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La BD du jour : Au bout du fleuve de Jean-Denis Pendanx

Il y a cette Afrique bariolée, qui offre sourires et joies faciles, il y a aussi l’envers du décor, qui se joue dans les arrière-cours des bureaux occidentaux pour savoir qui viendra exploiter les richesses minières ou pétrolières d’un sol devenu propriété du plus offrant. Au milieu de tout cela des destins meurtris et des espérances à retrouver…

Sur une route de terre cabossée entourée d’une végétation luxuriante, un homme transporte sur une moto un amoncèlement hallucinant de bidons d’essence. Quelques instants plus tard, la cargaison explose. Kémi fait ce cauchemar depuis la mort de son père, tué en tentant de transporter une cargaison de kpayo, un carburant local non raffiné. Depuis lors, pour vivre, le jeune homme a repris la station-service de son père. Les affaires ne sont pas florissantes et Kémi doit rembourser les frais d’obsèques. Il sait qu’il ne parviendra jamais à faire face à cette créance. Il accepte alors de transporter jusqu’à Porto Novo, pour Marcellin, au péril de sa vie, une cargaison du fameux carburant. En échange il gagnera de quoi vivre quelques temps et surtout, son commanditaire lui a promis de lui révéler des informations sur la disparition de Yao, son frère jumeau. Comme dit le dicton perdre son jumeau c’est perdre la moitié de son âme. Le jeune Kémi va donc décider de tout plaquer pour traverser le Bénin et se rendre au Niger. Un voyage qui n’est pas sans danger et qui va le faire grandir…
Si Au bout du fleuve se teinte d’une forme d’onirisme propre à l’Afrique, à sa magie, à ses croyances, à sa beauté parfois surréaliste, il s’inscrit aussi et surtout, terriblement, dans le quotidien des hommes. Des êtres meurtris par une société tout à la fois gangrénée par le pillage de ses ressources opéré par des multinationales qui ne lésinent pas sur les moyens à employer, mais aussi, et peut-être plus dramatiquement, par des hommes du peuple qui n’hésitent pas à exploiter et faire prendre des risques à d’autres en brandissant l’espoir si recherché d’une amélioration possible de la situation individuelle. Au milieu de cette Afrique en mouvement, d’une société qui se cherche, Kemi va entreprendre un grand voyage. Un de ceux qui indubitablement forge un homme, sculpte son regard et l’amène à prendre des décisions, qu’elles soient bonnes ou plus impactantes sur son futur. La vie n’a pas épargné le jeune homme qui a perdu sa mère très tôt, sans la connaitre vraiment avant que son frère ne parte au loin, vers un long voyage dans le Delta du Niger et que son père ne succombe à l’explosion d’une moto transportant du kpayo, un carburant non raffiné hautement inflammable si l’on considère ses conditions de transport.
Jean-Denis Pendanx livre ce récit en portant seul, pour la première fois, la responsabilité du scénario et du graphisme. Peut-être car il y a beaucoup de lui dans cette histoire. L’Afrique, l’auteur de Tsunami ou du Maître des crocodiles, la connait bien pour y avoir effectué des voyages réguliers pour des résidences d’auteurs. Il a pu la humer, tenter de comprendre sa diversité, sa richesse et sa fragilité, sa capacité à encaisser les coups, à courber l’échine sans pour autant totalement sombrer. Une Afrique qui possède pour elle ses beautés, sa capacité à se sublimer, à croire en l’espoir d’un avenir meilleur là où le monde occidental ne voit qu’un espace de richesses à conquérir. Le dessinateur livre donc un visage contrasté de cette partie de l’Afrique – n’hésitant pas à offrir des images fortes de bidonvilles bariolés qui se perdent au loin – au travers des yeux d’un héros qui a déjà payé de sa personne le droit d’espérer de meilleurs jours. Les rencontres sont parfois juste esquissées, comme elles le sont souvent lors de voyages au loin, elles n’en sont pas moins importantes dans le parcours onirique que Kemi entreprend. Un récit d’une incroyable force qui offre une image saisissante de l’Afrique et invite incontestablement à la réflexion, comme peuvent le faire Hubert Sauper ou Sylvain Prudhomme avec d’autres mediums…
Pendanx – Au bout du fleuve – Futuropolis – 2017 – 20 euros


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