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Instantané de Cannes : Six heures de projection pour la série Top of the Lake



Mardi 23 mai à Cannes, l’évènement incontournable de la journée se situait dans la salle Bazin du Palais des festivals et nous vous en parlions le jour même dans cet Instantané de Cannes. Quatre énormes lignes se sont formées en fonction de l’accès réservé (invitation, couleur de badge…). A la vue du nombre de personnes voulant assister à l’évènement, il est évident que tout le monde ne rentrerait pas dans la salle. 

Mais pourquoi la projection de la saison 2 inédite de la série Top of the Lake suscite autant d’intérêt ? Surtout qu’il s’agit d’un marathon de six heures. La première raison, c’est qu’il s’agit d’une série, et c’est assez original au Festival de Cannes pour être noté. Elle s’inscrit d’ailleurs hors de toute compétition mais est plutôt affichée comme un « évènement pour le 70ème anniversaire du festival« .

La deuxième raison, c’est la présence de l’équipe de la série pendant toute la durée de la projection, et qui représente un casting très légitime au Festival de Cannes. Jane Campion, créatrice du show et figure incontournable du festival, est la seule femme à avoir gagné une Palme d’or en 1993 avec La leçon de piano et avoir été présidente du jury en 2014. Elle a pour habitude de présenter sa série d’abord à Cannes ou dans les grands festivals internationaux avant de la présenter au grand public. Ensuite, Elisabeth Moss et Nicole Kidman font partie cette année des actrices très représentées dans les films en compétition. La première était présente pour The Square il y a quelques jours et Nicole Kidman présente pas moins de trois films cette année (Les proies, Mise à mort du cerf sacré et How to talk to girls at parties), en plus de Top of the Lake !

En dernier lieu, la première saison a déjà gagné sa réputation en terme de mise en scène et de qualité du scénario. Le public est donc très enthousiaste à l’idée de participer à un évènement qui correspond à six heures de huis-clos dans une salle du palais, du jamais vu.  Et où qui plus est Jane Campion invite les gens présents à venir discuter avec elle de la série pendant les entractes.

Bien entendu, la salle pleine à craquer au premier épisode s’est vidée quelque peu au fur et à mesure des projections. Il n’est pas donné à tout le monde de passer une journée entière dans un fauteuil de cinéma. Cependant, c’est une standing ovation chaleureuse et très émotive qui vient accueillir la fin de cette deuxième saison inédite de Top of the Lake. La salle est comblée. Que vaut donc la nouvelle série mystérieuse de Jane Campion ?

Série complexe, thriller sociologique, polar ou drame familial, Top of the Lake est tout ça à la fois. Un mélange subtil entre True detective pour le héros solitaire, brillant et brisé, Fargo pour son rythme lent et son perfectionnisme de la mise en scène et Breaking bad pour son côté continuellement dramatique et ancré dans le réel. La série se donne l’air décousu, confus et extrêmement dense en apparence tout en assumant pleinement vouloir approfondir les sujets de société les plus délicats : viol, prostitution, sexisme, meurtre, manipulation et abus de mineurs. On comprend finalement que l’aspect confus du scénario tourbillonnant est simplement là pour venir happer les personnages un par un.

A l’image de son auteure, la série est profondément engagée. Contre toutes les formes d’abus envers les femmes, certes, mais aussi contre tous les maux de la société en général. Top of the Lake est un miroir décharné de la société actuelle, et le paradoxe c’est que l’intrigue se situe à Sydney, un endroit où il fait pourtant bon vivre.

Cela n’empêche pas la police de retrouver une valise sur la plage contenant le corps d’une prostituée clandestine. Celle-ci fait partie d’une maison close qui organise un réseau de ventre à louer. Robin Griffin, flic brisé par ses traumatismes d’enfance, mène l’enquête. Sa fille, qu’il avait abandonnée et confiée à une famille adoptive, a un lien avec l’affaire.

Telle une tragédie grecque, l’intrigue vient écraser ses personnages un par un, en leur faisant payer leurs erreurs, continuellement, jusqu’à épuisement. Top of the Lake est avant tout une série sur la culpabilité intérieure avant d’être une série sociétale. En tant que spectateur, vous observez, impuissant, le mal-être qui gangrène les sujets, mais vous vous régalez devant la justesse et la maitrise parfaite de l’oeuvre.