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Saint Seiya, les Chevaliers du Zodiaque : la bataille du sanctuaire, back to the 80’s



Dimps, développeur du jeu, n’est pas un nouveau venu : on leur doit, entre autres, les adaptations de Dragon Ball Z. Ils ont toujours tâché de faire montre d’un respect zélé du matériau originel, ce qui passait très bien pour la série d’Akira Toriyama qui repose quand même sur des combats d’arts martiaux mâtinés de projections énergétiques. Mais en va-t-il de même pour Saint Seiya ?

Difficile de rester objectif face à une œuvre qui a bercé notre enfance, aussi allons-nous examiner successivement tous les aspects de ce jeu pour tâcher d’être le plus impartial possible.

 

La belle histoire. Ou pas.

Faisons un petit résumé pour ceux qui pourraient ne pas connaître cet anime-culte (et auxquels je ne suis pas sûr que l’on puisse conseiller ce jeu, mais nous y reviendrons). Des orphelins sont envoyés par un riche philanthrope aux quatre coins du monde pour obtenir l’honneur de devenir des saint (assez mal traduit par chevalier), des anges gardiens capables de revêtir des armures de bronze qui leur donneront le pouvoir nécessaire pour défendre la réincarnation d’Athéna, la princesse Saori Kido, ci-devant petite-fille dudit philanthrope, comme quoi le hasard fait bien les choses. On passera sur un vieux nanti qui envoie des orphelins s’entretuer dans des lieux hostiles pour avoir le plaisir de protéger sa descendance au péril de leur vie. Problème : au Sanctuaire, institution religieuse dédiée à Athéna, un Grand Pope maléfique, qui prétend aussi être la réincarnation d’Athéna, envoie des émissaires essayer de tuer la princesse, et l’on découvre alors qu’il y a des chevaliers d’argent, d’acier et même d’or, au sommet de la hiérarchie. Après avoir essuyé 97 attentats, Athéna prend la décision qui s’impose : se barricader et se rendre sur place pour demander des comptes à son rival. Au lieu de martyriser des orphelins, il aurait mieux fait d’enseigner le bon sens à sa petite-fille le vieux sadique (bon, perdu, entre temps, il est mort).

A peine arrivée au sanctuaire, Saori reçoit une flèche en plein cœur. Le seul qui puisse la retirer est le Grand Pope lui-même, que l’on imagine trépigner d’impatience d’aider sa rivale honnie. Mais pour cela, il faut l’atteindre en moins de 12 heures, sachant qu’entre les deux il y a douze maisons du zodiaque à traverser, chacune gardée par un chevalier d’or censément belliqueux. Ambiance.

Bon, je vous l’accorde, le scénario ne remportera pas le prix PPDA de la meilleure œuvre plagiée, mais saupoudré d’un soupçon de tragédies humaines, l’ensemble prend des allures de récits chevaleresques qui justifie la traduction hésitante du titre en français. 

 

On a visité Athènes, c’est quand même très abîmé !

Le premier constat est évidemment graphique. Les premières minutes sont relativement déroutantes : les textures ne sont pas hideuses, mais les décors sont pauvres, très vides. Et puis on se souvient : dans l’anime, le sanctuaire n’était pas exactement le paradis des architectes, le nirvana de Valérie Damidot. Dimps n’a, finalement, que repris les décors initiaux, même si certains cas relèvent un peu de l’abus, comme lorsque deux paires de maison sont rigoureusement identiques (Cancer/Verseau et Capricorne/Poisson).

Du point de vue des personnages, le développeur souffle un peu le chaud et le froid. Les personnages ne sont pas modélisés d’après l’anime, ni même d’après le manga de Kurumada, mais d’après les figurines que s’arrachent des collectionneurs acharnés depuis des lustres. Joli exemple de fan service, certes, mais qui implique des visages très lisses et très peu expressifs, dans une série qui pourtant repose beaucoup sur des drames humains. En revanche, les animations sont très réussies, et c’est un plaisir de voir chaque chevalier développer son propre panel de coups. On notera d’ailleurs l’effort réel consenti pour les attaques spéciales : les météores de Pégase sont vraiment de petites comètes bleues, l’envol du Phénix fait vraiment se déployer un oiseau de feu, très joli travail, jusque dans les moments où nos héros concentrent leur cosmos, qui permettent de voir Hyoga exécuter sa danse du cygne ou encore Ikki avancer à pas comptés comme dans un Sergio Leone. Tout cela favorise l’immersion et ressuscite assez brillamment l’esthétique de la série. 

