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Focus BD jeunesse (9ème volet) : Aventures sur des terres inconnues ou presque !



L’aventure au loin dans des pays merveilleux ou étranges bercés d’illusions toujours plus vivaces. Pour les jeunes lecteurs le voyage reste le meilleur moyen de découvrir les beautés du monde. Et, lorsqu’on a la chance d’habiter un de ces lieux étranges qui regorgent de splendeurs, les découvertes sont toujours propices aux exaltations comme c’est le cas d’Aliénor qui tout en étudiant les champignons parvient à découvrir des mandragores. Pour le jeune Walker, la destination à suivre vers le sud porte un nom, ce seront les îles de la Mangue ! pour Braven Oc la destination sera le palais de Torguen pour libérer son village de la malédiction qui le frappe. William Webb Ellis découvre quant à lui les dangers enfermés dans les bois qui jouxtent le village de ses cousins. Wiz enfin devra défier une momie aux pouvoirs démesurés pour accomplir la mission qui lui est confiée. Ou comment les enfants peuvent infléchir l’ordre des choses… tout du moins dans les récits d’auteurs à l’imagination débordante !

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Ovalon

Ovalon de Donsimoni, Dos Santos & Guérin – Le Lombard (2015)

Dans les couloirs d’une école so british des enfants s’amusent à se passer un ballon de rugby. Deux groupes se forment très vite et chacun entend bien être le premier à déposer le graal  au pied de la tapisserie représentant la coupe de Webb Ellis. Manque de chance, un plaquage terrible vient contrarier les plans de l’équipe d’Arthur qui pensait bien avoir effacé tous les adversaires. Dans le choc le ballon vient heurter une statue représentant un griffon. En punition de cet écart Merlin, un ancien pensionnaire des lieux, demande aux troubleurs de l’ordre de rédiger une rédaction sur l’histoire de la coupe de Webb Ellis. Pour cela l’homme racontera l’histoire ancienne des aventures de William, d’Harry et Argheim, ses deux cousins, survenue près de deux siècles plus tôt. Avec la surprenante Nathalie, sportive émérite et le plus posé William, intello de service, les trois gamins vont jouer avec une balle de cuir jusqu’au moment où le jeu les conduit en plein cœur d’un bois que l’on dit hanté…
Alors que la coupe du monde de rugby bat son plein sur le territoire anglais (tiens, tiens…) Sylvain Dos Santos et Rémi Guérin sur un dessin de Régis Donsimoni, proposent un récit plutôt atypique qui revient sur les origines du rugby, au travers d’une fiction mettant en scène l’homme qui le premier eu l’idée, alors qu’il n’était âgé que de 16 ans, de prendre un ballon de football par la main pour le déposer dans l’en-but adverse. Le rugby devait naitre de cet écart à la règle et c’est sous la forme d’un récit jeunesse qui mêle fantasy, personnages de la Table Ronde et univers à la Harry Potter. Dans ce premier volet nos cinq personnages vont se retrouver piégés au cœur d’un match de Courgebulle par des personnages des bois qui voient dans l’intrusion sur leur territoire des cinq marmots une violation pure et simple. Harry et Argheim prisonniers, William Webb Ellis proposera une solution originale pour les libérer, une solution en forme de défi des plus osé… Plutôt bien mené, le récit bénéficie d’un cahier final qui replace le rugby et la soule (l’ancêtre de ce sport) dans son contexte historique, et retrace l’histoire légendée et réelle de Webb Ellis. Un premier opus qui ouvre une série de trois récits rythmés comme on les aime !

Dos Santos, Guérin & Donsimoni – Ovalon – Le Lombard – 2015 – 9,99 euros

 

Fantasy sport

Fantasy Sports de Sam Bosma – Gallimard (2015)

