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Ils ont fait l’histoire, BD et destins guerriers…

L’histoire garde trace de ses stratèges, de ses artistes, de ses scientifiques, de ceux qui changèrent leur époque et imposèrent un regard nouveau sur leur époque. Par la force des armes le destin des nations se trouve souvent balloté, la loi du plus fort trouvant toujours mieux, plus sanguinaire, plus obtus, plus enclin à verser le sang, plus stratège aussi… Erik le rouge fut le premier colonisateur du Groenland, cette terre – ou plutôt ses glaces inhospitalières – qui devait marquer la présence de l’homme toujours plus au nord, son destin émaillé de tueries sauvages nous est présenté par le danois Soren Mosdal. Pizarro ne fit pas non plus dans la dentelle pour tenter d’amasser des quantités astronomiques d’or au détriment du peuple inca. Un or qui devait lui valoir une reconnaissance en Espagne. Enfin nous présenterons les deux premiers opus de la collection Ils ont fait l’histoire initiée par le duo d’éditeur Glénat et Fayard. Deux premières tranches de vie saisissantes que celles de Vercingétorix et Philippe Le Bel…

  Vercingétorix 1

 

Erik le RougeErik le rouge est un monstre de puissance physique, un guerrier aguerri qui ne brille pas par sa capacité à analyser comme il se doit les situations qui se présentent à lui. Alors qu’il entre en conflit sur les terres d’Islande avec un de ses voisins à qui il aurait prêté des poutres en bois, il règle le différent de manière expéditive en le tuant lui et ses deux fils. De cet épisode et du bannissement qui s’en suivit devait naitre la légende d’Erik Le rouge. L’homme se décida à aller vers le nord sur une terre qu’il aurait dénommée Groenland (Terre verte) pour attirer les futurs colons. Alors qu’il s’est établi là depuis quelques temps déjà Erik voit revenir son fils Leif d’Islande. Mais les retrouvailles qui auraient pu être joyeuses vont de trouver en partie gâchées par la présence d’un prêtre qui accompagne son fils, converti au christianisme et qui entend construire une église sur les terres de son père resté fidèle au dieu Odin…

La saga d’Erik le Rouge inspire les récits graphiques. Après la parution du premier tome d’une série dédiée au héros nordique : Erik le rouge – Le Sang des Vikings de Di Giorgio et Sieurac aux éditions Soleil en 2012, Soren Mosdal propose donc une nouvelle version dans laquelle l’historiographie tient une part moins marquée que sa représentation symbolique. Le Danois voulait depuis longtemps livrer un récit historique et il a opté avec ce héros de saga avec un personnage qui peut faire exploser son talent graphique. Mosdal est connu des initiés en France pour avoir livré au début des années 2000 des récits expérimentaux chez Amok. Avec Erik le Rouge, roi de l’hiver, il revient à une dimension épique et symbolique particulièrement forte graphiquement. Les pleines pages laissent respirer un récit qui ne se veut jamais bavard. La suggestion étant la force de ce récit qui dépeint un héros aux prises avec des démons qui le poursuivent, avec aussi cette confrontation avec son fils qui exhale les tensions qui touchent un peuple coupé entre deux religions, celle des ancêtres, vouant un culte étroit à Odin et celle qui émerge et gagne du terrain chaque jour, porté par des représentants capables de gagner à eux ceux qui hésitent encore à prendre parti. Un album surprise d’une efficacité redoutable qui surprend autant qu’il donne de plaisirs de lecture…

Soren Mosdal – Erik le Rouge, le roi de l’hiver – Casterman – 2014 – 22 euros

  

