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Alaska, The Last Frontier (1ère Partie)

20150608_14082722 De l’Amérique Centrale à la frontière Canadienne

Mon départ en Alaska tient d’un heureux malentendu. 

Au moment de prendre mes billets d’avion pour aller du Costa Rica au Pérou, ma connexion internet saute et ma réservation s’annule au moment où je suis en train de mettre les dernières informations bancaires. Fidèle à lui-même, Opodo m’annonce avec son habituelle condescendance « qu’un problème technique est survenu et qu’il est impossible de savoir si mon billet a été réservé. »

Deux jours plus tard, c’est la bonne blague. Mon billet a non seulement été annulé car le paiement n’a pas abouti à cause d’une connexion wifi médiocre, mais surtout il a augmenté de 200 euros.

Je raconte alors ma mésaventure à une amie qui se moque gentiment de moi et souhaite se jouer de ma spontanéité supposée.

-Abandonne le Pérou et même l’Amérique du Sud. Si tu voulais faire un truc vraiment atypique et intéressant, tu irais en Alaska.

Mais bon, tu n’auras jamais le courage de faire ça…

Dommage, car c’est vraiment sublime il paraît. 

Un défi ? Me lance-t-elle un défi ? Est-elle en train de douter de ma capacité à relever des challenges débiles ?

Quelques secondes plus tard, je suis en train d’effectuer de folles recherches. Existe-t-il des posts sur des forums de personnes ayant déjà rejoint l’Alaska depuis le Costa Rica ? Nope. Personne. Même le moteur de recherche ne voit vraiment pas où je veux en venir. 

Je m’accroche. Quelle est la grande ville la plus proche de l’Alaska ?

Vancouver, au Canada.

Je note que le billet San Jose-Vancouver est vraiment peu onéreux. A peine une centaine d’euros. 

Je note aussi que le billet pour aller de Vancouver à Anchorage, la plus grande ville de l’Alaska, est lui aussi peu cher. 

Je book le tout et transmets le screenshot de ma réservation à mon amie provocatrice.

-J’ai pris mes billets d’avion pour l’Alaska. Je ne sais pas encore vraiment ce que je vais faire là-bas.

Mais j’y reste un mois. Donc ça me laisse du temps. 

Merci pour tes conseils. 

Et toc.

Je prévois tout de même une escale de quelques jours à Vancouver car beaucoup de personnes m’ont vanté l’intérêt de cette ville pendant mon voyage. Cela me permettra éventuellement de récolter des informations sur la dernière étape glaciale de mon tour du monde.

Après de longues et chaotiques embrouilles en tous genres avec les taxis-escrocs de San Jose qui voulaient à tout prix me dépouiller de mes derniers dollars, j’arrive enfin à l’aéroport. De là, je suis supposé avoir une connexion à Toronto.Screenshot_2016-01-24-18-35-03 (1)

Après un vol particulièrement long pour quitter l’Amérique centrale et traverser les Etats-Unis, je suis épuisé et j’ai 6 heures à attendre dans l’aéroport de Toronto. Je m’endors sur un canapé du terminal et manque de louper mon vol. Une fois dans l’avion, je suis le boulet qu’on applaudit et qui a mis tout le monde en retard. Puis je me dis que ce n’est qu’une simple connexion et qu’il me reste sûrement un dernier vol interne d’une heure. Après 1H30 de vol, je demande à l’hôtesse si nous atterrissons bientôt. Elle me regarde comme si j’étais fou.

« Mais monsieur, enfin…nous partons de Toronto pour aller à Vancouver. Même s’il s’agit d’un vol interne au Canada, nous avons 4500 kilomètres à parcourir. Il reste cinq heures de vol, vous pouvez vous rassoir. » Je marmonne un timide « Oh mais putain pas encore cinq heures… »20150607_125229

Je ne tiens plus en place mais commence à avoir une certaine habitude de la classe éco. Je me fais soudain la réflexion que c’est la trentième fois que je prends l’avion dans mon tour du monde. 20150604_145816

J’arrive à Vancouver et constate que c’est en effet une des villes les plus intéressantes que j’ai pu visiter dans ma vie. En Juin, la période est idéale. Il fait une trentaine de degrés et je passe une semaine à me balader gaiement dans les rues de la ville.20150605_144301

