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La BD du jour : Une vie de Perrissin & Martinez (+ interview)

Winston Smith était un aventurier à l’ancienne, un de ceux capable sur un coup de tête de partir à l’autre bout du monde. De ses péripéties il tirera un gros manuscrit dans lequel il détaille sa vie. Une vie teintée de tragédies et d’espoirs au cours de laquelle l’homme a côtoyé les grands auteurs de son temps, Huxley et Orwell en tête…

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Une vie de Perrissin & Martinez – Futuropolis (2015)

La curiosité titille Anna Laurens lorsqu’elle reçoit une lettre destinée à sa mère de la part d’un homme dont elle ignore tout. Nous sommes en juin 1984 et la mère d’Anna est morte il y a tout juste quatre ans. Le pli qui lui parvient provient d’un certain Winston Smith, pensionnaire d’un hôtel juché sur les hauteurs du Grand Tetras. L’homme avait confié au gérant de l’établissement une lettre à remettre à la mère d’Anna pour le jour où il lui arriverait quelque chose d’irréversible. Et ce jour est arrivé. Anna se rendra à la place de sa mère dans l’hôtel où l’homme a vécu ses derniers jours, pour tenter d’en savoir plus sur cet intrigant personnage et comprendre le rôle qu’il a pu jouer dans la vie de sa mère. Dans la chambre qu’il occupait jusqu’à sa disparition, Winston Smith a laissé une valise dans laquelle Anna trouvera un manuscrit intitulé sobrement Une vie. Une biographie de Winston Smith qui détient les réponses aux questions nouvelles que se posent Anna…
Winston Smith n’occupe peut-être pas la mémoire des biographes du XXIème siècle. L’homme a vécu dans un siècle qu’il a tenté de domestiquer, un siècle gangréné par les guerres, la montée du capitalisme et de l’oppression des classes populaires. Un siècle de bouleversement des technologies et de la montée des repliements sur soi, des peurs et de cette défiance en l’avenir. L’homme a vécu. Il a sûrement goûté à la vie comme peu ont eu la chance de le faire. Homonyme parfait du héros de 1984 écrit par son ami Orwell, il a comme les jeunes auteurs de son époque parcouru le monde. En Chine, en Allemagne à la fin de la guerre, en Espagne quelques mois plus tôt, en Russie puis en Afrique. Accompagné de ceux dont les noms nous évoquent plus, Orwell, Huxley ou autre D.H. Lawrence. Risquant sa vie maintes fois. De sa vie digne d’un roman d’aventures plutôt épais l’homme livra une autobiographie digne de ce nom dans laquelle il raconte des moments captés sur le vif. De ces moments qui nourrissent la petite histoire et parfois alimentent la grande.
Christian Perrissin en adepte des biographies de personnages « atypiques » ne pouvait passer à côté de celle-ci. Par la richesse du personnage, la trajectoire qui fut la sienne et pour la description d’une époque qui garde encore les traces presque indéfectibles de l’ère victorienne. Une époque qui repose sur des codes, le respect de conventions ou de repères qui, s’ils dénotent de la cohésion d’esprit de l’Empire britannique, ne demandent qu’à être renversés. Pour affirmer la grandeur d’une Angleterre soumise dès 1914 à des soubresauts ininterrompus, qui ne pouvait grandir qu’au travers d’hommes et de femmes capables de la teinter de cet accent d’aventure et de déraison. Christian Perrissin doit à son bouquiniste fétiche la découverte de l’autobiographie de Winston Smith. Dans cette œuvre vite oubliée en son temps, le scénariste a découpé un récit en six grandes phases historiques qui correspondent aux moments clefs de la vie de Winston Smith. Ce premier opus partira donc du début, de cette enfance passée dans une école privée qui forme les hommes de demain. Lui qui ne devait sa présence en ce lieu qu’à la présence de sa mère cuisinière de l’établissement saisira sa chance à fond. Le scénariste s’attarde donc sur cette enfance partagée dans un monde qui ne devait pas être offert à son personnage. Il s’attarde aussi sur les raisons qui feront qu’il pourra en sortir avec les galons qui ouvrent les portes… En usant de pavés narratifs pris dans l’œuvre autobiographique de Winston Smith, Perrissin nous emporte dans une narration qui prend le temps de nous immerger dans le récit. Et lorsqu’on s’y trouve happé, c’est pour ne plus quitter l’album jusqu’à sa dernière planche. Au dessin Guillaume Martinez capte la tension d’une époque gangrenée par un conformisme délétère. Il sait se fondre dans cette société codifiée qui accorde une place forte à l’emprise du temps sur les corps et les âmes. Un dessin qui s’accorde donc avec le classicisme d’une époque mais qui sait aussi saisir sur le vif le ressenti et le bouillonnement intérieur de ses personnages. Une superbe ouverture de série !

Perrissin & Martinez – Une vie T1 – Futuropolis – 2015 – 15 euros

Rencontre avec Christian Perrissin

 


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