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La BD et la mer, aventures des grands espaces (1er volet)



La mer a toujours attiré les hommes car elle renferme pas mal de secrets, de risques et d’espoirs. Qu’ils soient marchands, corsaires, pirates, pêcheurs, aventuriers de tout horizons, ils ont tous cette croyance aux courants porteurs, en la maitrise des vents, des outils de navigation ou du ciel qui, seul au milieu des mers et des océans, loin des côtes et des premiers villages éclairés, donne à voir toute son étendue… Rêves et espoirs donc et peut-être bien plus encore…

 

 

Amateur de modélisme marin, de grandes sagas à base de corsaires et d’aventure au grand large il n’est pas étonnant de retrouver Franck Bonnet débuter en juin 2009 Les pirates de Barataria. Il laisse pour cela le soin à son ami Marc Bourgne de lui concocter une histoire sur mesure qui lui permette de conjuguer l’ensemble de ses passions. Le scénariste décide alors de se servir d’une lecture récente, celle de La Désirade de Jean-François Deniau pour donner corps à ce qui deviendra Les pirates de Barataria. Après trois ans de travail les deux auteurs nous offrent un nouvel opus à cette série dont le premier cycle construit autour du Golfe du Mexique vient de s’achever.

Le nouveau cycle qui prend forme aujourd’hui voit Artemis Delambre, héroïne de cette épopée sur les eaux chaudes des Caraïbes, revenir en Europe. Une Europe qu’elle avait quittée pour fuir un danger probable fondé sur ses origines. La jeune femme, accompagnée de Roustam, un colosse égyptien prêt à sacrifier sa vie pour sa maitresse, avait découvert les dangers d’une vie construite au jour le jour dans laquelle la mort rôde en permanence et saute sur celui qui, l’espace d’un instant, baisse sa garde. La durée de vie du corsaire ou du pirate au début du XIXème siècle ne va pas chercher bien loin, autant dire que les vocations n’ont pas le temps de se transformer en carrières. Poursuivie par d’étranges ennemis anglais et prussiens Nigel Fitzpatrick et la belle et troublante Inga Schott, Artemis regagne donc Paris où elle obtiendra une entrevue avec un certain Napoléon Bonaparte… Mais ce retour sur les terres qui l’ont vu naître ne sera qu’une étape vers un nouveau périple en Egypte où se situera l’ensemble de ce second cycle.

Vouloir transporter nos héros en terres orientales permet d’offrir une nouvelle tournure à cette saga maritime qui, dans ce premier volet, pose la cadre des futurs opus (trois sont programmés sur ce cycle). Le Caire, tome 5 des Pirates de Barataria se construit donc autour des paysages fascinants voire lancinants de l’Egypte et de sa panoplie orientaliste. On se perd dans les rues du Caire aux couleurs bariolées et peu sûres à la nuit tombée. On y découvre aussi un cadre historique encore fier de son passé, des princes à la puissance sans pareille et de jolies naïades nues fumant le narguilé. Dans ce cadre riche, Artemis sera accompagnée par son nouveau garde du corps, le capitaine François, un ancien des campagnes d’Egypte.

La réussite de ce nouveau cycle vient incontestablement du subtil équilibre qu’il opère entre pages maritimes et terrestres, par le mélange aussi d’intrigues qui se croisent et de secrets encore cachés. Au niveau du dessin, Franck Bonnet excelle toujours dans la description riche et détaillée des navires de cette époque, ajoutant au réalisme d’une série vivifiante. On attend donc la suite qui s’annonce encore riche en rythmes et en surprises !

Bonnet & Bourgne – Pirates de Barataria T. 5 – Glénat – 2012 – 13,90 euros

 

Interview de Franck Bonnet

 

 

 

Des destins se croisent, se mêlent, parfois malgré eux et renversent le cours de nos histoires personnelles. Les liens tangibles vacillent pour offrir de nouvelles espérances ou de sombres fatums. Lorsque Léonie de Sars quitte en 1914 une Europe en pleine effervescence pour essayer de retrouver son père parti quelques mois auparavant de la demeure familiale de Bordeaux, elle ne s’attend sûrement pas à se retrouver prise dans le prisme d’une histoire familiale complexe ou haine, amour et violence se déchaînent comme la mer, cette amante indomptable qui attire autant qu’elle pique au vif. Elle croisera sur sa route Lukian Bruckner un capitaine rustre, violent, sanguin qu’une haine difficile à cerner anime. Elle fera aussi la rencontre de Magdalena la nièce de celui-ci, jeune femme secrète, avare de ses mots qui semble vivre sous la domination certaine de son oncle tyrannique. Entre les deux, Léonie de Sars va être prise dans les mailles d’un filet qui tend à se refermer au fur et à mesure qu’elle entre dans l’intimité de ses hotes. Elle devra ainsi cerner les âmes de ces compagnons de route qui seuls peuvent l’aider à retrouver son père. Pour cela elle devra apprendre à se méfier de Lukian et essayer de comprendre et conquérir la confiance de Magdalena…

Christophe Dubois nous offre avec La ballade de Magdanela un album atmosphérique dans lequel poésie, onirisme et violence se croisent dans une alchimie maitrisée. Un album sur lequel plane le mystère du tableau Arnold Böcklin, L’ile des morts, vision de puissance, d’immortalité, L’île des morts, des élus qui, par-delà la mort transcendée, goûteront au droit légitime de célébrer leurs actions héroïques, c’est de cette façon que Lukian définit cette peinture dont il possède la version aujourd’hui conservée à Bâle, vision qui fascina jusqu’au plus sombre des bourreaux, un certain Hitler. Si la violence s’exprime au travers de diverses composantes : violence de la mer qui possède droit de vie ou de mort sur celui qui la prend, violence en filigrane de la guerre qui se prépare au loin sur un continent rongé par des haines durables, violence des rapports entre les hommes parsemés d’incompréhensions et, peut-être la plus prégnante, violence psychologique qui décide des orientations de chacun, elle ne saurait être le moteur de cet album qui, de façon subtile, essaime des pistes, des trajectoires qui nous mènent progressivement vers le nœud de cette histoire.

Le dessin de Christophe Dubois sert son propos, tout en subtilité graphique, il parvient à révéler les mots, par des jeux de regards, des expressions et des tensions palpables. La couleur, notamment la déclinaison de bleus, démontre une maitrise rare qui expose les détails et nourrit notre imaginaire. Un album incontestablement marquant…

Christophe Dubois – La ballade de Magdalena T1 – Le Lombard – 2012 – 14,99 euros

 

Interview de Christophe Dubois

 

 

Ces deux auteurs ont fait l’objet en septembre d’une exposition à la Galerie Daniel Maghen qui propose la vente des planches originales et des dessins composés pour l’occasion. Je vous invite très vivement à vous rendre sur le site de la galerie… Noël approche !

http://www.danielmaghen.com/