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Dans l’arène avec Alexis HK

Il n’y a pas si longtemps on entendait un peu partout que la chanson française se portait mal, qu’elle n’avait pas su renouveler sa génération de grands poètes. Pourtant, à bien y regarder, elle regorge de pépites brutes, d’auteurs résolument créatifs qui n’ont pas peur d’affirmer leur particularisme, leur identité au détriment d’une carrière « labélisée » et confortable. Alexis HK fait partie de cette génération qui compte notamment dans ses rangs les Bertrand Betsch et Florent Marchet… des auteurs-compositeurs qui jonglent avec les mélodies et nous offrent leurs mots comme autant de remèdes à nos maux… De véritables affranchis… retour sur une tournée, un album, avec Alexis HK…

Les Affranchis, troisième album d’Alexis HK sort début 2009 après quelques mois de « flottement » dus à un contrat rompu avec EMI et l’orientation vers une nouvelle structure, La Familia.

Vingt mois et une centaine de concerts plus tard, le chanteur a prouvé qu’il possédait une identité, un espace propre au sein de la chanson française. La musique d’Alexis HK conjugue en effet tout à la fois des textes acérés – voir notamment le fameux Chicken Manager écrit en « l’hommage » d’un homme politique aujourd’hui aux rennes du pouvoir ou le titre phare de l’album, Les Affranchis, parallèle entre les familles du « milieu » et le monde de la musique -, remplis d’émotion (C’est le printemps, écrit par son ami Nicolas Jaillet dans des conditions particulières), ou plus légers et bourrés d’humour comme le titre La maison Ronchonchon, un peu à part dans l’album et qui a donné lieu à un développement spécifique sous la forme d’un CD/spectacle, Ronchonchon et compagnie.

L’univers d’Alexis HK ne s’impose donc aucune limite, c’est en cela qu’il surprend, par la diversité des climats qui font passer l’auditeur ou le spectateur par tous les sentiments. Doit-on rire ou être émus ? C’est grâce à ce fil tendu, fragile mais maîtrisé, que le chanteur impose sa patte, son envie de nous surprendre, de nous faire acteur de son univers pour ne pas le subir. Car le petit monde d’Alexis HK se décline comme un résumé de la vie, de notre vie à tous. Gorgé d’humanité…

Si l’album s’écoute et se réécoute en boucle avec le même plaisir et la même émotion, le chanteur offre sur scène une variation et un prolongement foisonnant de la petite galette grise… De l’émotion, de l’humour permanent, des petites histoires délurées et pas toujours sages qui s’immiscent entre deux titres, portées qui plus est par des musiciens jouant le jeu, bref une palette riche au service d’un public acquis très tôt à sa cause.

Que ce soit sur scène ou sur platine, la musique d’Alexis HK prône un dépaysement si réjouissant que l’on ne saurait la bouder…  

 

Questions/Réponses avec Alexis HK

 

Dans ta biographie il y a une phrase qui m’a intéressé : « Je suis content car je fais ce que j’ai toujours voulu faire ». Peux-tu développer ?
Dès que j’ai commencé à faire un peu de guitare, d’abord en reprenant des chansons puis en essayant d’en écrire, j’ai su que la route serait longue mais qu’elle pourrait me sourire. Au début c’est un rêve secret puis ça se développe en une réalité progressive. On apprend sur la route, on passe par des paliers, on fait des petits concerts, des disques chez de petits producteurs et puis, au fur et à mesure, on avance, on voit ce qu’on est capable de faire. C’est à la fois très lointain, très progressif, et en même temps c’est une vocation profonde.

Tu es passé par plusieurs phases celle du label « établi », tu as connu ensuite une période un peu plus difficile. Comment ça s’est passé ? Tu es reparti à zéro ?
Oui tout à fait. Mais je pense qu’on repart à zéro à chaque album, même quand on est très connu. Ce n’est pas parce qu’on vend un million d’exemplaires une fois qu’on revendra un million deux ou trois fois. C’est très dur. Tous les cas de figures sont durs. Personnellement j’avais signé en licence chez EMI pour deux albums qui se sont vendus entre trente et quarante mille exemplaires. C’était insuffisant pour eux et ils n’ont pas voulu produire l’album qui était en option. Finalement cela m’a soulagé. Tous les gens que j’ai rencontrés au début en rentrant dans cette structure étaient partis ailleurs. Nous n’avions jamais les mêmes interlocuteurs ce qui était difficile à gérer. Autant être tout seul qu’être lié par contrat à une structure qui n’était pas intéressée par mon format et ma taille d’artiste. Pour eux je devais vendre 300 000 exemplaires sinon ça ne les intéressait pas. Je suis donc passé par une période d’indépendance. Je savais pertinemment que je ne trouverai pas de major sur Les Affranchis, j’avais prévenu mes éditeurs, je leur avais dit : « allez-y, vous pouvez toujours leur faire écouter mais moi je sais, je sens, que personne ne signera. Préparez-vous on va devoir se débrouiller nous-même ». Ils ont relevé le défi. On a trouvé un super distributeur plus indé, nous avons produit l’album nous-même avec Julien Soulier, mon manager mais c’est vrai que c’était un autre défi. Finalement on s’est rendu compte que l’indépendance, ça nous allait bien.

