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La BD du jour : Mongo est un troll de Philippe Squarzoni

Il est des univers parfois mystérieux et sanglants dans lesquels de longues épopées donnent le ton d’une saga à faire frémir les adeptes de récits épiques. Les héros sont souvent valeureux, capables de repousser la mort plus que de raison, et surtout possèdent cette aura qui fait d’eux des hommes et des femmes que l’on n’oublie pas. Les héros qui prennent corps dans Mongo est un troll ne sont pas de ceux-là, et pourtant, malgré leur maladresse et leur manque de discernement ils arrivent à nous happer dans leur délires déambulatoires…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

mongo_est_un_troll_couvertureDans un cimetière plutôt frisquet deux hommes et une femme se regroupent au coin d’un feu. Les deux hommes semblent descendre avec entrain des bouteilles d’un liquide dont on imagine volontiers le potentiel de réchauffement des corps. La femme elle, entre les deux hommes, offre un regard difficilement décelable. En fond des chauves-souris envahissent le ciel à la recherche de quelques subsides tandis que le premier plan donne à voir les jambes de quatre personnages pendus a un arbre. D’ailleurs si l’on se fait plus attentif, des corps pendent aussi dans le fond telles des lanternes offertes aux aventureux qui osent se perdre dans des lieux où ils ne devraient pas… Cela ne semble pas perturber nos deux hommes qui, dans leurs couvertures chaudes, passeront la nuit dans ce lieu riche en présupposés tragiques. Ils se nomment Duane et Cameron. Deux vieillards qui ont roulés leur bosse dans toutes les tavernes de la contrée. Pour gagner leur vie et payer leur ration quotidienne de breuvages euphorisant, ils pillent les cimetières au soir venu, lorsque les villageois s’enferment enfin dans leurs chaumières, autant pour se reposer avant d’attaquer une nouvelle journée de labeur que pour fuir les dangers de la nuit offerte à des monstres plus ou moins sympathiques. Les deux hommes traversent le pays soit disant à la recherche de la mère de Duane, une guérisseuse qui exercerait a priori au sein d’un groupe de saltimbanques…

Avec Mongo est un troll, Philippe Squarzoni livre un récit totalement surprenant, pas uniquement en raison de l’univers qu’il construit à travers lui, mais aussi en raison du grand écart qu’il effectue avec ses précédentes livraisons, axées sur la présentation de quelques travers géopolitiques mondiaux, Saison brune qui aborde le malaise écologique ou encore Dol, sur les années Chirac. Mongo est un troll est donc le retour du dessinateur à la fiction. Pour cela l’auteur a dû « réapprendre » certains aspects de son métier notamment en termes de narration et de construction stylistique. Le résultat sur la forme reste une très bonne surprise, on navigue dans un univers médiéval-fantastique inspiré par Bosch ou Brueghel, fait de délires graphiques qui posent le cadre et le caractère troublé d’une époque où les hommes se font occire parfois plus rapidement qu’ils ne respirent. Le monde de Squarzoni ajoute tout ce bestiaire mythologique fait de trolls, de sorcières, de gobelins, de goules, de grouilleux et autres bêtes fort sympathiques avides du corps tendre ou moins tendre des humains qu’ils rencontrent au détour d’un bois peu éclairé. Au niveau du scénario l’auteur de Zapata, en temps de guerre parvient à tisser sa toile, son suspense, autour des relations qui unissent et désunissent Duane, Cameron et une mystérieuse magicienne qui suit les deux hommes au travers de leur déambulations. Si quelques répétitions ou longueurs apparaissent parfois dans la narration elles sont compensées par l’humour permanent et le décalage opérés par Squarzoni dans cet album qui offre un univers délicieusement malsain et jouissif. Recommandé !

Philippe Squarzoni – Mongo est un troll – Delcourt – 2014 – 15,95 euros


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