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Une BD sous le bras : Prométhée, la fin de notre monde connu ?



Juste avant le début de l’été sortent coup sur coup plusieurs séries scénarisées par Christophe Bec. Les plus anciennes Prométhée et Carthago côtoient les plus récentes L’Aéropostale ou Les Montefiore. MaXoE profite de l’occasion pour réaliser un focus sur cet auteur adepte des récits de science-fiction mais pas uniquement… Et commençons par celle qui nous retient en haleine depuis cinq ans maintenant !
Série phare de la littérature BD des cinq dernières années, Prométhée repose sur le jeu de suspense entretenu au fil du récit. Il faut d’abord essayer de comprendre ce qui se joue avant d’espérer construire nos théories tirées de la lecture de chaque opus. Si on se prend au jeu le chemin devient vite stimulant alimenté par la découverte de nouveaux incidents ou nouvelles conspirations. Christophe Bec et Stefano Raffaele offrent avec Prométhée une série qui se densifie au fil des tomes tout en maintenant le voile sur ses desseins finaux… Une expérience de lecture !

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Prom7Dans un futur relativement proche, la Terre se trouve martelée de catastrophes en tout genre qui lui font entrevoir le pire avant l’heure. Si les moins pessimistes peuvent encore penser à un concours de circonstances pour le moins fâcheux, force est de constater qu’il n’en est rien. Car l’apocalypse possède son rythme biologique, une récurrence à faire froid dans le dos qui entraîne tous les jours à 13h13 un nouvel « incident » ou « dérèglement ». Les avions se crashent mystérieusement à cette heure fatidique causant la mort de plus de deux millions d’hommes et de femmes à travers le monde, les piles cardiaques s’arrêtent causant là aussi des morts incalculables. Au-delà des chiffres stratosphériques de victimes certains évènements plus difficiles à saisir se déroulent devant des autorités médusées. La navette Atlantis disparaît ainsi des écrans de contrôle avant de soudainement réapparaitre un jour plus tard alors que le processus de destruction de la navette avait été enclenché ; toutes les horloges et montres de la planète stoppent elles-aussi à 13h13 alors qu’au même moment s’active, pour la première fois de l’histoire, le mécanisme d’Anticythère.

La planète fait aussi face à des apparitions troublantes, là un U-boot de la seconde guerre mondiale, là le Titanic flambant neuf remonté des fonds des eaux, ou encore l’arche de Kerguelen mystérieusement reconstituée. La conjonction de tous ces facteurs doit faire craindre le pire et la formation de sinkholes (trous géants qui surgissent à plusieurs endroits à la surface du globe symbolisant pour certains l’ouverture d’un couloir vers les enfers, vers une apocalypse au sens biblique du terme) ne permet pas de rassurer son monde. Tout cela reste le concret, ce qui est vu de tous. Pour autant les antichambres des grandes puissances de ce monde en savent plus qu’elles n’osent le révéler. Ressortent ainsi des tiroirs des théories ou projets placés en sommeil  tels le Projet Blue Beam qui visait à l’établissement par les Etats-Unis d’une nouvelle religion mondiale placée entre les mains d’un Dieu établi par un jeu de technologiques high-tech, ou le Blue book project, qui, plus terre à terre, recensait les phénomènes d’OVNI à travers le monde pour les étudier et essayer de les comprendre. On découvre aussi dans Prométhée la théorie du centième singe (septième opus de la série) que Christophe Bec explique dans l’interview qui suit et que l’on pourrait résumer en cela : pour qu’un savoir ou un acquis majeur qui fonde la société se répande à l’échelle de notre monde connu, il faudrait non pas que celui-ci soit maitrisé par une majorité de personnes mais par le centième individu (celui qui arrive juste après le 99ème…).

Et que dire du mythe de Prométhée en lui-même ? Prométhée le titan qui aurait créé les hommes simplement à partir d’eau et de terre ? Dans la série éponyme toute cette matière se mêle, se percute, se lie et se délie sous nos yeux médusés. Le scénariste nous dit détenir les ficelles de ce qui se trame, mieux que les tenir, il les maîtrise et en joue à satiété instaurant un climat de paranoïa alimenté par ce désir de partir d’éléments concrets, vérifiés, ayant eu lieu ou supposés avoir eu lieu. La trame romanesque se forge ainsi sur cette base d’éléments dont certains pourraient paraître superfétatoires au premier abord mais qui, plus la lecture avance, s’avèrent être les pièces d’un immense puzzle, un de ces puzzles qui ne donnent tout leur sens Prom8que s’ils sont parfaitement et entièrement reconstitués… A vrai dire la série prévue en douze tomes repose sur un jeu de suspenses et de nouvelles révélations qui en font toute la sève. Même si l’on croit détenir un semblant de piste dans le fond de cette histoire et dans son possible déroulé, rien ne semble acquit au lecteur qui plonge dans un nouvel opus comme s’il plongeait dans un de ses sinkholes mystérieux. Par le mélange de science-fiction, d’histoire (plusieurs époques se percutent), de mythologie, de résurgences conspirationnistes, Prométhée devient une série protéiforme d’envergure dont le tempo ne faiblit pas tandis que l’intérêt du lecteur  se fait grandissant. Prométhée se veut série feuilletonnesque, elle repose sur la transmission peu avare de nouveaux éléments qui nourrissent la trame. Christophe Bec utilise ainsi les médias (ici télévisuels) pour synthétiser l’information qui nous parvient de front, résumer des situations, poser le cadre de réflexion. Astuce scénaristique qui évite ainsi de perdre le fil d’un récit qui, s’il demande peut-être une attention particulière, offre aussi son supplément de plaisir de lecture. Chaudement recommandé !

Bec/Raffaele – Prométhée (8 tomes parus) – Soleil – 2005/2013 – 13,95 euros l’un

 

Interview de Christophe Bec