Wiz et Mug travaillent ensemble sur des missions visant à rapporter des objets magiques pour l’ordre auquel ils appartiennent. Mug, baroudeur un brin rustique frappe souvent avant de réfléchir mais se révèle efficace dans les missions qui lui sont confiées. Wiz quant à elle est en plein apprentissage pour devenir magicienne et se voit encadrée par un guerrier aux pratiques qui la révulse. Plus fine et plus sage, elle entend utiliser son intelligence pour réussir là où parfois la force semble la seule issue. Mais voilà les deux approches du métier de pilleur de trésor magique ne sont pas vraiment compatible, c’est ce que pensent Wiz et Mug qui ne veulent plus poursuivre leur collaboration. Ils se rendent au Conseil de l’Ordre ancestral des mages unis pour demander tous deux une réaffectation. Mais l’Archimage ne l’entendra pas de cette oreille et les enverra sur une mission très sensible au sein d’un antique temple, afin justement, que leurs divergences trouvent peut-être un point de concordance…
Récit jeunesse qui construit un véritable univers riche et déluré, Fantasy Sports se révèle surprenant à plus d’un titre et en premier lieu par la typographie de couverture qui emprunte un brin au style Bollywood. Passées les premières pages qui posent le contexte, nos deux héros vont se plonger dans leur mission sur un rythme effréné et se trouver très vite à devoir vaincre une momie redoutable qui se dit porter le sobriquet de « l’homme aux pas de géant ». Un véritable gourou qui règne sur une immense arène placée en plein cœur de son temple. Une arène dont les spectateurs ne sont autres que les squelettes des hommes venus pour piller le maitre des lieux et qui se voeint piégés dans cet entre-deux. Déluré ce récit vaut surtout pour son originalité et le ton léger qui s’y développe. Le dessin se met en phase avec le propos développé même s’il se fait un peu chargé. On retiendra le défi plutôt réussit de faire reposer la plus grande partie du récit sur un seul match de basket, mais ce tour de force devient aussi une faiblesse en ce sens que l’univers dépeint ici pouvait largement déborder de ce seul cadre et qu’en ce sens on pouvait en espérer plus. A découvrir en tout cas comme porte d’entrée d’un univers au vrai potentiel !

Sam Bosma – Fantasy Sports N°1 – Gallimard BD – 2015 – 12,90 euros

 

Alienor

Aliénor Mandragore de Gauthier & Labourot – Rue de Sèvres (2015)

Dans sa champignonnière basée en plein cœur de la forêt de Brocéliande le druide Merlin délivre son enseignement ancestral à sa jeune fille Aliénor. En cette journée paisible l’action est portée sur l’étude des champignons. Une transmission du savoir qui se veut avant tout théorique et qui, pour tout dire, se révèle plutôt indigeste pour la jeune fille. Alors qu’elle s’éloigne en douce de son père emporté par l’exposé de son savoir, Aliénor découvre une pousse étrange qui s’élève sur un petit monticule de terre. Rien de bien inquiétant au premier abord sauf que, lorsqu’elle tente de la saisir, son père intervient dans une exclamation plutôt ferme et catégorique : Noooon ! Et de lui expliquer qu’elle vient de dénicher une racine rare et particulièrement recherchée baptisée mandragore. Une racine dangereuse que l’on ne déterre pas sans prendre certaines précautions. Au pourquoi d’Aliénor qui suit son père enchaîne en expliquant que le cri de la plante peut tuer quiconque s’en approche sauf bien sûr un druide de la trempe de Merlin… 
Le riche univers de la légende arthurienne a donné lieu à de multiples relectures dans toutes les formes d’expression artistique. Dans les mains de Séverine Gauthier et de Thomas Labourot le lecteur se voit emporté dans les sous-bois qui s’élèvent près de la cahute de Merlin l’enchanteur. Un Merlin dont on découvre la fille Aliénor, apprentie distraite qui, si elle ne révèle pas forcément de talents évidents pour la magie, va pourtant découvrir qu’elle possède un don qui pourrait lui valoir une attention particulière de la part des autres magiciens et sorcières de la contrée : la jeune fille déniche avec une facilité déconcertante les lieux où se développent les mandragores, des racines rares utilisées dans la confection de diverses potions. Mais les mandragores peuvent se révéler être des racines dangereuses pour ceux qui n’y prennent gare. En effet le cri de la plante tout juste arrachée de terre se révèle mortel pour toute personne placée à sa proximité immédiate ! Le scénario repose sur une distance salvatrice prise avec le sérieux du traitement aperçu sur d’autres projets traitant de la légende arthurienne. Ici le ton léger, qui repose sur une écriture qui use à bon escient de l’humour parfois pince-sans-rire se révèle d’une efficacité redoutable. Si le projet vise avant tout un public jeunesse, le dessin se fait suffisamment dense et travaillé pour intéresser aussi les lecteurs plus âgés qui trouveront dans cette histoire a priori toute simple une relecture brillante d’originalité d’un univers aux potentiels illimités…  

Gauthier & Labourot – Aliénor Mandragore – Rue de Sèvres – 2015 – 12 euros

 

Braven Oc

Les chroniques de Braven Oc de Ruiz, Picksel & Alcante – Kennes (2015)

