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La BD du jour : L’invention du vide de Nicolas Debon



Repousser ses limites, par défi, pour la simple gloire, avec déraison, au péril de sa vie et de celle de ces compagnons de route. En s’attachant à révéler le destin de trois alpinistes hors pairs qui furent les premiers à gravir le Grépon dans les Alpes françaises, Nicolas Debon nous livre, une fois de plus, un récit fort, teinté d’humanisme et de respect pour la souffrance des corps… A dévorer de toute urgence !

 

Nous entrons dans cet album avec retenue, avec aussi le respect dû à la nature, cette nature difficile à maitriser, qui nous confond parfois mais que, finalement, à force d’acharnement et de conviction, se voit parfois domptée par des hommes prêts à sacrifier leur vie pour faire corps avec elle. La montagne a fasciné les hommes depuis la nuit des temps. Terrain de chasse ou de gloires les plus diverses dès l’antiquité, elle devient un lieu de défis sportifs sous l’initiative de quelques bourgeois anglais du XIXème siècle. Les sommets alpins se gravissent ainsi les uns après les autres. Des courses à l’exploit s’organisent… L’album de Nicolas Debon parle de l’un d’eux.

Milieu de l’été 1881. Trois hommes – Alexandre Bergener, Albert Frederik Mummery et Benedikt Venetz – s’apprêtent à partir à la conquête du Grépon, une aiguille considérée comme inviolable. Des alpinistes aguerris s’y sont déjà cassés les dents mais l’homme apprend toujours de l’homme et si des voies se sont révélés fermées, d’autres peuvent porter plus d’espoirs… Nous assistons incrédules aux repérages et aux différents préparatifs. Les sacs s’emplissent de tout un matériel hétéroclite : cordes de manille, piolets, lorgnettes, compresses de graisse, whisky et vin dans les gourdes. Les doutes s’installent, des choix s’opèrent, le lecteur se trouve plongé au cœur de l’action, dans l’intimité des trois alpinistes. Là une fissure traversant les dalles offre une prise vers les hauteurs, ici une saignée dérisoire, surréaliste, jonchée à flanc de roc propose une voie pour contourner l’obstacle. Nos héros oseront-ils défier cette lame de rasoir, négatif d’un ancien mouvement de terrain salutaire, pour repousser l’idée du mur défini infranchissable par les anciens vaincus de cette aiguille acérée ?

Récit surprenant, L’invention du vide conjugue histoire, récit sportif, émotion, poésie dans l’instant, amitié virile face à l’exploit à construire, suspense, doutes et réjouissances. Nicolas Debon, qui nous avait déjà enthousiasmé avec son Tour des géants, confirme encore qu’il sait mener ses récits, construire avec de petits riens des canevas bourrés de pépites. Le dessin offre des successions de zooms et dézooms, des panoramiques grandioses et des cases contemplatives face à cette nature, cette montagne qui reste, encore aujourd’hui, le terrain privilégié des défis les plus fous…

 Nicolas Debon – L’invention du vide – Dargaud – 2012 – 16,45 euros