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La BD du jour (Interview vidéo) : Le chemin des égarés de Vincent Turhan (Les Enfants rouges)



Pour un premier récit, sélectionné dans le cadre du MaXoE Festival 2017, Vincent Turhan place la barre très haute en s’attachant à suivre le parcours de trois marginaux, junkies pris dans l’après ouragan Katrina en Louisiane. La destruction sonne pour eux comme une remise à zéro. Sauront-ils saisir une seconde chance ?

Deux hommes, César et Layne, s’injectent leur jus quotidien et s’en vont planer vers des pays lointains. A leur retour à la lucidité ils découvrent un monde désolé, frappé par un cataclysme qui a tout emporté avec lui. Nous sommes en 2005, quelque part dans une petite ville de la banlieue de La Nouvelle-Orléans juste après le passage de l’ouragan Katrina qui venait de durablement défigurer la ville et une grande partie de la Louisiane. Alors que nombre d’habitants ont fui à l’appel des autorités et des médias pour se réfugier en lieu sûr à des centaines de kilomètres de là, les deux hommes, bientôt rejoints par Joe, un autre marginal, déconnectés du réel, peuvent s’estimer heureux d’avoir survécus au déchainement des éléments.

Ils n’en prennent cependant pas spécialement conscience, préférant orienter leurs conversations et intérêts premiers vers la recherche de leur prochain shoot. Ils quittent dès lors leur faubourg désolé pour prendre la direction de la grande ville où ils pensent mettre la main sur leur fournisseur « attitré ». Un périple qui les verra croiser la route d’un père et de son fils bien décidés à se rendre au Texas pour quitter une Louisiane devenue hostile, d’un marginal un brin philosophe qui, au travers de ses tirades, amènera Layne à réfléchir sur son futur possible, et surtout Zoé, une fille qui possède une fraicheur naturelle malgré ses emmerdes qui redonnera le goût de la vie à nos trois loustics. Dans ce voyage qui pourrait bien être sans retour, César, Layne et Joe vont beaucoup apprendre sur eux, se remettre, ou pas, en question et tenter pourquoi pas de dévier leur trajectoire de quelques degrés pour voir si le ciel n’est pas moins sombre en reprenant la main sur leur destin…

La couverture du Chemin des égarés capte tout de suite notre regard. A la tombée du jour, dans un paysage mal défini, trois hommes semblent errer sans que leurs pas n’épousent forcément la même trajectoire. Layne, César et Joe possèdent des destins et des origines (sociales et ethniques) bien différents. Les emmerdes les ont pourtant réunis. De l’ouragan Katrina ils ne sauront rien, si ce n’est qu’il a remis, pour beaucoup, les compteurs à zéro. Une remise à plat qui sonne pour nos trois personnages comme le début d’une seconde vie possible. Pour accentuer cette « renaissance » Vincent Turhan livre peu d’éléments concrets du passé de chacun pour se concentrer sur l’instant présent/premier qui pourra peut-être tout changer pour eux. Le sujet de cette histoire, l’auteur l’a glané en suivant sur le terrain des associations venant en aide aux marginaux.

En couchant sur le papier les gueules meurtries d’hommes et de femmes qui avaient parfois depuis longtemps quittés le réel pour vivre dans un concret bien plus terre-à-terre, il glanait sans le savoir encore l’idée de travailler sur Le Chemin des égarés. Un récit plus optimiste que les premières planches ne le laisse penser et qui, malgré la rectitude de la ligne tracée comme pitch de départ – un périple vers La Nouvelle-Orléans – possède des sinuosités et des zones d’ombres qui le densifient en permanence. Le dessinateur livre, à un peu plus de trente ans, un premier album qui démontre une touche graphique très personnelle dans laquelle tous les éléments ne sont pas de simples décors mais apportent à l’intrigue. Un travail qui révèle un auteur à suivre !

Vincent Turhan – Le chemin des égarés – Les enfants rouges

A découvrir l’interview de Vincent Turhan