Je reste perplexe devant la beauté du Stanley Park, une île-fôret gigantesque qui nécessite plusieurs jours pour être explorée et où il est possible de littéralement se perdre. Le parc possède de nombreux chemins interminables où se trouvent de gigantesques arbres et toutes sortes d’espèces d’oiseaux.
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Vancouver est incontestablement cosmopolite, dynamique et agréable à vivre. Il y a des espaces verts partout et énormément de choses à faire. 
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Le week-end, le centre devient entièrement piéton. Il y a des animations partout la journée et une fois la nuit tombée, les habitants et touristes du monde entier font la fête jusqu’à l’aube, totalement ivres. Le lundi matin, les rues sont parfaitement propres et les soulards ont été remplacés par des hommes et femmes en costume noir.20150605_232452

C’est finalement avec un mélange d’appréhension et d’enthousiasme que je me prépare à quitter Vancouver pour rejoindre Anchorage, en Alaska.

Je n’ai strictement aucune idée de ce qui peut m’attendre là-bas et ce que j’ai lu sur le sujet m’a paru sauvage, frais, cher, immense et vraiment plus compliqué que ce que j’imaginais.

Cette situation m’inquiète grandement. Mais le fait de me dire que je serai dans quelques heures dans un des endroits les plus reculés et sauvages de la planète m’excite plus que tout. 20150607_182136L’Alaska, the last frontier

Les premières heures en Alaska représentent vraiment la seule fois de mon tour du monde où je me suis dis que j’avais peut être fait une belle connerie en improvisant totalement comme je l’ai toujours fait.20150607_180636

A chaque rencontre que je fais dans l’auberge de jeunesse d’Anchorage, le même discours qui me désespère de plus en plus à chaque fois.

-Mais t’as une voiture au moins ?,  me dis Romain, mon camarade de chambre.

-Euh non, j’ai même pas le permis.

-T’es mal, faut que tu fasses du stop du coup. Mais sinon tu t’y connais en camping et en vie sauvage ? T’as acheté une licence de pêche, un réchaud à gaz ? T’as le matos en cas d’attaque d’ours ? De toutes façons, tu seras obligé de dormir dans la nature, il y a très peu de lodges et c’est hors de prix. 

-Ah ouai. Non j’ai rien. Je sais juste faire des blagues et raconter des histoires. Mais en cas d’attaque d’animaux sauvages je suis pas sûr que ça serve. Je sais faire du feu aussi. Enfin, dans une cheminée avec des allumes feu et du petit bois.

-On est en Alaska ici. Le seul intérêt, c’est d’être au contact de la nature et de la vie sauvage.

-Oui, tu as raison. J’en rêve en plus. Mais je viens de réaliser que je n’ai juste pas assez de connaissances et d’expérience pour réaliser ça.

-Je quitte l’Alaska bientôt, mais viens avec moi demain j’ai une voiture, je vais t’emmener voir les hauteurs d’Anchorage.G0027149

Malgré le coup de main de Romain pour me faire visiter les alentours ce jour-là, je n’ai toujours aucune idée de là où aller et comment me débrouiller dans ces immenses espaces sauvages. Je pars à l’office du tourisme demander des infos. La personne sur place me tend un prospectus n’ayant pas de rapport avec ma demande. Je lui demande de m’aider à m’orienter et à trouver un itinéraire. Je constate que la conversation ne mène à rien…20150608_172600

Je pars dépité de l’office du tourisme lorsqu’une jeune fille vient à ma rencontre. 

-Salut ! J’ai reconnu ton accent français. T’avais l’air de pas mal galérer dans l’office. Tu veux des infos ?

-Bah je t’avoue que je désespère un peu là. Je sais pas trop où aller. Tu fais quoi toi ?

-Ça fait plusieurs semaines que je voyage avec un ami. On est partis de Montréal en voiture pour arriver à Fairbanks, au Nord. Là, on revient tout juste du bus d’Into the Wild, comme dans le film sur Christopher McCandless.