L'or des fousAssoiffé d’or à en mourir. Pour Pizarro, le conquistador sanguinaire, il ne fait aucun doute que de sa capacité à amasser des fortunes dépendra sa reconnaissance en Espagne. Revenir auprès du Roi sans apporter la preuve de la présence du précieux métal sur des terres arrachées à des peuplades primitives bien supérieures en nombre parait inconcevable à celui qui fera plier un empire à la force de son épée. Mais là où beaucoup auraient plié, Pizarro, par cette soif de l’or et une confiance aveugle dans sa capacité à vaincre l’ennemi, parviendra à préserver ce rêve même si la réalité s’affichera bien différente de ses desseins… A la tête de son expédition Pizarro débarque sur les côtes péruviennes avec l’idée de retrouver Cajarmaca, la cité aux riches promesses. Il croit atteindre son but mais le prêtre de l’expédition est formel, la cité se trouverait bien plus en profondeur dans les terres et bien plus haut en altitude. Chargés de leurs armures, de leurs canons et de victuailles, les hommes du conquistador s’enfoncent dans ce pays qui deviendra vite hostile. Pourtant il semblerait que tout ne joue pas en la défaveur de l’expédition espagnole. Une guerre civile se déroulerait au sein même de l’empire inca, laissant une chance à Pizarro. Il se liera ainsi aux Huascars qui « sont en principe des amis » pour fonder sa stratégie de conquête et approcher l’empereur suprême Atahualpa. Le reste est connu des manuels d’histoire. Fait prisonnier l’empereur inca proposera contre sa libération de remplir la salle dans laquelle il est détenu d’or et d’argent…

Di Giorgio et Olivares poursuivent le récit de la conquête du Pérou par Pizarro et de sa soif de l’or. D’un point de vue formel le dessin parvient à se faire suffisamment dense pour suggérer les tensions d’une époque trouble et pour offrir un beau panorama de détails historiques qui crédibilisent ce récit (costumes, décors, architecture…). Sur le fond le récit se fait lui aussi plus dense et plus porté vers la déraison d’un homme envahit par cette fureur de conquête et de recherche de l’or. Le second volet de ce triptyque donne à voir un Pizarro sanguinaire, peu respectueux des coutumes et des traditions d’un empire, tranchant de fait avec le Pizarro qui se faisait plus adouci sur son lit de mort dans le premier volet de cette série. La suite pourrait livrer encore des surprises grâce à l’intervention d’un personnage mystérieux et décidé…

Di Giorgio & Olivares – L’or des fous T2 – Soleil – 2014 – 13,95 euros

 

VercingétorixLe proconsul Jules César sillonne les campagnes de la Gaule du nord pour essayer d’obtenir un contrôle total sur les peuples qui osent encore ne pas plier devant Rome. Guidé par Galba il manque de mourir noyé dans un étang… Plus tard lors d’une trêve due à l’avancée de l’hiver, Jules César profite de son temps pour écrire les récits de sa campagne dans les Gaules, qui deviendra La guerre des Gaules. A cette occasion un chef gaulois qui n’est autre que Vercingétorix demande que le futur empereur romain écoute son récit et le consigne par écrit pour que l’histoire retienne son nom et son action d’opposition aux légions surentrainées au combat. Tout débute avec la mort de Celtillos le père de Vercingétorix, brûlé vif par des chefs gaulois qui lui reprochent de vouloir devenir chef de toutes les Gaules. Vercingétorix n’est alors âgé que de cinq ans. Dès lors il sera éduqué par les druides pour le volet spirituel et par les armées romaines, qui éduquent les Gaulois de haut rang qui ne se sont pas opposé à elles, pour le sens du combat. Un jour, et alors que Vercingétorix achève son service d’armes chez les romains, il apprend le soulèvement des Carnutes qui massacrèrent l’intendant de Rome à Cenabum. L’occasion d’accomplir son destin – qui reste de chasser les romains de Gaule – à partir de cet évènement s’impose comme une évidence pour le jeune homme…

