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La BD du jour : Lehman, la crise et moi de Papin et Appert



Attention à la crise ! Au beau milieu d’une économie qui joue avec l’argent qu’elle n’a pas encore et où le virtuel n’a de beau que le rêve de ceux qui y croient forcément à tort, naissent des situations humaines préoccupantes. Certes pour les voir il faut vouloir regarder à la loupe la micro-entreprise, la PME dynamique mais dépendante des marchés et des contrats qu’elle arrive à faire signer, bref il faut regarder ce que l’on ne nous montre pas forcément car pas assez sexy. Pourtant dans cette enchevêtrement de désarrois multiples naissent parfois des valeurs humaines, des envies de partage, des idées que tout n’est pas forcément joué, et pour cause !

Le titre n’a pourtant rien d’accrocheur au premier abord : Lehman, la crise et moi. La crise nous la connaissons tous pour en subir encore aujourd’hui pas mal de dommages collatéraux. Le nom de Lehman Brothers ne nous est pas non plus étranger puisque nous avons eu loisir de découvrir la chute en direct live de cette banque prise dans l’engrenage de la crise des subprimes. Là où cet album arrive à nous surprendre c’est justement dans le moi du titre. Lehman, la crise et moi s’oriente donc autour d’un récit autobiographique. Il se construit autour d’un patron de PME ayant le vent en poupe qui va vivre la longue et sinueuse descente aux enfers. Lui c’est Nicolas Doucerain, un jeune pdg dont le talent, le travail et le respect pour ses employés ont fait passer son cabinet conseil de prometteur à institutionnalisé. Le cabinet c’est Solic, boite spécialisée en conseil en recrutement pour de grandes entreprises ou multi-nationales qui n’ont pas le temps et l’envie d’éplucher des dizaines, des centaines voire des milliers de CV prometteurs et qui laissent donc le soin à Solic de filtrer les demandes afin de permettre de choisir les meilleurs éléments pour les postes proposés. Mais avec la crise ambiante, l’activité des entreprises s’essouffle et la priorité n’est pas portée vers le recrutement de nouveaux collaborateurs. Nous comprenons ici toute la fragilité de la situation pour Solic qui, faute de pouvoir confirmer de nouveaux contrats – bien au contraire –, va traverser la dure loi des licenciements économiques, du dépôt de bilan, de la mise en redressement judiciaire avec toutes les conséquences que cela suppose sur les vies personnelles de chacun.

Avec cet album mi-histoire personnelle, mi-précis sur la crise économique issue d’une spéculation irraisonnée, Florent Papin et Etienne Appert nourrissent leur propos, s’immiscent dans ces aspects sensibles souvent traités dans l’émotion du direct avec justement le temps de l’analyse. Ici le patron n’est pas tyrannique, il ne quitte pas le navire en plein naufrage, il accepte même de ne pas se rémunérer dans l’espoir d’alléger suffisamment les charges qui pèsent sur son entreprise. Pour autant il devra briser certains des destins de ses employés fidèles dont certains ont participés à la croissance et à la reconnaissance de Solic.

Un scénario qui emprunte au récit de Nicolas Doucerain, Ma petite entreprise a connu la crise publié chez Bourin éditeur en février dernier. Le propos se fait direct, ne sombre jamais dans le didactique même s’il décortique au scalpel l’ensemble du processus qui conduira le pdg de Solic vers une situation de crise sans précédent. Le trait direct d’Appert joue sur les expressions, s’autorise quelques virées dans l’esprit des personnages rongés progressivement par l’angoisse des lendemains sombres. Un album non dénué d’espoir et qui offre une vision alternative de la crise au travers d’une PME pas forcément modèle-type mais qui démontre l’envie et la passion de ceux qui les animent parfois…

Florent Papin et Etienne Appert –  Lehman, la crise et moi – La Boite à bulles – 2012 – 16 euros