 

Il te faut une canne, mais une blanche

Seulement, et beaucoup de développeurs ne l’ont pas compris, un bon jeu, c’est surtout un bon gameplay. Il ne s’agit pas ici de critiquer la réactivité des commandes, tout à fait au point encore que la disposition des boutons gêne quelque peu le déclenchement de certaines attaques spéciales, mais le fond du gameplay. Et c’est ici que cela se complique.

Commençons par expliquer les bases : chaque chevalier dispose d’un coup faible et d’un coup fort, les deux pouvant se combiner. Ensuite, chacun d’entre eux a une à 3 attaques spéciales, voire 4 pour Shun sous certaines conditions. Ils peuvent concentrer leur Cosmos, ce qui les oblige à rester statiques, mais aussi se déplacer à toute vitesse ou améliorer leurs coups spéciaux en utilisant leur cosmos. Ils peuvent bien sûr parer, et enfin ils peuvent utiliser le septième sens, la clé de voûte de la série, qui leur permet de ralentir le temps tout en augmentant leurs stats, et surtout seule ouverture pour frapper un chevalier d’or… On le voit, de bonnes idées, il y en a, et pourtant…

On peut dire que le jeu se divise en deux grands styles :

–          Le premier est un beat’em all à la Dynasty Warriors : le chevalier traverse des nuées de soldats (200 à 300 individus) en tâchant de ne pas se faire ensevelir sous la masse. La théorie est sympathique, et du reste le côté défouloir de la chose ne manque pas de charme, mais l’ensemble est plombé par une caméra pire que capricieuse, que l’on ne peut pas décaler, et il n’y a rien de plus frustrant que de perdre un continue (et ils sont limités…) parce que l’on ne voit plus son personnage ou parce qu’il a été pris par surprise par une attaque que l’on ne pouvait absolument pas voir venir. A la fin de ces séquences, on doit affronter un mini-boss, et c’est peut-être la seule entorse que les développeurs ont fait à l’œuvre originale : parmi eux, on compte Cassios, Misty, mais aussi les chevaliers noirs, parfois par paires. On pourra mettre cela sur le compte de la volonté de proposer au public des antagonistes qui sont toujours bien placés dans les classements des fans. En revanche, ils sont parfois proposés en duo, et le combat prend alors des dimensions épiques, obligeant le chevalier à esquiver en permanence, et on finit souvent ces niveaux exsangues simplement à cause de ces mini-boss. Et de la caméra.

–          Deuxième salle, deuxième ambiance, avec les chevaliers d’or. Ici, on a du duel, en un contre un, mais avec une liberté de mouvement de beat’em all. Le souci, c’est que pour battre chaque chevalier, on va en général remplir sa jauge de cosmos, utiliser le 7ème sens et guetter l’ouverture, ce qui rend les combats assez répétitifs. Ensuite, si tous obéissent à des codes pour annoncer leurs attaques, certains codes sont beaucoup trop rapides ou certaines attaques trop rapides et puissantes pour être évitées valablement, et on se prend à répéter le même combat, encore et encore, comme on révise une chorégraphie, pour chercher à quel moment on va spammer son attaque spéciale. Et là on réalise. Dans l’anime, que faisaient les chevaliers de bronze ? Ils essuyaient les attaques, encore et encore, jusqu’à trouver la faille, et l’exploiter pour déchaîner leur cosmos et frapper de toutes leurs forces. Dimps, consciemment ou pas, a intégré à son jeu le côté frustrant des combats de l’œuvre originale, mais même en trouvant cette excuse, qui est réservée aux fans, certains combats sont décourageants de difficulté. Ainsi, Shura du Capricorne, par exemple, vous en fera voir de toutes les couleurs, car même en connaissant par cœur son arsenal, on se fait régulièrement tailler en pièces. Du coup, la durée de vie s’en ressent : quand on passe des heures sur un seul chevalier, difficile ensuite de juger la durée de vie.

De même, chaque combat de ce genre se divise en trois phases : celle où le chevalier d’or a la haute main, celle où il doute, et celle où il donne tout ce qu’il a pour vaincre le chevalier de bronze. Les combats sont donc longs, et le nombre limité de continues frustrera les plus endurcis. De même, certaines séquences de combat auraient pu, et dû, se résoudre avec des QTE employés avec parcimonie, pour renforcer le côté théâtral de l’action. En l’état, force est tout de même d’admettre qu’il est grisant de revivre certains combats et de terrasser soi-même certains chevaliers, et si les victoires acquises de haute lutte ont une qualité, c’est bien d’être terriblement gratifiantes. Or, je vous assure que parfois vous pousserez un long râle de libération en voyant un adversaire plier le genou.

