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Bloodborne : plus qu’une borne, un jalon



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Qui vous êtes ? Vous n’en savez rien. Où vous ètes ? Guère plus. Vous voilà réveillé dans les tréfonds d’une infirmerie sordide, perdu dans une ville néogothique crépusculaire et sublime, et hanté de créatures de cauchemar, humains sans humanité ou bêtes monstrueuses. Vous errez, sans but autre que survivre. Et vous mourez.

Vous voilà au rêve du chasseur, lieu au nom évocateur représenté par un petit cimetière bien, et même trop bien, entretenu. La mort, pour vous, n’est qu’une étape. A chaque mort, vous pouvez retourner dans le monde des vivants pour y poursuivre, inlassablement, votre quête, tel un Sisyphe.

Et vous n’en saurez pas beaucoup plus. L’auteur du jeu a été clair : rien ne sera mâché. Enfant, il lisait des bouts d’histoires en anglais qu’il ne comprenait pas (il est japonais), mais cela ne le gênait pas pour comprendre l’essence de l’histoire et remplir les vides avec son imagination. Dans Bloodborne, c’est la description du matériel, ou quelques rares interactions, qui vous diront ce que vous faites là et quel est le secret de la sinistre Yarnham.

Vous êtes un chasseur. Vous avez donc une arme de poing dans une main, et un pistolet (ou une torche ou un médiocre bouclier) dans l’autre. Et là, première découverte : pour ceux qui ont connu les Souls, le bouclier-barricade et le joueur recroquevillé derrière, c’est fini. Place maintenant à l’esquive et à des combats rapides et dynamiques où tout au long de votre progression vous pourrez vous faire massacrer, à tout moment, en deux temps trois mouvements (au sens propre). Ne vous restent plus que votre arme et le plus souvent votre arme à feu qui peut, utilisée au bon moment, étourdir votre ennemi et vous offrir une attaque viscérale.

Le gameplay est aussi vif qu’il est faussement accessible : L2 pour tirer, R1 pour une attaque rapide, R2 pour une attaque lourde qui peut être chargée ou exécutée après une course, et L1 pour changer votre arme pour une configuration souvent plus lourde ou avec plus de portée mais moins rapide. Vous allez donc devoir virevolter, vous adapter, changer d’arme ou de configuration à la volée, tout en esquivant avec votre meilleur ami, le bouton rond, et vous soigner avec triangle. Au début, grâce à R3, vous pourrez cibler un ennemi précisément, mais vous vous apercevrez rapidement que le meilleur moyen de prendre un combat, avec un peu de bouteille, est de rester en visée libre, pour davantage de liberté de mouvements. Pas que la caméra soit mauvaise mais cibler, c’est cibler…

A mesure que vous tuez vos ennemis, vous accumulez des cristaux de sang. Ceux-ci vous permettent, quand vous retournez au rêve du chasseur, de les échanger contre des points d’attribut qui, cumulés, donnent votre niveau. Simple et efficace.

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Deux problèmes toutefois : j’ai bien dit « retourner » au rêve du chasseur. Car si vous mourez, vos cristaux, dans la plus pure tradition des Souls, restent là où ils sont tombés, et parfois dans le ventre de la créature qui vous a tué. Il vous faudra donc y retourner. Or, et c’est là qu’intervient le second problème, à chaque mort, comme à chaque fois que vous rentrez au rêve, TOUS les ennemis reviennent. Bien sûr, au fur et à mesure, vous connaitrez de mieux en mieux la topographie des lieux et ouvrirez des raccourcis (une carte ? Quelle carte ? On n’est pas là pour rigoler), mais le fond reste le même : vous devrez aller récupérer vos cristaux. Et si, ce faisant, vous mourez… Vous perdez les cristaux que vous recherchiez ardemment. Moche.

