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Life is Strange 2 (Episode 1 – Roads) : le changement dans la continuité



La vie est un roman

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il convient peut-être de rappeler très rapidement en quoi consiste la franchise des Life is Strange. S’inscrivant dans la mouvance des histoires graphiques interactives initiée par feu le studio Telltale (Walking Dead, Wolf Among Us ou encore Game of Thrones), les Life is Strange ont immédiatement pris le parti de rejeter l’adaptation d’un univers cinématographique ou télévisuel à succès pour s’orienter vers des scénarii originaux centrés autour de personnages d’ados en proie aux doutes et aux chagrins inhérents à cette période si délicate de l’existence. Ainsi, le premier épisode nous avait permis de nous attacher profondément aux personnages de Max et Chloée dont la relation compliquée aboutissait à un final particulièrement fort sur le plan émotionnel. Difficile de ne pas avoir une petite larme en pensant au Spanish Sahara des Foals qui accompagne la cinématique concluant l’aventure. Mais Life is Strange, c’est également une plongée dans une Amérique au final assez méconnue, celle d’un Oregon reculé, globalement rural et dont les paysages à la fois somptueux et mélancoliques forment un cadre tout à fait adapté à l’évocation de ces jeunes gens un peu paumés et aux crises existentielles assez cohérentes au regard de leur âge. Allez, nous avons tous (ou presque) été des ados un poil perturbés et rebelles, non ?

Frères de sang

Perturbés est le bon qualificatif pour caractériser les deux nouveaux héros de ce Life is Strange 2. Et oui, première nouveauté, ce deuxième opus propose cette fois-ci un duo masculin, à savoir Sean Diaz, lycéen à la sensibilité artistique ne parvenant pas encore à se positionner en tant que jeune adulte, et Daniel son petit frère de 10 ans, plein de vie mais également envahissant et un brin capricieux comme peuvent l’être tous les gamins de cet âge. Vivant avec leur père dans la banlieue de Seattle, nous voici face à une petite famille a priori sans histoire et relativement heureuse même si leurs origines mexicaines ne leur attirent pas toujours un regard bienveillant de la part de ceux qui se considèrent avant tout comme des native americans. D’ailleurs, une vague allusion au fameux mur de Donald Trump transparaît lors d’une phase de dialogue… Malheureusement, cette cellule familiale va être déchirée face à un événement aussi dramatique que soudain. Bien entendu, tout l’intérêt d’un tel jeu résidant dans son écriture et ses péripéties, nous maintiendrons tout au long de ce test l’opacité de rigueur qui permettra à chacun de découvrir une histoire qui, disons-le immédiatement, s’avère magnifiquement construite. Toujours est-il que face à ce drame, Sean et Daniel vont devoir fuir leur logis dans la précipitation et le dénuement le plus total : un sac à dos; une vingtaine de dollars et une boîte de cookies composent leur unique bagage. Et c’est parti pour un road trip durant lequel les deux frères vont immanquablement se rapprocher mais aussi découvrir ce que le mot responsabilité veut réellement dire… C’est d’ailleurs l’une des autres petites nouveautés proposées par cet épisode… Sobrement baptisé Roads, cette aventure sera donc placée sous le signe de la mobilité et de l’errance là où le premier opus s’avérait plus confiné à la seule bourgade d’Arcadia Bay que l’on découvre d’ailleurs furtivement au détour d’un chemin. Merci pour le clin d’œil !

La fin d’un diktat ?

Le gameplay du premier Life is Strange et de sa préquelle s’avérait particulièrement basique et dépouillé : une capacité de remonter dans le temps afin de modifier ses choix et un vague système d’influence afin d’intimider des interlocuteurs récalcitrants… Dans cette suite, le studio Dontnod a poussé sa logique encore plus loin en… abandonnant totalement la notion de gameplay ! Vous ne rêvez pas, Life is Strange 2 fait le choix radical de ne reposer que sur des dialogues interactifs censés modifier le cours de votre aventure ou encore de rapides sessions de recherche afin de trouver l’objet indispensable ou de déverrouiller l’action qui permettra de débloquer une situation peu enviable. Ce qui pourrait s’assimiler au simple renoncement d’élaborer un vrai jeu s’avère être le principal atout du titre. Libéré de cette obligation d’intégrer un gameplay rachitique et qui relevait franchement du vague prétexte, les développeurs ont simplement assumé ce qu’était en réalité un Life is Strange : une expérience immersive génératrice d’émotions.

On the road 

Et de l’émotion, ce n’est pas ce qui manque en accompagnant cette escapade qui permet à Sean et à Daniel d’échanger des gestes simples comme la joie enfantine d’élaborer un feu de camp ou encore de s’allonger côte à côte pour interpréter la forme des nuages. Je sais, dit comme cela, cela semble un peu nunuche et terriblement naïf. Mais pour peu que vous abandonniez votre panoplie de guerrier sanguinaire enfilant les frags à CoD, nul doute que vous vous laisserez porter par ces pérégrinations souvent très poétiques et contemplatives. Quelques séquences s’avèrent tout de même un peu plus tendues et « actives » comme celle où vous devrez vous échapper d’une station service dans laquelle Sean a été emprisonné. Dans ce cas, il sera nécessaire de bien analyser l’environnement afin de trouver le moyen de vous sortir de ce guêpier. Mais tout ceci reste assez basique voire simpliste et le plus souvent, il s’agira surtout pour Sean de partager des moments privilégiés avec son petit frère, de veiller sur lui et de faire les bons choix quant à la conduite à tenir. En un mot de devenir une sorte de père de substitution. Ce Life is Strange 2 reste donc particulièrement centré sur le duo de frangins et vous ne ferez que de rares rencontres. Mais certaines dont celle d’une sorte de journaliste libertaire et itinérant réservent tout de même quelques phases de dialogues bien construites et symptomatiques d’une Amérique fracturée sur le plan social entre ceux qui cautionnent une american way of life et ceux qui considèrent ce paradigme comme violent et excluant. Parfois désuet et pétri de bons sentiments, Life is Strange 2 reste donc un jeu assez adulte et la psychologie un poil caricaturale des personnages s’avère tout de même infiniment plus fine et travaillée que celle dont se voient affublés la plupart des héros « têtes de gondoles » des franchises à succès.

Sons et lumières

Life is Strange s’est toujours attaché à proposer une ambiance cinématographique assez arty lorgnant vers le cinéma indépendant. Ainsi, les effets de mise en scène sont nombreux, particulièrement réussis et sont également mis en valeur par un environnement sonore comme toujours de haute volée. Et cet épisode ne déroge pas à la règle avec des musiques plutôt orientées folk qui épousent parfaitement votre aventure. Il faut ajouter à cela quelques chansons judicieusement choisies et qui relèvent d’un goût musical certain. Quel plaisir de retrouver, dès l’introduction, la rythmique hypnotique du Lisztomania de Phoenix ! Pour terminer, on retrouve un style graphique relativement épuré avec cette fois-ci, un très léger effet de cell shading sur les visages qui pourra éventuellement décontenancer les fans de la série. Rien à redire en revanche sur les paysages à la fois détaillés et joliment colorés : certains panoramas flattent le regard et vous mettront à « l’arrêt » quelques secondes voire quelques minutes.

Testé sur PS4 (version dématérialisée)