Tu avais déjà écrit Les Affranchis avant de partir de chez EMI ?
J’avais déjà fait quelques maquettes, je leur avais déjà passé quelques trucs. Mais pour eux il n’y avait pas de single pour la radio. Finalement nous avons quand même été en playlist sur France Inter, sur Nova, sur FIP… Nous n’avons pas eu Virgin et Europe 1 mais on a prouvé qu’on pouvait passer sur de bonnes radios.

Dans le titre phare, Les affranchis tu fais un parallèle entre la mafia et le milieu de la musique. Est-ce une fiction où est ce pour rappeler les moments où tu étais un peu plus dans l’ombre ?
J’adore Les affranchis de Martin Scorsese c’est peut-être le film que j’ai le plus vu. Je me suis dit qu’il y avait un vrai parallèle entre gangsters et chanteurs : chacun essaye de vendre quelque chose. D’un côté des guns et de la poudre, de l’autre de la poésie. Les chanteurs essayent de dealer leur poésie, leur présence, leur « gueule », c’est le côté un peu prostitué de l’artiste, le côté marginal. On cherche à échapper à un système, il y a aussi un refus du trop établi, un besoin de s’en sortir dans cette espèce de voie parallèle qui n’est pas la voie de l’illégalité ou de la criminalité mais qui est quand même une voie marginale. Je trouvais ça amusant de faire un comparatif. C’est aussi pour ça que l’on a fait un clip dans lequel on rejoue la scène du film de Martin Scorcese à la façon française, en jouant au scrabble au lieu de jouer au poker. C’est un comparatif amusé. Il y a donc de nombreuses raisons pour lesquelles ça s’appelle Les Affranchis.

Ce lien entre gangsters et musiciens a existé par exemple dans le Chicago des années 20…
Absolument, même si pour moi ce sont plus les gangsters du cinéma qui m’intéressent. J’aime bien Ray Liotta et Joe Pesci. On sait qu’au fond ce sont des acteurs mais ils jouent les gangsters avec une telle puissance que l’on se dit « toi si tu n’avais pas eu la chance de rentrer dans le cinoche tu serais peut être devenu un gangster ». Il y avait tout cela derrière ce titre.

Pour le clip, qui a été nominé aux victoires de la musique, tu as réussi à réunir de grands artistes de la chanson française : Aznavour, Juliette, Michel Fugain… ce sont des gens qui te sont proches maintenant ? qui apprécient ce que tu fais ?
Je ne les ai pas tous contacté directement, nous avons fait marcher le réseau de chanteurs que nous connaissions et que nous aimions bien. Nous leur avons envoyé le single et nous leur avons proposé le projet. Ils ont joué le jeu et ça a donné un résultat inoubliable ! Il y aura toujours un avant et un après ce clip dans mon histoire. Je pense aussi que ça sera une archive extraordinaire ! C’est le genre de clip à revoir dans trente/quarante ans quand tout aura changé. On le regardera en se disant qui est encore là ? Qui est parti ? Pour moi qui suis de la génération d’avant, avoir à ses côtés pour ce clip des personnalités comme Fugain, Duteil, Aznavour était émouvant, cela renvoyait à des souvenirs d’enfance.

C’est une forme de reconnaissance ?
Pour moi les questions de reconnaissance sont secondaires. Le jour où ils sont venus ils ont pris du temps ils sont venus bénévolement et ils se sont amusés. Ils ont été dans les contraintes d’un tournage et ils ont fait un truc qui est quand même très bien fait. Ils ont compris la chanson et ils se sont pris au jeu.  

Quand on voit Aznavour il joue le jeu à fond …
Il y a beaucoup d’autodérision dans ce clip qui dit « regardez les chanteurs c’est comme des gangsters ». Lors d’une émission sur France 3 Frédéric Taddéï m’a demandé : « vous ne trouvez pas bizarre qu’ils aient tous accepté de venir ? ». Je n’avais pas réfléchi à ça et c’est vrai que venir tourner dans ce clip c’est un regard sur son métier rempli d’autodérision. J’ai donc aussi beaucoup de respect pour eux en raison de cela.

Tu es en tournée depuis deux ans environ, tu as du faire une centaine de dates qu’est-ce que tu retiens de ce long parcours qui te porte jusqu’à l’Olympia ?
Je n’en retiens que des bons souvenirs. Je me régale artistiquement, je me fais plaisir à chaque concert. C’est une belle tournée pour laquelle nous n’avons eu aucun souci. J’ai pris tous les avantages de ce métier sans les contraintes de recherche de reconnaissance perpétuelle. J’ai donné des interviews, j’ai fait de la promo, mais sans rentrer dans une problématique de starification. A l’approche de cette fin de tournée, je ne peux qu’être positif. J’espère pouvoir continuer.

