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La BD du jour : Infinity 8, tome 1, 2 & 3 ! de Trondheim, Vatine et consorts…



La SF a souvent su se renouveler, franchir des étapes, et mettre le paquet lorsque la situation et le contexte le demandaient. Avec Infinity 8 initié par Trondheim et Vatine, le genre gagne un ton irrévérencieux au service de scénarios blindés qui s’enrichissent de la vision d’auteurs parmi les plus inspirés du moment (Bertail, Zep, Vehlmann, Balez, Kris, Biancarelli, Mourier…). Une série qui a du punch et se savoure pour ce qu’elle offre : un agréable moment de lecture qui contraste avec cette pléthore grisonnante de récits qui voit le jour en écho à la société qui nous est proposée…

Lancée à grands moyens de pubs, de communiqués de presse accrocheurs et de soirées de présentation non moins festives, la série Infinity 8 n’a pas vraiment d’égal sur le marché. A la base de cette aventure le très dynamique Lewis Trondheim initiateur du projet, qui veille à la cohérence de l’univers, tandis qu’Olivier Vatine se voit proposé la direction artistique du projet. Comme le titre le laisse penser Infinity 8 se construit autour de huit récits qui peuvent se lire indépendamment les uns des autres mais qui forment aussi un tout homogène dont le lecteur assidu pourra se délecter. Les épisodes vont s’articuler autour d’une trame commune que l’on peut résumer en quelques mots : Infinity 8, un vaisseau spatial bien particulier dirigé par un commandant d’une très ancienne race, sorte de grand ver aquatique poulpé, traverse l’immensité de notre univers en direction de la galaxie d’Andromède. En cours de chemin il tombe sur un improbable amas de détritus qui se révèle être un cimetière à ciel (ou plutôt espace) ouvert. Tombes, mausolées, sarcophages, anciens vaisseaux d’un autre temps, forment un rempart infranchissable qu’il va falloir explorer pour ne pas s’y laisser prendre. Le commandant de l’Infinity 8 possède un don propre à son espèce. Il peut ouvrir des portes temporelles de huit heures pour observer ce qui s’y passe. Il peut alors choisir de poursuivre l’exploration de cette porte ou bien effectuer un reboot complet qui replace l’Infinity 8 à sa situation de départ. Concrètement nous l’aurons compris, notre grand ver bleu et blanc qui se dandine dans son bain va explorer tous les reboot possibles. Huit aventures vont alors prendre forme avec chacun une ouverture sur la destinée d’un agent de sécurité (ici, étrangement huit jeunes femmes à la plastique des plus ravissante) chargé d’analyser la situation pour tenter de sortir de l’impasse.
Dans le premier opus, Zep au scénario et Bertail au dessin parviennent, sous le contrôle de Trondheim, à poser le contexte plaçant ainsi l’univers sur des bases élevées. On y suit le destin de la pulpeuse Yoko, dont s’est amouraché un kornalien qui la suit partout tel un groupie. Alors qu’elle tente d’explorer le fameux amas de tombes hétéroclite, elle découvre qu’un groupe de kornaliens essaye de s’en prendre au propulseur à plasma d’Infinity 8. Pourra-t-elle sauver le vaisseau d’une fin tragique ? Dans le second opus placé dans les mains de Trondheim et Vatine (sans aide extérieure), Stella, elle aussi agent de sécurité se verra le soin d’encadrer une fête un peu spéciale organisée par des néo-nazi acquis à la cause du Führer et qui finance ses actions en vendant des mugs, des gâteaux, croix de guerre et autres goodies des plus « attractifs ». Prise dans un processus de contrôle des personnalités réalisé par la tête retrouvée de l’homme à la moustache, parviendra-t-elle a décrocher de l’emprise de l’ex-dictateur pour sauver l’Infinity 8 entre deux poses pour réaliser des selfies ? Dans le tome 3 enfin, qui vient juste de sortir, la belle et mystérieuse Emma-Ô-Mara est à son tour appelée pour étudier l’amas de gravats nécropolien qui fait face à l’Infinity 8. Alors que la mission lui est présentée par le lieutenant du vaisseau sous le contrôle du commandant, la jeune femme dégaine son arme et tue le bedonnant officier avant de couper le renouvellement d’eau du commandant le condamnant à une mort lente. Elle prononce alors des phrases étranges dont le point culminant est à trouver dans celle-ci : « Je tue dix personnes mais je vais en sauver des milliards ». Que veut donc dire la belle Emma ? Le dessin d’Olivier Balez fait mouche sur ce scénario très audacieux de Fabien Vehlmann.
Cette série qui convie la fine fleur des scénaristes et dessinateurs du moment détonne par l’audace tant narrative que graphique qu’elle déploie. Les deux premiers opus ont été présentés sous la forme de trois fascicules façon comics américains avant d’être publiés en album cartonné. Le ton libre, la volonté de bousculer les codes tout en assimilant et revendiquant des influences que nous vous laissons découvrir, font d’Infinity 8, qui n’en est pas encore à mi-parcours, l’une des bombe SF de ce début d’année 2017 !
Bertail, Zep, Trondheim, Vatine, Balez et VehlmannInfinity 8 : Romance & macchabées (T1), Retour vers le Führer (T2) et L’évangile selon Emma (T3) – Rue de Sèvres – 2016 – 17 euros l’un.