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Quand la BD se veut friponne… (2ème partie)

Après avoir découvert dans la première partie de ce dossier les histoires courtes de Frollo, la série mythique Giuseppe Bergman et deux petites surprises en la matière de Scandales et de Blue, voici trois autres références à explorer d’un œil avisé.  Comment ne pas commencer par la jeune et bien fournie Melonie Sweet pleine de promesses? nous opérerons ensuite un retour dans le temps avec la relecture personnelle de Justine du Marquis de Sade par Crepax pour finir non pas sur une BD, ni sur du fripon à proprement parlé, mais sur l’hommage de Manara aux modèles féminins qui ont inspirés les grands peintres de l’histoire, un incontournable…

 

 Filobédo offre avec L’île mystérieuse le premier volet des histoires de Melonie Sweet (après un tome 0 publié à titre confidentiel). La belle et jeune brune aux formes surdimensionnées se trouve être la mascotte d’une expédition scientifique menée en plein océan Pacifique. Seule femme de cette expédition elle se languit des journées passées à bord du bateau qui les mène vers une île non cartographiée à ce jour qui détiendrait en son sein un trésor fabuleux. Alors elle bronze sur le ponton sous le regard des quelques hommes présents près d’elle. Elle bénéficie pour la peine de toutes les attentions, mais le capitaine de l’expédition veille au grain car si ses hommes se laissent distraire c’est toute l’équipée qui peut s’en trouvée menacée car la mer regorge de pièges pouvant s’avérer perfides.

Melonie aimerait pourtant que l’attention des hommes de quart se transforme en action plutôt qu’en simple observation et les poses suggestives qu’elle prend dans un bikini bien trop étroit pour elle devrait réveiller les ardeurs de ces hommes… Alors elle se décide à descendre dans la salle des machines, là où quelques hommes veillent à alimenter en charbon le moteur brûlant qui les mène vers cette destination prometteuse. Peu ventilé, cet espace retient une chaleur moite qui donne des envies à la belle brune dont la chaudière (dixit Melonie elle-même) est un peu à sec… Les hommes présents ne vont pas se révéler aussi timides que leurs collègues de surface et vont vite répondre aux attentes de la belle. Sitôt son bikini déchiré elle se verra honorée par les plus vifs et besogneux organes présents. Cette escapade au cœur de la salle des machines laisse pourtant des traces, car le charbon a une fâcheuse tendance à s’incruster durablement sur la peau. Notre belle remontera donc en surface dans le plus simple appareil pour se faire rincer à l’aide d’un bon gros tuyau… Melonie ayant fait la connaissance de la plupart des membres de l’équipée aura dès lors peu de scrupules à évoluer dans la nudité la plus naturelle.

Cela ne doit pourtant pas nous éloigner de la trame tissée par Filobédo. L’île mystérieuse apparaitra en effet aux voyageurs impétueux et son exploration pourra commencer véritablement. Mais si l’île n’est pas référencée dans les atlas les plus précis, cela ne signifie pourtant pas qu’elle soit inhabitée. Pour preuve le bruit des tam-tams qui s’entend au loin. Nos aventuriers se dirigeront vers ce lieu habité de quelques autochtones. La rencontre se fera sous de bons hospices, les indigènes n’ayant a priori pas d’envies belliqueuses. Nous découvrirons par contre les mœurs et les coutumes de ce peuple et les desseins qu’ils réservent à leurs hôtes… desseins qu’ils n’avaient pas forcément envisagés tels quels ! Erotisme et humour font ici bon ménage et nous attendons la suite des aventures de la belle Melonie.

Filobédo – L’île mystérieuse – Tabou BD – 2012 – 15,20 euros

L’œuvre du Marquis de Sade a déjouée le temps et la morale. Censurée jusque dans la dernière partie du XXème siècle, elle n’a jamais autant suscité d’intérêt qu’aujourd’hui, peut-être en partie en raison d’une époque qui, elle aussi, cherche ses repères et sa vertu.