-Tu veux dire que vous avez parcouru plus de 6000 kilomètres en voiture et que vous avez marché trois jours avec vos sacs en dormant en pleine nature ?

-Oui ! Là, on laisse la voiture à Anchorage. On s’est dit qu’on allait visiter le sud. On prend l’Alaska Rail Road pour descendre à Seward, puis on fera tout le reste en stop pour revenir. Tu veux venir avec nous ? On a de la place dans nos tentes et on a tout le matériel pour camper et se défendre contre les ours.

-Oh putain, carrément que je veux venir avec vous. Tu me sauves la vie, t’as pas idée.
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Quelques minutes plus tard, Claire me présente Maxime et on part acheter ensemble nos billets de train pour le lendemain.

Le départ est à 6 heures du matin, une heure de réveil incompatible avec mon horloge biologique. Je décide donc de ne pas me coucher et de penser à toutes les aventures incroyables qui m’attendent. Je me dis aussi que j’ai, encore une fois, une chance inouïe de tomber sur les bonnes personnes au bon moment, parce que j’étais franchement à bout. 20150609_061736

Seward : la nuit de l’angoisse et Rory Maclean

Au fur et à mesure que le train mythique avance, le temps se dégrade progressivement pour se transformer en une pluie diluvienne, un ciel noir, un brouillard épais, une brise désagréable et un froid glaçant. 20150609_083353

Malgré le temps, les paysages que l’on aperçoit depuis le train sont absolument grandioses et je commence à apercevoir des étendues infinies de nature sauvage comme je n’avais jamais vu avant.

Je profite des 5 heures de voyage pour faire connaissance avec mes deux nouveaux acolytes.20150609_083428

Voyant le temps se dégrader, je leur demande s’il est toujours prévu qu’on dorme dehors, sous une tente. 

« Oui Francois, c’est toujours prévu qu’on dorme dehors, peu importe la météo. »

« Non mais pas de soucis. Je demandais juste pour avoir la confirmation. « 

Putain je suis mal, je n’ai même pas de manteau, ni de chaussures de marche, et surtout pas de sac de couchage. Je vais crever de froid comme une merde c’est sûr. 20150609_181324

En arrivant à Seward, nous passons la journée entière sous la pluie, avec presque nulle part où s’abriter. Démoralisé, démotivé, je propose à Claire et Maxime d’investir, pour des raisons évidentes, dans une bouteille de whisky. Les conditions météo exécrables ne nous permettant pas d’aller bien loin, nous décidons de camper en pleine ville. 20150609_220147

Après avoir cuisiné, à l’aide du réchaud à gaz (un objet dont je n’ai jamais compris le fonctionnement et l’utilisation mais qui est fort utile) des haricots verts et un peu de riz, nous entamons ce qui est sans doute la nuit la plus rude de mon existence. Enfin, je parle pour moi car Maxime dormait en moins de 30 secondes et s’accordait même l’audace de ronfler paisiblement.

Quatre heures plus tard, je grelote et suis incapable de fermer l’oeil. J’enfile littéralement tous les habits que je trouve dans ma valise. Je porte 5 paires de chaussettes, 3 pantalons, 4 t-shirts et 3 pulls. Préférant être ridicule que mourir d’hypothermie, je décide même d’enfiler un caleçon sur ma tête et des chaussettes trouées en guise de gants. le-froid-sans-sac-de-couchage-750x400

Cela ne change rien, je suis au bout de ma vie. Je m’extirpe, tel un bibendum déchu, de la tente et marche vers la première porte que j’entrevois. Je me retrouve dans le lobby d’un hôtel désert. Je me faufile dans une petite salle et m’endors sur le sol au pied d’un radiateur. 

A 6 heures, je sors discrètement de ma cachette et repars sous la pluie retrouver Maxime et Claire. Un policier vient me voir et nous sommes priés de quitter l’endroit dans les plus brefs délais. 

