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La BD du jour : Eve sur la balançoire de Nathalie Ferlut

Il faut parfois des années pour arriver vers les sommets, construire patiemment sa route et se fortifier des expériences vécues. Pour Eve Nesbit le destin a pris une tournure inverse. Très tôt projetée sur les feux de la rampe, la jeune femme, muselée par une mère gangrénante, retrouvera l’ombre. Un destin cruel tiré d’une histoire vraie dans une Amérique en pleine transformation…

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L.10EBBN001845.N001_EVEbalanc_C_FRIl est des visages qui ont marqués l’histoire mais dont on ignore tout ou presque. Celui de ce vahiné au sourire étincelant ventant une marque de boisson chocolatée, celui de cette fillette criant de douleur après une attaque au napalm durant la guerre au Viêt-Nam, celui encore de cet étudiant défiant les chars chinois sur la place Tien An Men. Le nom d’Evelyn Nesbit ne vous dit sûrement pas grand-chose. Elle fut pourtant celle qui incarna l’image de la femme américaine au début du vingtième siècle, une icône à partir de laquelle toutes les femmes pouvaient s’identifier. Eve Nesbit possédait une beauté trouble, mélange de candeur et d’inaccessibilité. Elle s’imposa comme indispensable pour nombre de marques en plein essor dans cette société de consommation qui se développait comme jamais auparavant. Eve connu une ascension vertigineuse de simple modèle pour des artistes en vogue elle s’afficha comme l’égérie d’un milliardaire capricieux et coureur, Stanford White, architecte apôtre de la démesure. Puis, aussi soudainement qu’elle fût projetée sur les affiches, les écrans et les médias à fort tirage, elle regagna l’ombre pour ne jamais plus éclore…

Cette histoire de la « True American Eve » a passionné Nathalie Ferlut qui lui consacre un album épais et plutôt bien construit. La dessinatrice a basé son récit sur l’évènement qui devait précipiter la chute d’Eve Nesbit à savoir la participation au procès de son mari accusé du meurtre de Stanford White. Nathalie Ferlut fait de ce moment le pivot de la vie de la jeune femme au cours de laquelle elle mena une véritable introspection qui devait déboucher sur une relecture de son passé soigneusement retranscrit ici par la dessinatrice. D’un point de vue formel cette construction scénaristique permet d’embrasser l’ensemble de la carrière de celle qui passionna les foules et dont l’image était devenue culte dans une Amérique qui venait tout juste d’entrer dans l’ère de la société de consommation. Les rapports entretenus par Eve, d’une part avec une mère autoritaire qui « vendait » sa fille au plus offrant pour récupérer de quoi faire vivre l’ensemble de la famille, et d’autre part avec les hommes qu’elle fréquentait sans passion, excepté l’interlude malheureux avec John Barrymore chassé par sa mère, permettent de tisser une partie de l’aspect émotionnel de la jeune femme. Un destin tragique retranscrit à partir d’une documentation fournie compilée par Nathalie Ferlut qui livre aussi, en parallèle de la trame principale une somptueuse description de New York, ville qui connait alors une véritable mutation économique et architecturale. D’un point de vue graphique Eve sur la balançoire conjugue plusieurs techniques utilisées pour offrir un dégradé de climats qui donnent une certaines poésie au récit sombre ou cruel comme le dit si bien le sous-titre de l’album. Les traits parfois jetés, parfois fins et ronds donnent de l’épaisseur au projet qui se voit rehaussé par un jeu subtil de couleurs. Un album intimiste qui impose sa touche. Superbe !

Nathalie Ferlut – Eve sur la balançoire – Casterman – 2013 – 18 euros

 


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