Reste le souci problématique du manque de variété des coups. Là encore, Dimps a voulu respecter son matériau, aussi chaque chevalier n’a que peu d’attaques spéciales, mais ni plus ni moins que dans le manga ou l’anime. Il faut se rappeler, par exemple, que dans la maison du Lion, Seiya passe une série d’épisodes à essayer de toucher Aiolos avec ses météores… et c’est tout. Dimps a donc poussé le mimétisme à son paroxysme, comme ils l’avaient fait dans les adaptations PS2 : les critiques et les joueurs avaient hurlé, à l’époque, sur le jeu de baston en 3D, qui manquait de coup et de profondeur. Ils ont donc oublié que les combats de l’anime ne brillent pas par leur variété… En somme, ce que Dimps démontre, c’est qu’une adaptation fidèle d’un excellent anime ne fait pas nécessairement un excellent jeu si cet anime ne s’y  prête, contrairement à ce que l’on pourrait penser, que peu…

Pourtant, les phases de beat’em all ne manquent pas de punch : déjà, les coups de base y sont opérants (alors qu’ils sont rarement décisifs face aux gold saints), et surtout on y savoure bien davantage les réelles différences entre les chevaliers de bronze : Seiya est rapide et vif, Shiryu est puissant mais plus statique, Andromède ne vient pas au corps-à-corps, Hyoga est aérien, et Ikki… et bien Ikki est de loin le personnage le plus puissant du jeu, énorme déséquilibre qui se traduit par une attaque spéciale ultra-rapide qui peut ravager les rangs adverses. Il devance son frère qui bien que rechargeant son cosmos plus vite a une attaque plus lente. 

 

Au moins, il y a de quoi faire

Une fois l’histoire principale terminée, nous pouvons vous dire sans spoiler qu’il y aura quelques segments additionnels et inédits

Nous n’avons vu pour l’instant que le mode histoire, mais le jeu dispose aussi d’un mode mission, qui consiste à choisir un chevalier et à parcourir le plus vite possible un chemin spécifique et plus ou moins difficile : 3 maisons et le chemin entre elles, le palais du Pope ou autres. Choisir un chevalier ? Oui, car au gré du jeu nous allons pouvoir débloquer les chevaliers d’or (et quelques surprises) et donc tenter avec eux de battre notre chrono. La même chose peut se faire en ligne, et même à 2, en ayant la possibilité de régler le « friendly fire », un ajout sympathique qui rajoute à une durée de vie déjà considérable. Car le jeu est un petit filou : en plus de ces deux modes, on trouve éparpillés dans le jeu des éléments à collectionner qui viennent enrichir une galerie qui inclut à peu près tous les jouets sortis chez Bandai, un véritable régal pour qui y a joué étant petit. De plus, le jeu inclut une petite dimension RPG : en Histoire comme en Mission, le personnage pourra gagner des points d’expérience et donc améliorer ses caractéristiques, avoir de nouveaux coups ou de nouveaux emplacements de compétences. Les compétences, elles, font l’objet d’un fond commun que chaque chevalier remplit à chaque utilisation. Avec ces PC, on peut acheter diverses compétences et en équiper son chevalier : régénération, gain de cosmos plus rapide, bonus plus longs, etc.

On ne saurait d’ailleurs que trop conseiller aux joueurs de faire une fois le mode Histoire en difficulté normale avant de récolter les points en mission, sous peine de se faciliter exagérément le jeu. En revanche, n’espérez même pas l’emporter en difficulté Difficile, ni surtout en Bronze, Argent ou Or, sans être passé par le garagiste…

Le temps de tout collecter, et de remplir tous les niveaux et tous les défis, vous aurez de quoi faire. Certes, la faute en revient en partie à cette fichue caméra, ou encore à une difficulté très mal dosée face aux chevaliers d’or, mais le jeu est généreux.

Enfin, on notera que les musiques sont fort agréables, deux d’entre elles étant directement reprises de l’anime, et les doublages, tout en japonais s’il vous plaît, s’ils ne sont plus l’œuvre des doubleurs originaux, disparus ou partis depuis, sont d’excellente qualité. C’est délice que d’entendre Pegasus Ryu Sei Ken  et autres Rozan Sho Ryu Ha à chaque attaque… 

Il est très difficile de juger ce jeu. Bourré de bonnes idées, véritable madeleine de Proust, rempli de fan service jusqu’à l’orgie, il a absolument tout pour plaire aux fans qui voudront bien passer outre ses défauts agaçants. Les autres risquent vraiment de trouver certains passages sottement corsés, le système de combats assez pauvre et la technique très limitée, en tous cas indigne d’une PS3… C’est d’autant plus dommage, qu’avec quelques corrections, une suite qui prendrait place lors de la saga Hadès pourrait être un excellent jeu. Peut-être l’adaptation de Saint Seiya Omega ?