Nous décidons de nous abriter dans l’aquarium et plus tard dans la bibliothèque municipale. Je me souviens avoir rattrapé ma nuit sur la moquette des deux endroits.20150610_160830

Après avoir écumé tous les bars de la ville sous une pluie toujours interminable, nous décidons de passer finalement la prochaine nuit dans une petite auberge pour sécher nos habits et reprendre des forces. A bout d’énergie, cette nuit abritée fut d’ailleurs la seule et unique nuit que nous aurons passée hors de nos tentes. G0037209

Ce jour-là, pour passer le temps, Claire me raconte encore et encore la rencontre improbable faite avec Rory Maclean, un jeune Anglais de 19 ans qui vivait seul dans la nature, en totale autonomie, en se nourrissant de poissons qu’il avait pêchés lui-même. Cette rencontre avait eu lieu au bus d’Into the wild, où le jeune homme vivait comme un enfant sauvage depuis plusieurs jours, en parfaite harmonie avec un environnement vierge et hostile.big_artfichier_777966_5292901_201511190835447

Claire et Maxime n’avaient plus vu Rory depuis le moment où ils avaient quitté le bus, et se souvenaient que celui-ci souhaitait y prolonger son séjour. Mais Claire se rappelait de lui comme une des personnes les plus intéressantes et atypiques qu’elle avait rencontrée dans sa vie.

Mais les voyages sont propices aux situations totalement improbables. Quelques instants plus tard, lorsque nous signons le registre de l’auberge, le dernier nom écrit en bas de la page est celui de Rory Maclean. Le garçon que Claire ne pensait jamais revoir se trouvait en réalité dans la même auberge que nous. Oui, dans un état de 1 717 854 km2 et de 731 449 habitants, il avait choisi d’atterrir au même endroit, au même moment où nous nous trouvions, au même moment où Claire me parlait justement de lui. 

Mais la tenancière de l’auberge nous glisse discrètement que « ce jeune homme dort depuis deux jours et qu’elle n’ose pas le réveiller. »

En effet, il venait de passer plus d’une semaine seul, au milieu de la nature, et était à bout de forces. C’est donc le soir que nous l’avons finalement retrouvé pour diner. 20150612_204808

Je fis alors la rencontre de Rory, qui se trouvât fidèle à la description que m’en avait fait Claire la veille. Un jeune homme fin, toujours souriant, au regard pétillant, plein d’éraflures et d’entailles sur les mains et le visage. Toujours en train de souffler sur sa mèche blonde qui tombe sur ses yeux. Rory a cet air à la fois nonchalant et malicieux. A la fois terriblement débrouillard et autonome, et paradoxalement immature et irresponsable par moments. Il aime faire l’idiot mais peine à dissimuler son intelligence. Il m’explique d’ailleurs avec une certaine lassitude qu’il rentre à Oxford dans quelques mois. Nous proposons à Rory de se joindre à nous pour les jours qui viennent et celui-ci accepte.20150617_220421

Tout comme moi, il voyage seul autour du monde depuis 5 mois. Mais clairement pas de la même manière. Il faut dire que Rory, Maxime et Claire m’ont fait me remettre en question sur le sujet du voyage. Même si je ne regrette rien de mes aventures précédentes, je suis sidéré de voir à quel point ils sont cent fois plus débrouillards et solides que moi sur bien des aspects.20150613_215334

Je ne sais pas m’orienter, je ne sais pas cuisiner, je ne sais pas pêcher, je ne sais pas faire du feu, je ne sais pas conduire, je ne sais pas lire une carte, je peine à me réveiller le matin, je suis toujours en retard, je suis difficile à nourrir et je commente tout, sans vraiment apporter de solution.20150611_173856

Dieu soit loué, je suis divertissant et toujours de bonne humeur. Je crois qu’ils l’ont noté et je me promets d’essayer d’être utile au groupe d’une quelconque manière. Je me promets aussi d’investir dans un duvet et des habits chauds pour le reste du voyage. G0137389

Le lendemain, le soleil arrive enfin. C’est une libération, un orgasme solaire. Je pèse mes mots. Après avoir erré dans le froid et la pénombre de la ville la plus triste sur Terre, un Eden s’ouvre à nous.

Ce matin-là, Seward est la plus belle cité du Monde. 20150612_211103

Devant la beauté indescriptible du paysage que j’aperçois enfin, je retrouve mon énergie. Je suis enfin prêt psychologiquement et physiquement à vivre les aventures les plus folles de mon voyage.

A suivre..

 

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