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La BD du jour : Skandalon de Julie Maroh

Dire qu’après le succès de son précédent album, Le bleu est une couleur chaude, la jeune Julie Maroh était attendue au tournant, n’est pas très loin de la vérité. Disons-le d’entrée, avec Skandalon nos attentes sont comblées. La dessinatrice s’immisce dans ce nouveau projet avec délicatesse pour nous exposer ce qu’il advient de Tazane, jeune musicien adulé qui navigue sur les chemins sinueux et nauséeux de l’autodestruction. Elle analyse ainsi avec un talent certain ce qu’il advient lorsque tout bascule, lorsque les retours en arrière ne sont plus possibles. Elle le fait en décortiquant l’âme de ses héros avec un regard qui nous pousse à nous interroger nous-même… Superbe !

 

SkandalonUn musicien travaille la guitare accompagné de quelques bouteilles d’alcool fort  déjà presque vides, de paquets de cigarettes eux aussi bien entamés. Il couche les idées, rythmiques, mélodies, riffs qui le parcourent sur une partition qui s’enrichit au fur et à mesure que le temps et donc l’humeur, l’aliénation au réel – alimentée par les abus divers dans lesquels il se vautre – font leur office pour alimenter ce qui fera la légende. Les meilleurs morceaux de rock ont été écrits dans des états seconds. Tout le monde le sait et Tazane, nouvel idole de la scène rock aussi et ne déroge pas à la règle. Tout ça pourrait paraître cliché. Un musicien qui surfe sur le succès mais qui ronge des idées autodestructrices, des envies de désenvies, cette volonté de tout envoyer valser. Si possible en rythme, avec pertes et fracas, sans espoir de retour. Tazane symbolise pourtant un idéal, celui de la réussite dans son art. Atteindre les sommets, chose rare qui suscite la passion, l’adulation et la jalousie. Des sentiments mêlés qui composent et repoussent toujours plus les limites du palpable, du réel, de ce qui attache…

Julie Maroh construit son récit tout en volutes successives. Des images lourdes de sens qui construisent une réalité qui s’imposera peut-être à nous. Le texte n’est jamais envahissant, presque absent, toujours à propos. On y retrouve les interrogations qui parcourent Tazane, le regard que lui porte la société, les journalistes, ce nécessaire besoin de comprendre, de classifier les genres, de comparer. Pour se rassurer ou ne pas perdre pied dans une société qui rejette ceux qui ne se meuvent pas dans le moule de la standardisation. Au faîte de sa gloire l’artiste, dont on oublie qu’il n’est qu’un homme comme les autres traversé d’un don parfois difficile à gérer, doit-il se perdre pour exister ? Doit-il pousser toujours plus ses limites, aller dans le sens de l’histoire et des destins brisés forcément éphémères ? Il n’y a pas de vérité mais notre regard, déjà formaté, pourra sûrement puiser de quoi dessiner de nouveaux contours, des nuances de couleurs ou de gris, pour alimenter la machine à rêves. La société, violente par essence en ce sens qu’elle confronte les individus à des réalités dont ils ne maitrisent pas les aboutissants se rafraichit de ces OVNI transgressifs, qui, à défaut de changer les mœurs ou notre vision du monde, nous questionnent sur la possibilité de na pas tout accepter, y compris les évidences, quel qu’en soit le prix…

Julie Maroh – Skandalon – Glénat – 2013 – 18, 50 euros


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