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Semaine de la Mémoire 2018 et étude sur l’activité du cerveau pendant le sommeil



Nous vous proposons de suivre l’actualité de l’Observatoire B2V des Mémoires créé en 2013 depuis plusieurs années.

En 2014 nous vous annoncions la sortie de leur ouvrage ‘Mémoire et oubli’, l’année suivante l’Observatoire organisait l’exposition virtuelle Memorya. L’année dernière vous avez pu découvrir leur vidéo ‘Rôle de la neurogenèse adulte dans la mémoire des épisodes de vie’.

Aujourd’hui nous revenons sur la Semaine de la Mémoire 2018 organisée par l’Observatoire B2V des Mémoires qui s’est déroulée du 17 au 21 septembre dernier dans plusieurs villes françaises : Montpellier et sa région, mais aussi Caen et Bordeaux.

Cette semaine était entièrement dédiée à l’exploration de la mémoire : mémoire et musique, mémoire et oubli, mémoire et migrations, mémoire du vivant, les supports de la mémoire, mémoire et corps, mémoire individuelle, mémoire collective, mémoire et art, Intelligence artificielle…

Une quarantaine de manifestations ont aussi eu lieu : concert, conférences, tables rondes, expositions, ateliers, championnat de la mémoire intergénérationnel et spectacles pour les petits et les grands.

Suite à cette semaine, l’Observatoire a réalisé un sondage exclusif et posé la question aux Français : Pendant le sommeil, le cerveau perçoit des sons ou des odeurs. D’après ce que vous en savez, diriez-vous que… ? Vous pouvez lire la méthodologie et les résultats de l’étude sur cette page.

L’expert de l’Observatoire B2V des Mémoires, le Pr Robert Jaffard commente ces resultats. Il est membre du Conseil scientifique de l’Observatoire B2V des Mémoires, Professeur émérite à l’université de Bordeaux, Neurobiologiste à Institut de Neurosciences Cognitives et Intégratives d’Aquitaine.

Le cerveau endormi perçoit non seulement des informations sensorielles auditives ou olfactives mais il les discrimine, réagissant de façon différente en fonction de leur signification. Cette faculté, nécessaire, est-elle aussi suffisante pour que l’on puisse apprendre en dormant ou que nos souvenirs puissent être modifiés pendant notre sommeil ?

Les résultats de l’enquête montrent d’abord que 29 % de la population est certaine de la première possibilité contre 12 % seulement pour la deuxième. Ensuite et surtout, si l’on additionne les « probablement » (oui et non) la proportion atteint 68 % dans le premier cas et 81% dans le deuxième, ce qui traduit une assez forte incertitude de la population.

Que nous disent les données scientifiques ?
A partir des années 50, l’idée que l’on pouvait (tout) apprendre en dormant (l’hypnopédie) a été plusieurs fois réfutée par des expériences montrant l’inefficacité totale du procédé consistant, par exemple, à diffuser l’enregistrement de questions-réponses ou d’association de mots pendant le sommeil (mémoire déclarative explicite) puis à effectuer des tests au réveil. Par contre, certains apprentissages simples tels que l’habituation, les réponses réflexes à un stimulus (conditionnements pavloviens) peuvent être formés pendant le sommeil et perdurer après le réveil. En d’autres termes, seule l’acquisition de mémoires implicites (qui ne requièrent pas le souvenir conscient d’une expérience), indépendantes de l’hippocampe, serait possible pendant le sommeil.

On peut aussi envisager la première question sous l’angle de la consolidation et considérer que de par son rôle majeur dans le traitement sophistiqué des informations mémorisées (filtrage, transformation, restructuration), le sommeil permet au cerveau d’apprendre « quelque chose », en particulier à optimiser l’efficience (inférence, prises de décisions, créativité…) d’une mémoire déjà formée.

Une faible majorité de la population (57 %) pense qu’il est possible de modifier les souvenirs d’une personne pendant son sommeil (proportion difficile à expliquer au regard des 83 % qui pensent qu’il est possible d’apprendre en dormant).

Même si le terme « modifier » est imprécis, cette possibilité est bien réelle.
La première technique consiste à intervenir directement sur l’activité cérébrale. Par exemple, des stimulations électriques transcrâniennes (ou de simples sons) destinées à amplifier les ondes lentes (1Hz) émises naturellement au cours du sommeil profond améliorent la mémoire déclarative – mais non procédurale – d’apprentissages réalisés avant l’endormissement.

La deuxième technique repose sur une découverte capitale faite chez les rongeurs : les cellules activées lors d’un apprentissage se réactivent spontanément pendant le sommeil qui suit (« replay ») et ces réactivations peuvent être contrôlées (« ciblées ») de l’extérieur en présentant des stimuli appropriés (par exemple un son associé à un parcours donné). Il est alors possible de sélectionner l’activité cérébrale qui doit être « rejouée » pour amplifier et/ou sélectionner un souvenir particulier. Par exemple, la simple présentation, au cours du sommeil profond, d’une odeur qui avait été diffusée en continu pendant l’apprentissage réactive l’hippocampe et améliore la mémoire de cet apprentissage mesurée au réveil. Qu’il s’agisse de retenir les positions de divers objets sur un échiquier, d’exécuter un morceau de musique au piano, d’apprendre le vocabulaire d’une langue étrangère, ces réactivations ciblées par des indices appropriés améliorent la mémoire. Leur efficacité est étroitement liée à leur application pendant le sommeil profond et à l’intégrité fonctionnelle de l’hippocampe.

Plus récemment, des techniques analogues ont été utilisées pour, cette fois, toujours pendant le sommeil, supprimer les mémoires – ou des comportements – dont on ne veut pas : peur d’un stimulus, addiction au tabac et même, semble-t-il, préjugés sexiste ou raciste.