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Quai des Bulles 2018, expo sur les quais avec Emmanuel Lepage et chronique de ‘Ar-Men’ (Futuropolis)



Emmanuel Lepage revient presque systématiquement à la mer. Il l’a décrite au loin dans Voyage aux Iles de la Désolation, extrême dans La Lune est blanche, chaude et enveloppante dans Les voyages d’Ulysse. Avec Ar-Men elle révèle son côté sauvage et sanguin dans un récit en forme d’hommage aux hommes de la mer qui jamais ne la dompte et s’y laisse parfois perdre…

Quoi de plus naturel que de retrouver l’exposition Ar-Men d’Emmanuel Lepage sur les quais qui accueillent le festival Quai des Bulles ? C’est dos aux structures éphémères dans lesquelles les éditeurs sont regroupés durant trois jours que les panneaux reproduisant des cases, des planches ou extraits de planches de l’album Ar-Men édité par Futuropolis fin 2017, sont exposés. Pas le grand luxe, juste quelques tableaux mis côte à côte mais qui permettent de se plonger dans la dramaturgie d’un album qui se veut avant tout hommage à la mer, aux hommes de mer.

Regarder les planches dans un tel cadre, c’est un peu comme si le décor faisait partie prenante de l’exposition. Et pour tout dire si vous débutez par l’expo sans connaitre l’album, une envie certaine vous démangera d’en savoir plus et de venir vers le livre. Ça tombe bien, et son auteur, et son éditeur, et des piles d’albums de ce titre sont là durant les trois jours. Aucune excuse pour ne pas repartir sans ce récit dans vos valises !

Chronique de l’album ‘Ar-Men’ (Futuropolis)

La mer raconte souvent bien des légendes et des histoires terrifiantes ou magiques à ceux qui savent les entendre. Sur les côtes de Bretagne les récits foisonnent. Des côtes qui laissent éclater toutes leurs beautés qu’une mer parfois agitée magnifie sans cesse. Il faut avoir vécu les tempêtes et les vents forts qui sifflent à rendre fou, agitent le magma de cette mer tumultueuse qui vient se fracasser sur les falaises ou les murets construits pour préserver les maisons des inondations soudaines et répétées, pour pouvoir comprendre la vie des gens qui vivent là.

Loin du calme enveloppant des villes qui s’élèvent sur des terres moins sauvages et moins arides, ils font toujours front. Par respect d’une nature dont ils connaissent une partie des secrets et forcément par habitude. A quelques encablures de la Pointe du Raz, l’île de Sein et ses deux cents habitants connaissent les récits transmis par les générations passées, de bateaux venus se fracasser sur les récifs saillants que cache la mer agitée par les tempêtes. Des morts par centaines, des carcasses de bois qui volent comme des feuilles de papier. Parfois les habitants de l’île ont prêté main forte aux marins pour sauver les malheureux de leur triste sort, parfois la mer avait décidé de ne laisser aucune chance aux téméraires venus la défier. Chaque histoire possède sa vérité. Celle racontée dans Ar-Men par Emmanuel Lepage délivre la sienne.

Ar-Men c’est l’enfer des enfers, un phare impossible à construire au large de Sein, là où des bateaux par dizaines se sont laissés piégés. Alors gardien du phare construit à partir de la fin des années 1860, Germain découvre par hasard, sur un mur intérieur du phare qui s’écaille, des mots écrits qui forment une histoire, celle de Moïzez, l’enfant sauvage, sauvé du naufrage de son bateau alors qu’il n’est encore qu’un nourrisson. Et avec lui, c’est toute l’histoire de la construction du phare qui se dévoile sous les yeux de Germain et de Louis, son coéquipier. Une histoire à garder dans les mémoires. D’autant plus depuis que le phare n’est plus habité.

Emmanuel Lepage aime la mer, le trouble tumultueux de ses vagues, l’écume blanche qui colore les étendues sombres, l’agitation des vagues qui viennent se rompre sur les bateaux chahutés, les côtes ou les phares comme celui d’Ar-Men. Dans les légendes anciennes de Bretagne il y a toujours des histoires de marins aux origines plus ou moins connues. De quoi travailler un récit qui mêle vérité de la mer, fiction puisant dans le folklore et les traditions anciennes et beauté de paysages à couper le souffle. Un récit complété du DVD « Les gardiens de nos côtes » de Herlé Jouon qui nous capte dès les premières planches…

Emmanuel Lepage – Ar-Men – Futuropolis – 2017