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La BD du jour : Monet, nomade de la lumière de EFA & Rubio (Le Lombard)



Monet jouit d’une inébranlable popularité en France et au-delà où des expositions d’ampleur lui sont consacrées. Il intéresse aussi la BD qui s’appuie tout à la fois sur le combat de l’artiste pour imposer l’impressionnisme et sur une carrière à la longévité exceptionnelle qui traversa les époques et les courants. Retour sur la vie et la carrière d’un peintre inspirant…

Le voilà contraint de fermer les yeux pour tenter de soigner une double cataracte. Lui qui a toujours cherché la lumière pour en inonder ses toiles, maintenant plongé dans le noir, devra attendre pour savoir s’il pourra recouvrer la vue et achever les innombrables projets qui germent encore dans son esprit. Obligé au repos, avant que les bandelettes posées sur ses yeux ne soient retirées, Oscar-Claude Monet se souvient de ce moment-révélation où il a eu l’impression de vraiment voir pour la première fois. Le début d’une envie maladive de peindre le monde, ses couleurs, sa lumière, au risque parfois de se mettre en danger.

La vie de Monet fait l’objet depuis quelques années de pas mal d’attention dans l’univers du neuvième art. Après le travail de Vincent Gravé pour la collection Grands peintres de Glénat dans laquelle il évoque la manière dont le peintre s’est attaqué aux Nymphéas, après la série Musnet de Kickliy qui met en scène une petite souris qui tente de devenir peintre en observant le maître dans le jardin où elle a élu domicile, Monet, nomade de la lumière du duo EFA/Rubio démontre l’attrait du neuvième art pour l’œuvre et le parcours du chef de file de l’impressionnisme. Dans ce dernier projet les deux auteurs mettent en lumière non seulement l’apport du maître à la peinture mais aussi sa bataille pour dépasser un académisme phagocytant duquel il devenait nécessaire de s’affranchir. Pour cela ils embrassent les grandes phases de la carrière du peintre. Tout d’abord son apprentissage essentiel aux côtés d’Eugène Boudin qui devait lui enseigner l’intérêt de capter un paysage en extérieur pour en révéler toute la pureté et la lumière plutôt que de rester cloîtré dans les murs d’un atelier.

Ensuite le passage par l’atelier Gleyre qui, à défaut de lui apprendre quelque chose de vraiment tangible pour ses travaux futurs, devait lui permettre de rencontrer Renoir, Bazille, Sisley et Pissarro. Enfin ses déambulations dans la banlieue éloignée de Paris, à Chailly-en-Bière, Ville-d’Avray, Croissy-sur-Seine, Argenteuil, puis, plus loin, à Trouville ou au Havre, pour travailler dans un cadre inspirant au contact d’autres artistes engagés dans le grand bousculement des dogmes. Si la biographie de Monet est respectée dans les grandes lignes, le récit s’attache surtout à décrire les difficultés financières qui devaient toucher le peintre durant la première partie de sa carrière (jusqu’à l’âge de 43 ans) où il vivota dans l’incompréhension de son époque. Aidé par Bazille jusqu’à ce que le peintre ne disparaisse dans le sale conflit franco-prussien de 1870, puis par divers mécènes dont l’un d’entre eux n’était autre que Gustave Caillebotte, peintre notamment des Raboteurs de Parquet et soutien actif de tout le mouvement impressionniste, le peintre devait lutter chaque jour pour que l’impressionnisme gagne ses lettres de noblesses, dans un Paris souvent railleur face à une peinture jugée ridicule pouvant être dessinée par un enfant ou un singe… Les deux auteurs livrent un récit qui fait mouche pour nous immerger dans l’œuvre du peintre, même si la forme reste surtout biographique et ne s’aventure pas vers un tentant impressionnisme qui aurait pu sonner faux. C’est limpide, efficace et donc digne de figurer dans la short-list de 2017 !

EFA/Rubio – Monet, nomade de la lumière – Le Lombard