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Quand la vie se lit une fois mort… macabre et réjouissant !



Angoulême reste un formidable moyen de rencontrer en peu de temps tout un lot d’auteurs de BD, qu’ils soient scénaristes ou dessinateurs, et donc de pouvoir aborder avec eux leurs travaux récents et à venir. Un moyen pour nous de vous proposer quelques news, beaucoup de fraîcheur dans les réponses spontanées des auteurs qui se livrent sans arrière-pensées. Bref un moment privilégié pour parler 9ème art et parfois bien plus que cela… Aujourd’hui nous partons découvrir un récit surprenant qui peut dérouter à première vue mais qui possède les atouts pour nous y rendre sensible… Une danse macabre mélange de médiévisme, d’images tirées d’un film méconnu et expérimental de Dario Argento et d’une palette sensuelle explosive… Bref que du bon !

 

Lorsque Martin se réveille au petit matin d’un jour sans chaleur, il se demande bien ce qu’il fait là, allongé en plein milieu du jardin de pierres à côté des tombes sur lesquelles il jouait avec ses amis étant enfant. Pour tout dire Martin n’a pas l’air très frais. Et à y regarder de plus près il serait même plutôt mort. Mais alors comment et pourquoi revit-il ? Qui lui a donné la possibilité de déambuler de nouveau parmi les vivants ? Et que doit-il accomplir pour gagner le repos éternel ? Des questions bien légitimes qui se posent à lui dont la mort plutôt récente le frappe d’une amnésie profonde quant à ses derniers actes. Comment est-il mort et pourquoi ?  A vrai dire il va très vite comprendre l’objet de sa « renaissance ». Afin de gagner du temps pour la suite, entendez par-là pour écourter son attente au Purgatoire et afin de faciliter un passage rapide vers sa destination future, il devra enquêter sur les circonstances de son trépas. Il faut dire que nous sommes au moyen-âge et que les morts s’accumulent souvent à vitesse respectueuse. Entre les guerres, politiques ou religieuses, les famines, la peste et les autres maladies voraces en corps bien sains, les accidents, les meurtres et autres actes de la vie qui conduisent rapidement à la mort, le Purgatoire et son administration se trouvent engorgés et ne peuvent donner de suites favorables et rapides aux dossiers de ses nouveaux pensionnaires. Martin devra donc « avancer » le boulot et éclaircir les mystères des derniers instants de sa vie. Il se trouvera dès lors placé, parfois malgré lui, dans des contextes surprenants, rencontrera une sorcière lubrique, des aubergistes qui travaillent jour et nuit pour le repos profond et définitif de leurs clients et tout un lot d’étrangetés que nous vous laissons découvrir. Martin se perdra parfois dans des voies sans issues, cherchera à mieux appréhender les autres pour essayer de se comprendre lui-même. Peut-être arrivera-t-il ainsi, par cette psychanalyse poussées, à lever les voiles sur sa vie, sa mort, les rapports avec ses proches et que, dès lors, il pourra gagner le repos éternel…

La Danse macabre regorge de mystères qu’elle révèle par volutes successives au fil d’un récit surprenant. Elle nous saisis ainsi dès les premières pages par un dessin « typé » médiéviste avec son lot de scènes rappelant les livres d’heure ou les livres de mort, avec aussi cette mise en page qui fait apparaître lettrines et autres phylactères enrubannés qui donnent une patine à l’ensemble. Yann Taillefer, dessinateur émérite, n’avait pas la tâche facile car il devait trouver en permanence un équilibre fragile entre humour noir, récit historique tournant parfois au gore, portée symbolique et mystique… Le scénario de Yohan Radomski construit en plusieurs scènes ou tableaux – qui donnent à son personnage un nouvel élément de compréhension sur ce qui lui arrive – se densifie au fil des pages et des réponses proposées qui sont autant de propositions de thérapies. Ce découpage en scénettes permet aussi de réaliser des ellipses qui structurent la ligne directrice, l’intention des auteurs. Au final, Martin trouvera non seulement la réponse qu’il était venue chercher mais bien plus que cela…  Un album qui pourrait bien ne pas trouver si vite le repos éternel qui frappe parfois ses amis surfacés, et c’est bien ce que nous lui souhaitons !

Radomski/Taillefer – La danse macabre – La Boîte à bulles – 2013 – 18 euros


Interview de Yohan Radomski