- Article publié sur MaXoE.com -


La BD du jour : Bonnes surprises des derniers jours… (1ère partie)



Pas le temps de s’ennuyer en cette fin de mois d’avril et début du mois de mai, pour preuve les très belles sorties que nous vous présentons ici en deux volets, histoire de rattraper le temps pour cause d’ordinateur non accessible ! Pour commencer nous revenons sur la publication d’un artbook superbe tant sur la forme que sur le fond, celui de Pascal Blanché, très connu dans l’univers du jeu vidéo. Une porte d’entrée dans un univers singulier qui nous happe… Nous continuerons par le très intrigant Shrimp, l’histoire d’Albert, un cuistot timide qui voue un amour secret pour sa voisine chinoise Mia et qui va s’embarquer sur un bien étrange bateau. Enfin pour finir ce premier volet de nouveautés nous ne pouvions pas ne pas revenir sur cet album tout aussi étrange de Hubert et Zanzim, Ma vie posthume, où les dures lois d’une vie que se prolonge malgré tout…

 

 

Samedi 28 avril 2012

Plus connu des gamers que des bédéphiles, l’univers de Pascal Blanché ne doit pourtant pas se résumer qu’à ses jeux : Avatar : The game, Myst IV Révélation ou Naruto : Rise of Ninja. A ses heures perdues – tard la nuit lorsqu’il ne dors pas – son esprit n’est plus occupé par la modélisation de ses nouveaux jeux. Il aime alors développer les traits des personnages qui prennent corps dans sa tête. Des êtres hybrides, mutants, aux couleurs et formes parfois inconnues de nous. Ces créatures créées pour le plaisir fondent l’inspiration de Pascal Blanché. Peut-être plus personnelles, ces esquisses, dessins, modélisations forment un univers singulier qui fascine par le sens du détail, les attitudes, les regards et expressions qu’il donne à ces hommes et femmes de lointains futurs et/ou lointains espaces géographiques. Les hommes possèdent une stature imposante à partir d’une musculature surdéveloppée. Un condensé de puissance rehaussé de mâchoires carrées peu avenantes. Les regards, lorsqu’ils sont décryptables, semblent perdus, absents ou préoccupés par on ne sait quel contexte qui se développe hors champs. Les femmes elles sont fines, peu vêtues, aux poitrines généreuses, fermes pointées vers un ciel mal défini. L’aura qui se dégage d’elles possède quelque chose de très sensuel. Pour autant ces femmes, qui ne sont pas de simples « reproductrices » comme on peut le voir ailleurs dans des séries futuristes, jouent un rôle actif dans l’équilibre d’un monde que l’on imagine tourmenté. Guerrières, elles se protègent, tout comme les hommes, derrière des armures plus ou moins imposantes. Les mondes dans lesquels ils prennent corps paraissent arides, fragiles, lignes de vue desséchées tels des déserts profilés jusque d’infinis territoires reculés dans des no man’s land inhospitaliers. Le dessin centre sur les personnages, la vie. Le reste n’est que pure fantasmagorie. Loin de tout savoir sur ces mondes nous lisons dans les expressions, les regards lointains le trouble d’un contexte et de tensions palpables.

A noter que ce superbe artbook, divisé en section, décortique dans l’une d’entre elles la réalisation, étape par étape, d’un dessin modélisé, du croquis préalable, aux banques d’images dessinées puis aux assemblages de matières dans ZBrush et la finalisation dans Photoshop. Un ouvrage essentiel qui se veut autant bel objet que découverte d’un artiste et de son univers créatif.

Pascal Blanché – Derelict Planet – CFSL Ink Éditions/Ankama – 2012 – 25, 90 euros

 
Lundi 30 avril 2012

Shrimp, c’est l’histoire d’Albert, un gars ordinaire, cuistot de son état qui ravi ses clients de croquettes  aux crevettes. Son resto ne désempli pas au point qu’il devient difficile de trouver une place pour dîner si l’on n’a pas réservé à l’avance. Ce succès fait un peu la fierté d’Albert qui donne le meilleur de lui-même à sa tâche. Sa vie affective ne connaît par contre pas de véritable envolée. Pour autant il ne perd pas l’espoir. Il est secrètement amoureux de Mia, sa voisine, qu’il n’ose pas approcher véritablement pour lui révéler ses sentiments. Mais qu’importe, la maladresse dont il fait preuve en sa présence suffit pour que la jeune femme le trouve touchant et lui adresse des sourires qui, semble-t-il, le comblent au plus haut point. Attentionné envers elle il en oublie presque sa vie de dévotion derrière les fourneaux. Situation classique déjà vue ailleurs où l’amoureux transi passe à côté d’une vie moins plate et lénifiante. Cette trame de façade cache ici bien autre chose…

