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La BD du jour : Racket de Stéphane Levallois

Notre société fabrique ses propres démons, des démons qui vont venir perturber l’ordre des choses. Le coup de cutter porté au torse de la jeune fille du récit composé par Stéphane Levallois dure l’espace d’un court instant. Les conséquences de cet acte vont pourtant miner la vie d’une famille des longs jours, des longs mois durant. Dans ce rapport fragile au temps, à la vulnérabilité des êtres Stéphane Levallois livre un récit poignant qui laisse des portes ouvertes comme des lucarnes où l’espoir peut encore conquérir son territoire…

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Racket de Stéphane Levallois – Futuropolis (2015)

Perché sur les sommets d’un immeuble qui tutoie les cieux, un corbeau fend l’air pour survoler la ville. Rien de bon ne se profile à l’horizon ce qui transparait très vite en contrebas lorsqu’une jeune fille qui marche dans la rue, portable en main, se fait agresser par un désœuvré encapuchonné qui lui vole son téléphone. Elle rentre chez elle avec le poids de la culpabilité, celui de s’être fait si facilement volée, celui aussi de se sentir si fragile, impuissante et vulnérable alors qu’elle ne demande qu’à grandir. Son père sera là pour tenter de la rassurer, pour l’aider à vaincre les démons qui surgiront bien vite une fois les yeux fermés. La vie reprendra pourtant ses droits jusqu’au jour où la jeune fille se fait de nouveau agresser pour son portable. Refusant de plier comme lors de sa première agression elle s’oppose au voyou qui lui fait face. Mais le rapport de force est nettement en sa défaveur et le jeune délinquant sort un cutter et le plante dans son torse. La jeune fille parviendra à regagner son domicile en titubant pour tomber dans les bras de son père. Hospitalisée en urgence elle débute une longue lutte contre la mort, sous le regard de son père, chirurgien de son état, qui se voit frappé de plein fouet par la possible disparition de sa fille qui survient peu après celui de sa femme…
Stéphane Levallois aura laissé le temps mûrir son projet. Pensé et débuté par quelques croquis couchés dans un carnet il y a sept ans, ce projet, décliné sans dialogue, propose le dessin comme langage et comme moyen de transmettre l’émotion brute en interrogeant le lecteur sur ce qu’il voit devant lui dans l’album mais aussi ce qu’il perçoit de notre société contemporaine. Le rapport très fort entre un père et une jeune fille meurtris dans leur âme par la perte d’une épouse et d’une mère, aurait pu virer au pathos. Il se fait ici bien au contraire, subtil et délicat, laissant le soin au temps de faire son office. Car celui qui se laisse happer par ce récit muet décliné sur plus de 300 planches passe par tout un tas d’émotions au fil de sa lecture, comme s’il se faisait acteur ou observateur d’un drame vécu en accéléré qui devient prégnant et poignant au fil des pages. Pour autant le dessinateur laisse des points d’ombres habiter son récit, comme un contrepoids nécessaires aux informations intimes livrées à notre regard. Des points d’ombres qui entretiennent une certaine pudeur dans le propos et empêche au récit de tomber dans le voyeurisme pur. D’un point de vue graphique le dessinateur livre avec cet opus un travail expérimental qui conjugue les techniques, les approches, et le traitement de l’espace laissé sur chaque planche. Il alterne la couleur et le noir et blanc, un trait fébrile et fileux et la profondeur de noirs à l’encre de chine ou au stylo, la densité de planches qui se succèdent en deux cases serrées qui posent le cadre ou et des compositions en quatre vignettes épurées qui densifient les scènes. L’auteur livre para ailleurs dans cet opus un travail remarquable sur le mouvement et les tempos qui se lisent comme autant de moments de vie vécus en accélérés ou dans des ralentis qui posent la tension ou l’attention à porter. Un album choc qui, par son graphisme et l’émotion qui transpire et se renforce au fil du récit, se fait indispensable en ce sens qu’il nous touche au fer rouge pendant et après la lecture…

Stéphane Levallois – Racket – Futuropolis – 2015 – 26 euros


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