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La BD du jour : Je suis le gardien de mon frère de Makyo et Wei

Secrets de famille qui construisent et déconstruisent l’histoire commune. Niko et Ivan, deux frères vont connaitre une enfance bouleversée par la cruauté d’un père alcoolique. Les deux frères ne s’aiment pas, en raison du favoritisme porté sur l’un d’eux et les coups assénés avec une rare violence sur le second. Descente dans la noirceur des liens qui pourtant nous unissent encore et toujours…

Il existe des histoires qui naissent et se développent dans l’ombre. De celles que l’on n’ose révéler car trop communes ou trop effrayantes, parfois habitées par des non-dits, des secrets cachés ou cette banalité de la vie qui passe et dans laquelle les destins semblent scellés d’avance. Des histoires de familles dans lesquelles les différents protagonistes se rassurent en se disant que c’est peut-être pire ailleurs. Car tout le monde le sait, chaque famille possède ses propres secrets, des secrets inavouables qui hantent l’espace vide du temps. Des secrets qui minent les esprits et les envahissent toute une vie durant. Des secrets trop lourds à porter et qui, indéniablement, poussent ceux qui les gardent en eux à franchir certaines limites, à plonger dans une douce aliénation au réel. Alors il y a des repliements sur soi, des climats qui s’instaurent toujours plus pesants et malsains. Pris dans une spirale de violence le dialogue se rompt peu à peu. Le fil casse et les deux bouts ainsi révélés possèdent peu de chance de se réunir de nouveau. Dans un tel contexte le seul moyen de se rattacher au concret passe parfois par le simple fait de coucher des mots sur une feuille, des mots que l’on voudrait éructer, cracher comme le venin qui boursoufle nos âmes en perdition, des mots qui possèdent peu de sens pour celui qui les capte de l’extérieur, borborygmes criards aux desseins mal définis. Ces mots sont pourtant le remède aux maux qui  nous rongent. Niko et Ivan l’ont compris eux qui s’échinent à coucher des lignes sur le papier. Ces mots qui ne sortent pas, qu’ils ne se disent pas ou peu et qui de fait instaure un climat et un rapport sur le modèle si loin si proche.

Le scénario de Pierre Makyo se révèle parfois oppressant, il nous tient, nous prend aux tripes. Fait naitre en nous des pourquoi qui ne trouvent pas toujours de réponses ou au mieux un éclaircissement diffus. Les personnages se font denses, ils occupent l’espace. Le cadre est souvent secondaire instaurant une sensation de huis-clos familial dans lequel la spirale des sentiments prend corps. Nous pénétrons dans l’esprit des personnages au point de réveiller en nous des résurgences, des images de notre propre passé. Le dessin de Liu Wei se construit dans des teintes grises, sur des jeux d’ombres, des regards, des inclinaisons de corps, des gestes et des indices qui nous en disent beaucoup sur les êtres qui nous entourent. Il se fait donc révélateur du récit qu’il accompagne tout du long en renforçant la sensibilité des mots. Si les secrets de famille sont parfois dur à révéler, Pierre Makyo s’attache à déceler leur résurgence, leur duplication dans le temps. Serions-nous pris dans un cycle récurrent et inéluctable qui nous rattrape tous ?

Pierre Makyo et Liu Wei – Je suis le gardien de mon frère – Glénat – 2012 – 19,50 euros


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