Ton album au niveau musical est assez ouvert. Est-ce que l’on peut dire que cela reflète  ta personnalité ?
La musique c’est comme les humeurs des gens, ça change tout le temps. Dans nos vies on passe par des états qui sont complétements différents. Du coup on n’a pas envie d’écouter toujours les mêmes choses. Lorsque j’écris des chansons j’essaye de faire une musique qui correspond à la fois à ce que je souhaite raconter mais je prends aussi des libertés. Je me dis « cette chanson il faut mettre un banjo dessus, ça va marcher » après la question des styles et l’étiquette c’est secondaire. Personnellement j’écoute des choses assez variées. J’aime autant le hip hop que la grande musique, que la chanson française… je pense qu’il faut rester très ouvert parce que nous vivons dans une époque qui est précédée par une histoire musicale dans laquelle plein de choses se sont passées. C’est difficile d’arriver comme ça et de dire « regarde je vais révolutionner le son  ». Il y a des chansons qui sortent avec du très beau son, du très gros son mais les matériaux existent tous déjà un peu dans la nature. On prend des choses, on les mélanges puis on fait des clins d’œil sur ce que l’on aime. La question de la liberté musicale est importante mais il ne faut pas tomber dans un truc de fête foraine. Il faut essayer de bien mélanger les choses pour que ça fasse un plat assez digeste.

Tu rajoutes souvent une petite touche d’humour dans tes chansons comme dans les Ronchonchons…
J’aime bien quand il y a des moments de décalage et lorsqu’on revient ensuite dans une émotion un peu plus grave, que l’on sort puis que l’on revient… C’est un peu un résumé de ce qui se passe dans chacune de nos vies qui sont finalement extrêmement riches, extrêmement différentes, surtout à notre époque où tout change très vite. La musique, la création artistique doivent être à l’image de la société. Il ne faut pas faire quelque chose de trop poussiéreux, d’enfermé dans des habitudes qui peuvent être, à mon avis, néfastes.

La chanson des Ronchonchons a pas mal fonctionné au niveau de l’estime, au niveau populaire, les gens se reconnaissent pas mal dedans. Est-ce une surprise pour toi ?  Est-ce pour cela que tu as souhaité développer ce projet (album/spectacle Ronchonchons et compagnie)?
Je savais que cette chanson marcherait. C’est un peu mon Bienvenue chez les Ch’tis, la chanson un peu plus populaire que les autres, plus naïve mais finalement assez évidente. Dans un pays comme la France à part râler (rires), il ne nous reste plus grand-chose puisque finalement on nous a tout pris. Donc il nous reste quoi à part être ronchonchon pour se consoler, pour se faire du bien ? Au début je ne voulais pas mettre cette chanson sur l’album. Je trouvais qu’elle n’avait rien à faire là. Mais on m’a dit : Cette chanson elle marche et tu ne peux pas ne pas la mettre j’ai donc fini par accepter. Peut-être fallait-il la mettre ailleurs ? En bonus ? Je ne sais pas, mais dans la lignée artistique des Affranchis elle sortait quand même vraiment du lot. Ce qui me fait plaisir c’est que cette chanson retrouve une place qui lui est dédiée au milieu d’une histoire où on explique pourquoi les ronchonchons sont devenus ronchons parce qu’on ne devient pas ronchonchons comme ça ! Il y a des raisons ! On s’est beaucoup amusés à faire ça et c’est une très bonne continuité.

C’est quelque chose que tu vas développer en spectacle ?
J’aimerais bien qu’il y ait une représentation avec tous les gens du disque mais je n’ai pas envie de passer mon temps sur les routes avec ce spectacle-là. Il n’est pas encore écrit donc on ne peut rien dire, mais c’est vrai que de par le succès du disque et du bouquin on se dit qu’il faut le mettre sur scène. Je pense qu’on va le monter et qu’on le jouera au moins une ou deux fois dans des exceptionnelles puis on se fera remplacer par d’autres chanteurs pour le faire tourner peut être un peu plus longtemps.

Après Les Affranchis qu’as-tu prévu ?
Pour l’instant je termine cette tournée. Après je vais partir m’aérer un peu dans le sud chez des amis pour écrire de nouvelles choses. J’ai un petit studio dans lequel je compose des sons, je cherche en permanence. Je suis dans une période où je ne sais pas vers où je vais me diriger. D’un côté c’est angoissant, de l’autre cela me nourrit énormément. Je suis dans cette incertitude qui est vraiment le terrain propice pour faire des choses nouvelles. Je me donne le temps de me perdre avant de proposer un nouvel album !

 


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