Fin du XVIIIème siècle à Paris. Justine et Juliette sont élevées dans l’une des meilleures abbayes de la capitale. Une éducation qui se paye fort cher. Alors que Juliette a 15 ans son père, riche commerçant, fait subitement faillite et quitte la France pour éviter de rendre des comptes à ses créanciers. Leur mère sous le choc décède peu après. Laissées à l’abandon les deux jeunes filles sont renvoyées de leur couvent dont les pensions ne peuvent plus être versées. Pour Juliette la solution passe par l’utilisation des atouts qui sont les siens, la jeunesse et un corps superbe qui peut se négocier au plus offrant et si possible à de riches nobles veufs. Mais Justine ne peut et ne veut se résoudre à cela et, forte des préceptes qui lui ont été inculqués au couvent, espère se sortir de cette mauvaise passe en gagnant sa vie honorablement en tapant aux portes des connaissances de la famille. Elle va aller de déboires en déboires et sera utilisée pour de vils desseins, sera souillée, maltraitée, considérée moins qu’une chienne et jetée dehors à la moindre demande de considération. Elle retrouvera bien des années plus tard sa sœur qui, devenue une courtisane richissime et influente la sauvera d’un procès tronqué devant la mener sur l’échafaud. Mais celle qui avait opté pour une vie faite de vertu va pourtant poursuivre son chemin de croix…

Cette version de Justine par Crepax date de la fin des années 70 et se trouvait aujourd’hui presque introuvable. Delcourt a donc décidé, au même titre que ses récits Emmanuelle et Histoire d’O, de rééditer cette œuvre trop longtemps jugée subversive. La réussite de Crepax sur ce projet réside en grande partie dans la façon d’aborder l’œuvre. Le récit n’est pas ici revisité mais bel et bien illustré, la trame de l’œuvre originale n’étant pas sujette à une relecture libre. Crepax a opté par contre pour une recherche de densité du propos dans son dessin qui, parfois volontairement chargé, devient d’une expressivité rare. Les personnages sont creusés dans leurs traits pour servir le texte même si parfois celui-ci devient un peu envahissant. Le propos philosophique et l’atmosphère trouble de l’époque dans laquelle ce récit a été écrit se trouvent portés par le dessinateur italien qui livre un bel hommage à cette littérature vendue encore récemment sous le manteau. Une saine relecture.

Guido Crepax – Justine – Delcourt – 2012 – 19,99 euros  

Il y a un peu moins d’un an Drugstore, qui réédite l’intégralité de l’œuvre de Milo Manara, s’attachait à l’impression d’une nouvelle version de Peintre et modèle. Nous connaissons tous l’attachement et le respect que porte Manara pour la femme et pour l’histoire de l’art. Dans ce volume épais, l’auteur italien mêlait ces deux centres d’intérêt au travers d’un hommage aux modèles féminins qui ont inspirés les plus grands peintres du passé. Il a pour cela effectué un important travail documentaire pour retracer l’histoire de ces femmes connues de nos regards et qui pourtant ne sont pas toutes entrée dans la légende au-delà de la toile du maitre pour lequel elles posaient.

Ce parcours à travers les âges se vit et se lit comme un livre d’histoire de l’art et on y trouve de délicieuses ou sombres histoires. Manara retrace notamment le destin de Lucrèce Borgia, femme d’influence peinte par Pinturicchio peu après l’accession de Rodrigue Borgia à la papauté. Nous apprenons aussi comment Raphaël mourut d’un amour qui le consuma pour son modèle La Fornarina, comment Laura, modèle de Luca Signorelli s’amusait, lors des longues absences de celui-ci à faire monter dans sa chambre de jeunes hommes qu’elles « attrapait » à l’aide d’un mouchoir jeté depuis son balcon. Il nous apprend que celle qui servit de modèle à Velazquez sur son seul nu, La Vénus à son miroir n’est autre que la peintre Flaminia Trivio. Autre peintre féminine, Artemisia Gentileschi qui devint son propre modèle pour représenter la femme dans ses nombreuses œuvres. Des histoires atroces de modèles existent, c’est le cas de Sarah Malcoln qui fut exécutée pour avoir participé aux meurtres de ses maitres et de leur fille en février 1733. Peinte par William Hogarth, elle représente le modèle malgré lui… Nous suivons au fil de cet album les histoires de grands peintres : Courbet, Picasso, Toulouse-Lautrec, Manet, Boucher, Fragonard, Klimt, Munch et bien d’autres encore dont l’influence de leur modèle forgea en partie l’œuvre couchée sur la toile.

Manara nous donne à voir avec Peintre et modèle cette relation complice des deux acteurs d’une œuvre. Au-delà c’est toute l’essence de l’art qui se trouve parcourue ici par ce rapport fragile à l’œuvre et son histoire. Un album précieux.

Milo Manara – Peintre et modèle – Drugstore – 2011 – 30 euros


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