Fort heureusement, la maniabilité est au top, et si vous perdez, ce sera de votre faute. Il va falloir apprendre à l’accepter. Vous allez maudire le jeu, certains ennemis terrifiants, certaines séquences atroces, mais vous allez progresser, encore et encore. Il peut arriver que vous jouiez plus d’une heure, surtout au début, en ne récupérant AUCUN cristal. Parce que vous mourrez trop. Mais vous gagnerez de l’expérience malgré tout : la vôtre. Petit à petit, vous allez devenir meilleur, plus adroit, plus aguerri. Et vous vous habituerez à votre arme. Ce dernier point est d’ailleurs décisif. Évidemment, tout au long du jeu, vous trouverez des armes, des armures, des sorts, des objets (comme la précieuse rosée de sang échangeable contre des cristaux et que vous ne perdez pas, elle, si vous mourez). Mais chaque arme a son allonge, sa portée, sa zone d’effet, son poids donc sa vitesse, et aucune ne se manie comme une autre. Ainsi, dès le départ, entre la hache du chasseur, la scie lance et la canne-fouet, vous aurez trois gameplays différentes, et chaque arme exigera que vous lui donniez du temps pour en tirer le meilleur.

A noter, par ailleurs, que vous pourrez aussi faire progresser des armes en collectant des fragments de pierre de sang.

Bref, Bloodborne est un vrai défi, mais une réussite, même si cela exige plusieurs éclairages.

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D’abord, et je trouve que cela n’a pas été assez dit, Bloodborne est magnifique. La direction artistique est un vrai prodige, les lieux étant tous plus sublimes les uns que les autres, les personnages étant angoissants et malsains tout en ne paraissant pas clonés les uns par rapport aux autres, et l’ambiance relevant d’un vrai tour de maître dans sa façon de dispenser l’angoisse et le scénario.

Ensuite, certes, il est dur. Terriblement. Et vous entendrez souvent des phrases comme « je suis nul à ce jeu ». Un jeu, c’est aussi une expérience, et sur un jeu comme celui-ci je suis un peu obligé de vous faire part de la mienne : je suis nul à ce jeu. Vraiment. Les premières heures ont été effrayantes, à chercher l’arme qui me convenait, à « prendre le coup », le rythme, apprendre les patterns des ennemis, les chemins. J’ai même, toute honte bue, demandé à un copain de me faire une démo pour me rendre compte. Et puis, petit à petit, le charme a opéré. Je me suis surpris à triompher d’ennemis que je pensais invincibles. Je me suis acharné, encore et encore, grattant toujours plus de niveau, puisque je n’ai pas le talent des joueurs qui peuvent faire des speedruns. Mais la première fois que j’ai vaincu le premier boss, avec l’aide d’un joueur anonyme que j’avais invité dans ma partie, j’ai ressenti une forme de gratification, un plaisir de joueur d’une intensité telle, que je n’ai jamais regretté les efforts consentis.

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Alors certes, cela ne conviendra pas à tout le monde. Moi le premier, j’ai tendance à considérer que je ne joue pas à un jeu pour me faire pilonner la mouille. Mais Bloodborne en vaut largement la peine. Son charme vénéneux, son côté sévère mais juste, les références littéraires qu’il évoque et qui sont sublimement mises en valeur, tout cela fait que ce tour sur le train de l’angoisse ne se regrette pas.

Quand vous invoquez un joueur, il ne peut repartir qu’en mourant ou en battant le prochain boss disponible (les boss sont les seuls antagonistes qui ne reviennent jamais). Il se crée, alors même que les échanges sont limités, une espèce de fraternité tout à fait étonnante. De même, quand c’est vous qui allez aider un comparse, d’abord vous ne pouvez PAS perdre les cristaux accumulés chez lui (et ça ça n’a pas de prix). Ensuite, vous vous surprendrez à triompher de plus en plus facilement des anciens boss qui vous ont pourri la vie, et de même mieux les gérer vous-même. Vous pouvez même, conseil que m’a donné un pro, vous servir de cette mécanique pour aller découvrir une zone ou un boss que vous n’avez pas fait, et vous aguerrir.

Car c’est le coeur du jeu. S’entraîner. Apprendre. Savoir de quoi un ennemi est capable. Améliorer votre rapidité, vos réflexes, vos réactions.

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