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La BD du jour : Le dernier brame de Servais

Un auteur à succès en manque d’inspiration, une femme troublée par un livre au point de sombrer dans une aliénation quasi-complète, une fille prête à remonter le cours de l’histoire pour retrouver sa mère et la nature sauvage sur laquelle trône le cerf, puissant et élégant, fantastique métaphore de la bestialité et de la domination de certains hommes sur les plus vulnérables… Mais les positions établies ne sont jamais figées dans le temps…

 

 

Dans les forêts encore sauvages, à la fin de l’été et au courant de l’automne, dès que le crépuscule pointe ou aux premières lueurs de l’aube, nous pouvons entendre retentir le brame. Cri rauque du cerf audible sur plusieurs kilomètres alentours, il marque la période des amours et le défi lancé par le mâle dominant aux autres prétendants pour les avertir des dangers qu’ils courent à s’aventurer sur son territoire. Servais excelle dans la description de la nature, dans les représentations du monde animal et de ses symboliques rattachées. Il nous livre avec Le dernier brame, un récit sous forme de métaphore mettant aux prises un auteur à succès, Bernard Chalenton, et deux personnages féminins que nous allons apprendre à découvrir. Nous sommes en 1983, lors d’un salon du livre, Chalenton se soumet à l’exercice de la dédicace. Il signe et paraphe des centaines d’ouvrages lorsqu’arrive à lui Claudine, une jeune femme d’apparence fragile qui lui tend Monsieur Blanche, un roman de l’auteur sur l’amour qui l’a fascinée. Un dialogue s’instaure entre les deux protagonistes, la jeune femme qui se dit envoûtée par cette œuvre lui révèle son secret caché, son désir le plus cher : que son futur enfant soit également un auteur reconnu. Au cours de cet échange Chalenton lui glisse discrètement sa carte personnelle en l’invitant à l’utiliser… Vingt-deux ans plus tard Claudine a sombré dans une aliénation que personne n’arrive à briser ou même à comprendre. Pensionnaire d’un institut de soins, elle vit loin des bruits de la ville. Abandonnée à sa naissance, sa fille Colette va essayer de renouer le contact, de briser le mutisme qui enveloppe l’univers créé par Claudine. Cela passera inévitablement par un rapprochement avec Chalenton, pour un voyage dangereux dans un univers délétère fait de manipulation, de perversion et de sombres machineries.

Dans cet album Servais aborde des thèmes peu entrevus jusqu’alors dans son œuvre, ceux de la création artistique et de la lutte psychologique portée à son paroxysme. Œuvre trouble, hymne à la nature et aux femmes, des sujets qui fondent l’œuvre du dessinateur belge, Le dernier brame opère une attraction saisissante sur son lecteur. Jeu de pouvoir, de lutte pour la suprématie, le récit se teinte d’un suspense qui s’épaissit au fil des pages. Chalenton qui tient dans son emprise ceux qui le côtoie sera-t-il encore le chef de meute, celui qui dicte sa loi aux autres ? Pour ce chassé-croisé, Servais  emprunte des narrations somptueuses à Alain Bertrand, romancier belge originaire de Gand. Il offre surtout un album qui mêle habilement sexe, pouvoir et nature dans une mise en couleur somptueuse. Un grand Servais, encore et toujours…

Servais – Le dernier brame – Dupuis – 2011 – 16,50 euros


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