Le paisible village de Salcius est placé sous la dominance des Homoplantes, un peuple belliqueux qui asservi les Humains en les ponctionnant régulièrement des rares richesses qu’ils parviennent à réunir. Un jour le seigneur Torguen débarque au village accompagné d’une garde rapprochée pour interroger son vassal sur les raisons qui l’ont poussé à ne pas honorer le tribu de dix sacs d’argent exigé à chaque lune. Syrus Oc, chef des humains, s’avance alors vers son seigneur pour s’expliquer avec lui et lui indiquer que le tribu aurait été versé dans sa totalité au percepteur comme à l’habitude. Cette affirmation ne convainc pas Torguen qui figera les hommes dans des troncs d’arbres qu’il fait pousser là où les villageois s’étaient rassemblés. Braven Oc, fils du chef des Humains, qui n’était pas présent sur les lieux et n’a donc pas subit le châtiment de Torguen, va tenter de faire justice en révélant les malversations qui semblent se mettre en place autour du paiement de l’impôt…
Récit jeunesse inscrit dans la veine fantasy, Braven Oc propose de suivre le parcours du fils du chef des Humains au travers d’une épopée dangereuse qui le verra se diriger vers la cité seigneuriale. En chemin il rencontrera Tamia, une jeune fille issue d’une race saurienne, Amalek un archer qu’il va sauver, à l’aide de sa fronde, des griffes acérées d’un rapace bien décidé à l’occire, puis, plus tard, d’un farfadet nommé Becfigus. Les quatre amis traverseront les terres dangereuses de la contrée afin de lever le sortilège qui s’abat sur le village de Salcius. Même si le scénario emprunte parfois quelques raccourcis, le rythme et les aventures proposées dans ce premier opus se révèlent plus que sympathique. Elles réjouiront sans peine les jeunes lecteurs avides de récits épiques !

Ruiz, Picksel & Alcante – Les chroniques de Braven Oc T1 – Kennes – 2015 – 11,95 euros

 

L’insubmersible Walker Bean

L’insubmersible Walker Bean d’Aaron Renier – Sarbacane (2015)

Il est des légendes qui bercent les nuits des enfants amoureux d’aventures lointaines vécues sur des mers parfois hostiles. Les marins y découvrent d’étranges créatures vivant sous les eaux tumultueuses d’un océan infini ou dérivent à la recherche d’un improbable trésor enfoui des décennies plus tôt. C’est ce type d’histoires que raconte ce grand-père à la moustache blanche le soir venu à son petit-fils Walker. Et pour tout dire on aurait tendance à le croire, car cet amiral émérite à parcouru les mers dans tous les sens y croisant des personnages singuliers porteurs de récits mystérieux et édifiants. Des récits parsemés d’un fantastique de circonstance qui participe à la mise en ambiance et à la construction d’un imaginaire foisonnant. Un jour ce grand-père se voit atteint d’un mal étrange qui le cloue au lit au point d’affoler toute la garnison. Pour vaincre le mal, l’amiral explique qu’il faut replacer un crâne dans la fosse où il devrait se trouver et à laquelle il a été arraché. Le père du jeune Walker, lui aussi marin, partira au loin vers les îles de la Mangue pour tenter de briser le sortilège s’abattant sur l’amiral. Mais la méfiance du vieil homme le conduit à conseiller au jeune garçon d’être aussi de la traversée…
Récit addictif s’il en est, L’insubmersible Walker Bean propose de suivre un jeune garçon sur les traces de deux sirènes devenues sorcières qui terrorisent les hommes qui sillonnent les mers à proximité des îles de la Mangue où elles occupent un abysse effrayant où sont contenus les cadavres des plus téméraires des humains réduits à former la structure d’un immense mur sous-marin… Dans ce récit épique mené tambour-battant, il est question de piraterie, du monde à jamais perdu de l’Atlantide, d’une malédiction venue frapper les hommes qui observent avec curiosité le contenu d’un sac mystérieux contenant un crâne maléfique, d’un système ingénieux destiné à perdre les marins qui naviguent à vue le soir venu, d’un homme mystérieux capé qui marche d’une étrange manière, d’une amitié sincère entre trois jeunes aventuriers en herbe, de légendes et de contes ancestraux contés au coin du feux aux enfants avant qu’ils ne rejoignent Morphée. Des éléments qui, mixés ensembles, donnent une réelle dimension au récit, lui ouvrant les portes des meilleures histoires d’aventures échevelées. Le jeune lecteur (mais pas que) qui a déjà navigué sur les récits de Stevenson, de Defoë ou de Verne trouvera dans Walker Bean tous les ingrédients qui happent le lecteur et le pousse à tourner les pages du récit de manière compulsive afin d’assembler les pièces de l’immense puzzle échafaudé par Aaron Renier. Le scénario riche et dense trouve son pendant dans un dessin au découpage astucieux qui, superbement rythmé, offre des pleines et doubles-planches d’une efficacité redoutable. Un pavé de 200 pages qui doit accoucher d’une suite et faire des aventures de Walker Bean un véritable incontournable de littérature graphique pour ados et adultes ayant gardé leur âme d’enfant. L’une des meilleures surprises de cette rentrée !

Aaron Renier – L’insubmersible Walker Bean –  Sarbacane – 2015 – 23,50 euros