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La BD du jour : Du vent sous les pieds emporte mes pas de Castadot et Brynaert



Rien ne peut influer sur nos choix si ceux-ci sont défendus avec la vigueur et la conviction nécessaires. Léon va en faire la dure expérience lui qui, même s’il donne l’impression de vivre dans sa bulle, fragile et perméable, peut aussi s’affirmer en tant qu’artiste et surtout en tant qu’homme…  

 

 

La poésie du titre laisse entrevoir bien des surprises cachées. Cet album possède une force d’attraction troublante. L’histoire en elle-même repose sur quelques fils tendus avec délicatesse pour maintenir le cap d’un récit poignant construit tout en atmosphères. Rythme d’une vie de village dans une campagne des Ardennes belges à la veille du premier conflit mondial. Les heures passées pèsent deux fois plus lourd qu’ailleurs. Mais ce cadre permet à quiconque en éprouve l’envie de se plonger dans la méditation et la création. Léon est un jeune garçon différent des autres gamins de son âge. Trop tôt orphelin de mère il vit mal la rudesse d’un père cafetier qui ne le comprend pas. Le jeune garçon n’aspire pas à une vie calquée sur celle de ces proches. Artiste dans l’âme ses pensées quittent souvent le monde réel pour le porter vers des cieux plus empreints de passion et d’observation du monde qui l’entoure.

Alors qu’il joue près d’un ruisseau avec son ami Fernand, Léon va croiser le destin d’un ermite vivant sur un bateau qui a quitté depuis longtemps les eaux fluviales censées le porter. Le vieillard, sombre artiste peintre que sa vie retirée à elle aussi rendue peu affable, va s’ouvrir pourtant progressivement au jeune homme par leurs intérêts communs pour l’art et le dessin. L’homme forgera le style du garçon, lui apprenant à voir, à ressentir, à vivre de son regard pour mieux servir son imagination et sa vision d’artiste en devenir. Les heures passées avec cet homme blessé d’un amour disparu se révèlent riches tant sur le plan créatif que sur l’attention portée à la vie et aux troubles qui viennent s’y greffer sans que l’on puisse vraiment les éviter.

Léon va grandir mais vivra enfermé dans ses doutes et dans un monde en perpétuel décalage avec le réel. Alors qu’il tente sa chance pour révéler enfin son art aux yeux de tous, il découvre à ses dépens que le monde reste vicié par l’argent, la puissance et le contrôle du destin des uns par des charognards prêts à tout. Autant d’éléments qui le rebutent et lui permettent de réaffirmer haut et fort son désir de liberté.

Réflexion sur l’art, la création, une vision du monde souvent dure et la fragilité des êtres face à un monde qui ne laisse que peu de place au temps, à la réflexion et à l’art. Le dessin de Gaëtan Bynaert se décline en couleurs ocres apportant l’aspect du vieux récit patiné par le temps qui conserve suffisamment de densité pour faire de Léon ce gamin et cet adulte en construction qui s’affirme au fil des pas qu’il accomplit vers un destin qui, à défaut d’être celui espéré, sera son choix. Un choix dicté par ce besoin d’affranchissement qui devrait nous caractériser tous…

Une des belles découvertes du moment !

Castadot/Brynaert – Du vent sous les pieds emporte mes pas – Soleil Quadrants – 2012 – 17, 95 euros