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Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors : JAH JAH JAH



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Je viens de voir l’avenir. Oh un avenir résiduel, limité, mais l’avenir toutefois. L’avenir du jeu vidéo. Ne partez pas tout de suite, faites montre de curiosité et suivez mon explication jusqu’au bout. 

999, pour Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors est à la vérité bien plus un roman interactif qu’un jeu vidéo, mais la différence est à mon sens bien plus ténue qu’il n’y parait. Souvent, le jeu vous met dans la peau d’un avatar (qui peut être un homme, une femme, un avion ou ce que vous voulez) et dans un cadre narratif plus ou moins figé. Pourtant, depuis quelques temps déjà, le jeu vidéo cherche à éclater sa narration, privilège qu’aucun média ne peut lui disputer : que ce soit un film ou un livre, aucun autre média ne peut prendre en compte les choix et les agissements du joueur comme les mondes évolutifs des jeux vidéo peuvent le faire. Aucun autre média ne peut, non plus, vous impliquer autant dans cette même histoire que vous êtes pourtant en train d’écrire. Cette confusion est la base même de la mode, récente, des « open world », les jeux bac à sable dont les ténors sont par exemple GTA, Just Cause, Saints Row ou Minecraft, où le joueur peut faire vivre à son avatar une « vie dans le jeu », ou les jeux de rôles actuels, qui se focalisent tous sur l’importance des actes du héros sur son environnement. Et quoi de plus grisant, en effet, quelle manière plus concrète de se sentir un héros que d’influer sur son environnement.

Malgré ce contexte favorable, pourtant, Heavy Rain, sorti en 2010 sur PS3, n’a connu qu’un succès relatif. Pourtant, le jeu avait détoné : le joueur y incarnait 4 personnages dans un véritable film interactif. Néanmoins, le film était tout de même solidement ancré sur ses rails, et l’impact du joueur était essentiellement de savoir si l’un des personnages allait mourir ou non, un éventuel décès n’entrainant pas le Game Over fatidique. L’histoire était belle et poignante, l’enquête passionnante, mais il en résultait une once de frustration…  Pas bac à sable, pas vraiment jeu de rôle non plus, Heavy Rain inaugurait une nouvelle vision du jeu vidéo que l’on retrouve en partie dans 999, sans que les deux ne se ressemblent particulièrement. Vous suivez toujours ?

Ainsi donc, étant pour ce qui me concerne passionné par ce type d’expérience, j’apprends au détour d’un site internet l’existence de ce jeu, 999, que je récupère (et je vous rappelle que la DS n’est pas zonée, la brave petite).

Et en effet : quelle claque. 

Le chara-design est assez bien réussi.

 

Je suis le roi du monde – et glou et glou et glou

9 personnes se réveillent à bord d’un bateau en train de couler. En 9 heures, elles vont devoir réussir à s’échapper et à survivre. La trame est classique, la narration, beaucoup moins. Car ce n’est plus de la narration éclatée, ici, mais vraiment une narration déstructurée, comme aucun livre seul ne peut la permettre. En réalité, il faudrait plusieurs livres, mais le procédé serait fastidieux.

Le risque est grand de spoiler, je m’en tiendrai donc à la périphérie de la chose. Vous allez finir le jeu une première fois, et vous échouerez à peu près forcément. Je ne minimise pas vos grands talents, vous échouerez. Et c’est là que le jeu prend tout son sens.

 Vous pourrez alors recommencer en gardant en mémoire tout ce que vous savez déjà. Ainsi, vous pourrez passer en accéléré les scènes que vous avez déjà vues (sans quoi le concept serait insupportable) et surtout, explorer de nouvelles pistes. Au fil de vos enquêtes (six fins sont disponibles), vous allez découvrir l’histoire et la personnalité de vos compagnons d’infortune, mais aussi les tenants et aboutissants de l’histoire. Sans trop en dire, cette notion de « recommencer avec ce que l’on sait déjà ancré dans la tête » n’est absolument pas artificielle, elle sera même déterminante à un moment-clé du jeu, sans pour autant sortir de nulle part comme un deus ex machina. Quel plaisir de se prendre à avoir un sourire acide en entendant certains commentaires de personnages, alors que l’on sait pertinemment qu’ils mentent, et quel plaisir aussi, et surtout, de faire le maximum pour tâcher d’éviter les fins sinistres qui s’offrent à nous, en essayant d’être au bon moment au bon endroit.

Et surtout, quelle manière plus totale de s’immerger que de présider, par sa connaissance, son omniscience presque, au devenir de ce livre ? De ses personnages ? 

Une petite communauté de fans, plutôt créative, s’est créée spontanément sur le net.

 

Ces 6 fins, une bonne, trois mauvaises et deux médianes, font toutes sens, et c’est un peu comme si on lisait un roman du même type en choisissant à chaque fois le cheminement du héros. Un thriller psychologique, noir, et même un peu plus que cela, porté par des personnages fascinants, aucunement manichéens, tous ayant une psychologie fouillée et bien sûr des objectifs antagonistes.

Du coup, en quoi est-ce un jeu ? L’essentiel de celui-ci passe en effet par les dialogues et le texte, excellents au demeurant. Mais de temps en temps, avec vos coéquipiers du moment (et non, vous ne franchissez pas 9 portes à la suite, mais plusieurs en même temps), vous aurez à résoudre une énigme, en fouillant une pièce, en combinant des objets, etc. Les énigmes sont d’ailleurs parfaites : suffisamment bien construites pour exiger que l’on se concentre, elles ne sont pas non plus d’une difficulté à s’arracher les cheveux. Ainsi, à condition d’être un minimum attentif, elles obéissent toutes à une logique qu’il sera tout à fait possible de comprendre et/ou deviner. Le stylet de la DS est, à cet égard, un vrai plaisir, tant il se prête à ce genre de jeu. On n’est loin, certes, d’un Layton, dont les énigmes sont la moelle épinière, mais elles constituent une agréable respiration au milieu d’une histoire par ailleurs assez pesante.

 

The ninth door

Finalement, pour peu que vous soyez anglophones (et même si vous ne l’êtes pas, adjoignez-vous les services d’un dictionnaire), vous allez découvrir une expérience ludique absolument passionnante, bourrée d’idées, et qui grignotera votre temps comme si de rien n’était. Et si tout cela vous semble excessif, reportez-vous aux tests de nos confrères sur Internet : tous les testeurs en sont devenus accros. Et j’attends la suite, prévue pour 3DS, avec impatience. 

Le double-écran offre un excellent moyen de joindre l’image au texte.