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Rooms : chambres à part



Un hôtel lugubre, du pavé, encore du pavé sous la semelle, la lune et son œil rond tapis dans l’ombre, un livre comme seul interlocuteur. Dès les premières minutes, Rooms interpelle. Rarement un jeu vidéo aura inscrit son thème dans une époque si clairement définie. On pense au Londres des bas-fonds, le brouillard plein les yeux, aux feuillets d’Agatha Christie, à une intrigue bien retorse. Rooms, c’est ça. Tout ça à la fois. Dans une aventure qui avance ligne par ligne, vous incarnez un héros sans nom, Mister X. Pas de patronyme, l’identification devient dès lors, naturelle. La suite, moins. Deux plans, trois monologues, moins de temps qu’il n’en faut pour vous téléporter dans un monde parallèle, aussi étrange qu’exigu. Espérer en sortir, c’est d’abord songer à y pénétrer, en remuant dans tous les sens la centaine d’énigmes qu’il renferme. Autant de verrous à votre liberté.

Pendant ce temps, à Verrou Cruz…

Empruntant sa mécanique au plus classique des jeux de réflexion, le puzzle, Rooms fait avancer la joueur dans des tableaux composés de cases, avec en arrière plan un élément de décor à reconstituer. Le but est archi simple : sortir de ce casse-tête en remisant chaque pièce à sa place, pour dégager ainsi un chemin qui vous mènera vers la sortie. Deux stratégies s’entrechoquent : soit vous optez pour le cadrage esthétique, en tentant de reconstituer le puzzle que constitue chaque tableau, là une corniche, là un bout de toit. Soit vous privilégiez la logique pure du gamer, en faisant avancer le héros au pousse-pousse, le déplaçant case après case en tentant vainement d’atteindre les tableaux suivants (une centaine au total). La difficulté étant peu corsée, et ce même une fois arrivé aux chapitres de fin, vous aurez tout le loisir de vous frotter aux différentes techniques de jeu. Après, Rooms noircit un peu le challenge en disposant pièges et grigris aux travers des énigmes (mois fouillés que dans Professeur Layton cependant), vous obligeant à vous servir d’items pour assurer votre progression. Téléportez-vous d’un coup de téléphone (avec à l’écran, un effet à la Matrix), changez le décor d’une case en passant à travers une armoire, faites sauter un muret à l’aide d’une bougie et d’un peu de poudre… Les ressorts de l’action, aussi marqués que la mise en scène théâtrale, participent au combien, au grandiose du jeu. Classique mais juste.

Une trame nommée désir

A côté de son archaïsme débonnaire, ce qui fait de Rooms une œuvre à part, c’est son penchant filou pour l’aventure. Vous vous doutez bien que sauter de case en case ne suffit pas à dérouler la trame générale. Se faisant désirer, le titre accorde une large faveur aux dialogues (parfois interminables, avouons-le..) et surtout à l’investigation. Entre plusieurs plateaux, vous devrez donc déambuler à l’aide du stylet (ce qui n’est pas sans rappeler ces bons vieux point and click) dans des décors qui s’y prêtent volontiers (station de métro, couloirs crasseux), afin de dénicher des objets, qui débloqueront des situations et par là-même, l’intrigue. Action, réflexion : deux versants au combien complémentaires qui font de Rooms une quête accomplie. Qui souffre cependant de menus défauts. D’abord une réalisation pauvre et terne, marquée par des tableaux souvent très sombres, d’où une sensation mêlée d’égarement et de déjà-vu, qui prend rapidement à la gorge. Autre bémol, l’ambiance sonore en deçà, répétitive à souhait (malgré le magnifique thème principal). Avare techniquement, Rooms l’est aussi dans ses modes de jeu. Un éditeur de niveaux mal fichu, des défis chronométrés redondants et l’absence coupable de multi condamnent au final, votre plaisir à s’exprimer uniquement en solo. A dire vrai, il n’en devient que meilleur.


Initialement publié le 14.06.2010