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La BD du jour : Sykes de Dubois et Armand



Un jeune garçon échappe de peu à la mort en s’enfuyant alors que sa mère se fait violer et tuer par une bande de voyous sans envergure qui s’en prend à plus faible que soit. C’est le début d’un western crépusculaire campé par des personnages aux backgrounds chargés qui cachent en eux de terribles souffrances…

SYKES une
Sykes Couverture

Sykes de Dubois et Armand – Le Lombard (2015)

En cette seconde moitié du dix-neuvième siècle, l’ouest sauvage garde les traces du passage des hommes. Dans le Wyoming, le Montana ou l’Idaho s’arrêtèrent ceux qui ne pouvaient plus atteindre la promise Californie. Les pistes sinueuses calées à flanc de montagnes laissent aux néo-résidents bien peu d’attraits et de richesses sauf celles de paysages grandioses enveloppés d’une végétation généreuse et encore préservée. Les routes qui relient les quelques villes voient passer bien peu de cavaliers, et ceux qui s’y perdent, le font souvent à leur dépend, car dans les nichées naturelles se trouvent parfois les repères de brigands prêts à tout pour voler ou massacrer sans honneur, avec juste ce plaisir de répandre le mal et la désolation. Dans ce contexte pas forcément réjouissant, un homme qui répond au nom de Sykes, marshal de son état, traque au travers du pays les petites frappes et autres bandes qui sèment la terreur sur leur passage. L’homme possède ce regard sombre qui cache un passé trouble qui se double d’une certaine capacité à défier la vie, comme dans cette scène de bar au cours de laquelle il évite un duel gagné d’avance sans sortir son arme. L’homme, aidé d’un vieux bougre qui excelle dans le tir à la carabine, un irlandais connu pour distiller le plomb dans le dos de ses victimes, se verra engager une poursuite effrénée pour mettre la main sur la bande des Clayton qui vient de violer et de tuer la mère du petit Jim… Une course va s’engager et pour suivre les cavaliers qui possèdent un peu d’avance et pour éviter qu’ils ne sèment encore la désolation sur leur passage, Sykes décide de faire un crochet sur son parcours pour enrôler dans son équipée un pisteur aguerri en la personne de Renard Gris, un indien qui a déjà travaillé pour le marshal…  
Si nous connaissions le talent de scénariste de Pierre Dubois sur des registres féériques de maints contes modernes enrichis d’une langue luxuriante, il nous surprend avec Sykes en s’attaquant avec réussite au western. Il le fait en respectant et maitrisant les codes et en offrant au récit une densité que soutien en permanence le dessin de Dimitri. Un dessin qui joue des cadres pour rehausser le parcours des hommes et leur passé parfois complexe qui se révèle au fil du récit. Un récit qui aborde en substance tout un lot de thématiques qui ouvrent la réflexion, comme celle de cette violence gratuite et de la nécessaire – ou pas – vengeance par le sang, celle de la capacité des hommes à oublier ou dompter leur passé, celle encore de la transmission et de l’initiation. Sur le plan formel le scénario classique et pas forcément novateur – la poursuite des voyous – se dope de tout un lot de sinuosités qui le rehausse pour capter progressivement l’attention du lecteur. On pourrait voir en Sykes le pendant de William Munny, le cow-boy usé d’Impitoyable, mais Sykes possède pourtant son propre univers, tout à la fois envoûtant par le charisme de ses personnages et sombre, très sombre dans le traitement des sujets exposés par le scénariste. Un western profond qui devrait faire date !

Dubois et Armand – Sykes – Le Lombard – 2015 – 16,45 euros