Le rapprochement opéré par les éditions Glénat avec des partenaires éditeurs (Editions du Patrimoine par exemple) n’est pas nouveau. Cet opus confié à Adam, Convard et Vignaux aidés de l’historien Stéphane Bourdin s’inscrit dans cette mouvance et propose une co-édition avec les éditions Fayard. Cela permet d’obtenir un récit de bande dessinée de bonne facture quant au déroulé de la trame narrative avec une attention portée aux connaissances historiques de la période tant au niveau des faits que du contexte de l’époque, de la description des villes, des fortifications, des techniques et machines de guerre, des costumes et des coutumes… Cette matière historique sert notamment Fred Vignaux dans son travail de restitution graphique de la Gaule. L’album, un 46 planches classique propose un cahier final dans lequel l’historien rappelle les faits qui nous sont connus et, tout aussi intéressant, les auteurs nous expliquent la façon dont ils ont travaillés et pris des latitudes par rapport à l’histoire officielle dans un volet baptisé Making of. Le personnage de Vercingétorix reste mythique par son opposition à Rome et à son représentant Jules César. Cet album lui rend hommage sans tomber dans le panégyrique mais en s’appuyant sur les faits ou des interprétations plausibles de l’histoire officielle. Une série qui devrait trouver son public et qui livre déjà un premier opus convainquant.

Adam/Convard/Vignaux – Vercingétorix – Glénat/Fayard – 2014 – 14,50 euros  

 

Philippe le BelBleu roi. La couverture décline la teinte qui a fait l’histoire des rois de France. Parmi ses plus dignes représentants, Philippe Le Bel ou Philippe IV pour les plus protocolaires, fait pourtant montre d’un manque de reconnaissance criard. Elevé dès son plus jeune âge par frère Gilles qui lui enseigne les rudiments et les approfondissements qui lui permettront de s’élever plus tard et de prendre la succession d’un père autoritaire en la personne de Phlippe III le Hardi. Amoureux de vènerie, le jeune prince héritier est placé à 17 ans sur le trône à la mort de son père en 1285. Son règne, peut-être charnière dans l’histoire de France, en ce sens qu’il est placé juste avant le guerre de 100 ans qui devait jeter un trouble profond sur le royaume, est marqué notamment par un assainissement des finances publiques et par une opposition farouche au pontife de Rome avec qui il se battra pour énoncer la primauté du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel. Cette lutte n’est pas anodine en ce sens que les visées de Philippe Le Bel étaient bel et bien de prendre un contrôle sur les dimes ecclésiastiques et sur les privilèges de l’église qui seront mieux encadrés.

Avec ce second opus de la collection Ils ont fait l’histoire, le duo d’éditeur Glénat/Fayard confie à Mathieu Gabella et Christophe Regnault, entourés de deux historiens, le soin de dresser le portrait d’un règne charnière dans l’histoire de France. Philippe Le Bel dans sa lutte contre le pape, mais aussi dans la conquête des Flandres pose les jalons de ce qu’allait être son règne, celui d’un subtil jeu d’influence et de domination. Le scénario bien documenté gagne en densité mais perd peut-être un peu de liant ou d’émotion dans les nécessaires explications proposées au lecteur pour qu’il puisse saisir les enjeux politiques du règne de Philippe IV. Le dessin de Regnault porte le récit et ouvre, par l’utilisation de superbes contre-plongées une dimension et une perspective qui n’a d’égale que la personnalité affirmée du roi de France. Le règne de Philippe le Bel et sa recherche de renforcement du pouvoir n’a pas une visée personnelle, mais bel et bien celle d’un renforcement du royaume et de son influence en Europe. Le dossier qui clôture l’album, comme pour Vercingétorix, donne des clefs pour comprendre l’époque. Le fameux Making of, qui semble être la marque de fabrique de cette collection propose aux auteurs d’expliquer leurs choix graphiques et scénaristiques, pour mieux entrer dans l’intimité de la création de l’œuvre. Indispensable pour les amoureux de récits historiques !

Gabella/Regnault – Philippe le Bel – Glénat/Fayard – 2014 – 14,50 euros


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