Un soir que Mia vient dîner avec son petit ami Chang, jeune homme à l’air sévère qui confirme très vite n’être pas forcément du type facile, Albert surprend, dans leur conversation en chinois, un nom qu’il connaît bien : Las Palmas. Or il faut savoir que Las Palmas est le paradis de la crevette, un eldorado que le cuisinier rêve de parcourir. Il se rapproche alors des deux amoureux pour échanger sur cette destination de rêve. Mais Chang ne semble pas très enthousiaste de cette intrusion dans sa vie privée. Une fois payée l’addition il sort précipitamment du restaurant oubliant une enveloppe mystérieuse… contenant rien de moins que le billet d’embarquement du jeune homme pour Las Palmas. Albert, pour la première fois de sa vie, va forcer le destin et embarquer sur le bateau pour la destination qui le fait rêver depuis toujours… lui qui n’avait jamais été plus loin que Pannecock… Mais le voyage réservera bien des surprises et pas des moindres ! Tout d’abord la destination n’est pas vraiment celle attendue et les autres voyageurs sont tous chinois. Que se cache-t-il derrière ce voyage en forme de transhumance d’un peuple ?

Cette histoire sans prétention révèle trois auteurs qui se lancent dans le monde de la BD de manière fort encourageante. L’histoire d’Albert se révèle particulièrement touchante. Nous nous reconnaissons tous un peu dans ce personnage, brave gars un brin maladroit mais bourré d’humanité. L’humour omniprésent, les mimiques de chien battu qu’arbore Albert au détour de situations qui le dépasse et le soin apporté au scénario bien ficelé, qui laisse se développer un vrai suspense au fil des pages donnent à ce premier volet une saveur spéciale, un peu comme celle des croquettes aux crevettes que sert son héro, une saveur qui reste longtemps en bouche et que l’on souhaite prolonger et renouveler aussi souvent que possible…

D’Aoust/Donck et Burniat – Shrimp T1 – Dargaud – 2012 – 11,99 euros

 
Mercredi 2 mai

Contrairement aux personnes de sa condition, lorsque la plus tout jeune Emma Doucet meurt, elle ne rejoint pourtant pas les cieux cléments. A peine si elle s’aperçoit du trou béant qui la traverse de part en part au niveau du torse. Une bien vilaine blessure mortelle… Mais Emma reste pourtant auprès des vivants. Peut-être n’en a-t-elle pas fini avec eux ? Peut-être a-t-elle des comptes à régler avec cette fange d’arrivistes intéressés par une disparition rapide afin de « laisser place » et permettre la réalisation de beaux projets ? Qui a bien pu vouloir l’éliminer, elle qui possède semble-t-il tous les attributs de la bonne petite grand-mère, avec certes ses états d’âmes et son franc parlé mais sans mauvais fond non plus ? Annie, sa femme de ménage/aide à domicile ? Sa nièce qui souhaite de manière fort discrète récupérer la maison dans laquelle elle vit encore ? Le maire de la charmante bourgade dans laquelle elle a établi résidence, avec feu son mari, il y a plusieurs décennies, afin de récupérer la parcelle d’où s’élève sa maison pour y construire un programme immobilier bien plus lucratif ? Tous les paris restent ouverts !

Ce diptyque précieusement drôle ouvre aussi une réflexion sur la vie, ses turpitudes, ses envies, ses désenvies, ses tensions, ses rancoeurs, ses jalousies… Tous ces sentiments qui dénotent de la faiblesse des hommes sont évoqués en substance dans cet album par le biais du flash-back d’Emma sur son passé et celui de son entourage. Même si la mémoire semble lui jouer des tours, les grands enchaînements de sa vie sont réévoqués pour nous permettre de comprendre ce qui a pu engendrer le désir de la tuer. Et au fur et à mesure tout semble s’emboîter ou s’emboîtera. Des liens se tissent, des déroulés s’envisagent par le biais d’éléments posés ça et là et qui stimulent notre perspicacité. Le scénario, vous l’aurez compris, s’impose comme une vraie réussite. Le dessin de Zanzim quant à lui accompagne cette histoire en jouant sur la simplicité de mise en page des cases, plutôt classique, permettant de renforcer le scénario. Une belle réussite dont nous attendons incontestablement la chute dans le second volet !

Hubert & Zanzim – Ma vie posthume T1 – Glénat – 2012 – 12, 55 euros