas au beau fixe. D’autant plus qu’elle ne peut pas vraiment compter sur le soutien moral et l’affection de son compagnon qui s’évanouit rien qu’à la vue des séquelles laissées par la maladie. Elisabeth va pourtant prendre sa vie en main. Première phase de sa reconstruction, plaquer cet homme qui ne voit plus en elle la femme désirable qu’elle a pu être. Deuxième phase, vaincre le regard des autres en devenant danseuse burlesque au sein d’une petite troupe de femmes qui possèdent de sacrés tempéraments. Rien n’est facile et surtout pas le long chemin qui doit la conduire à réapprivoiser son corps tel qu’il est devenu.

Elisabeth, qui prendra Betty Boob pour nom de scène, possède pourtant un atout maître, celui d’une envie préservée de croquer cette vie qui, si elle ne lui a pas forcément fait de cadeau, lui a ouvert les yeux sur la nécessité de ne rien regretter. Dans un récit qu’elles ont souhaité muet, hormis les paroles des chansons qui accompagnent les numéros d’effeuillages et les clameurs d’un public conquis, Julie Rocheleau et Vero Cazot délivrent un message d’espoir qui s’adresse autant aux femmes qu’aux hommes. Elisabeth, leur héroïne, possède un joli minois que la maladie n’est pas parvenue à faner. Et, même si son corps porte sur lui le témoignage des durs moments passés, elle entend bien rester femme, belle et attirante, d’où ce sourire qui se lit sur son visage à chaque fois que son nom est scandé dans la salle où elle se produit.  Comme pour mieux défier le mal sournois qui rôde peut-être encore dans les parages. Un récit d’une grande maitrise narrative, qui ne sombre jamais dans le pathos, dopé par un dessin lumineux de Julie Rocheleau. Une force d’expressivité transpire de chaque page et donne à voir toute la palette des sentiments qui traversent l’esprit d’Elisabeth. Ce récit qui fera date n’oublie pas, cerise sur le gâteau, de s’envelopper de volutes d’humour. Déjà incontournable !

Julie Rocheleau et Vero Cazot – Betty Boob – Casterman