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Life is strange, Before the storm : épisodiquement émouvant.



Précédemment dans Life is Strange…. (attention spoil !)

Avant de détailler les spécificités du premier épisode de ce qu’il convient d’appeler une toute nouvelle saison de Life is Strange, il n’est sans doute pas inutile de rappeler les évènements qui précèdent cet opus inédit tant les liens et les ramifications qui se tissent entre les deux jeux sont nombreux. Dans Life is Strange, vous incarniez la jeune Maxine Caulfield de retour dans sa petite ville natale d’Arcadia Bay pour y effectuer des études de photographie dans la très renommée Académie Blackwell. Mais la vie estudiantine de cette post-ado est rapidement troublée par d’étranges phénomènes. Tout d’abord, « Max » est assaillie par des visions dont elles ne sait si celles-ci sont prémonitoires ou correspondent aux lambeaux d’un passé refoulé ou aux scories de rêves semi éveillés. Mais surtout Max découvre qu’elle peut manipuler le temps, revenir quelques minutes en arrière pour modifier ses choix et par conséquent le cours des événements. Un pouvoir bien pratique qui lui permettra de sauver in extremis son amie d’enfance, la délurée et très instable Chloé Price lorsque celle-ci manquera de se faire tuer pour une sombre histoire de deal. Mais sans le savoir, Max a mis le doigt dans un terrible engrenage. Manipuler le temps n’est pas sans danger, même lorsqu’il s’agit de retrouver la trace de Rachel Amber, une amie de Chloé étrangement disparue depuis plusieurs semaines et pour laquelle il ne semble pas absurde de craindre le pire. En multipliant les réalités parallèles, Max est tout près de semer le chaos dans la « paisible » bourgade d’Arcadia Bay. A moins de consentir à l’ultime sacrifice…

Le plus bel âge ?

Before the Storm ne constitue pas la suite de Life is Strange mais vous propose de revenir quelques années en arrière avant même le retour de Max à Arcadia Bay et la mystérieuse disparition de Rachel Amber. Cette-fois ci, vous aurez à prendre en charge son amie d’enfance, Chloe Price, ce qui est loin d’être un cadeau tant la jeune fille est borderline, traumatisée par la mort de son père lors d’un accident de voiture. Obligée de supporter un beau-père dont on n’imagine qu’il n’aurait pas été contre l’élection de Donald Trump, ballotée par des sentiments contradictoires et la certitude que cette vie provinciale n’est pas la sienne, Chloé est l’archétype de l’ado à problèmes, la parfaite représentation de cette jeunesse américaine un peu paumée que l’on retrouve dans les films de Larry Clark. C’est la rencontre avec la fameuse Rachel Amber, égérie de l’Académie dont rien ne semble entacher la perfection qui permettra éventuellement à Chloé de sortir la tête de l’eau et de se faire une véritable amie. D’autant que la personnalité de Rachel est loin d’être aussi lisse qu’il n’y paraît. Le pitch est désormais posé et il convient maintenant d’aborder les atouts ludiques d’un titre qui, une nouvelle fois, se veut davantage une histoire interactive qu’un véritable jeu.

Gameplay minimaliste

Il faut bien le reconnaître, Before the Storm ne brille pas spécialement pour son gameplay. D’autant qu’à l’inverse de Max, Chloé ne possède pas le pouvoir d’influer sur le continuum temporel. Dans Life is Strange premier du nom, il était possible d’effectuer de multiples flashbacks afin de modifier vos réponses ou d’optimiser vos actions pour vous sortir d’une situation périlleuse. Sans aller bien loin, cette option permettait au titre de rendre, par moments, le joueur plus « actif ». Dans Before the storm, on se retrouve bel et bien dans un jeu d’aventures graphiques au sens le plus strict . Votre progression se fera donc au gré de multiples dialogues à choix même si les développeurs ont intégré un nouveau mécanisme basé sur la capacité que possède notre héroïne à faire sortir de leurs gonds ses interlocuteurs. Il n’y a pas à dire, Chloé possède un don manifeste pour faire perdre la boule à son entourage. Dès lors, un videur tatoué approchant le quintal ne parviendra pas à l’intimider et bien au contraire, vous pourrez tenter de faire plier mentalement ceux qui oseront vous défier. Dans ce cas, si vous le décidez, une jauge spécifique s’affiche et il suffira de choisir les bons mots clé pour la remplir progressivement. Au final, vous parviendrez peut-être à  faire craquer les guignols qui osent se confronter à une jouvencelle pesant à peine quarante kilos ! Le problème, c’est que les dés sont clairement pipés et que la réussite est tout simplement systématique. En clair, cette option n’apporte pas grand-chose au gameplay mais permet simplement de « coller » à la personnalité de votre protégée. Rien de bien grave cependant car l’intérêt de ce genre de jeu réside surtout dans sa capacité à vous transporter dans une histoire et à susciter une forme d’attachement par rapport à ses protagonistes. Et en la matière, ce Before the storm atteint clairement son objectif.

American way of boring yourself

Si Before the storm, tout comme son prédécesseur, n’évite pas quelques clichés par rapport à la représentation de la jeunesse, de ses troubles et de ses doutes, il est clair que la travail effectué sur la psychologie des personnages principaux et que l’écriture du jeu en général se situent très au-dessus de la moyenne. Chloé propose par exemple une personnalité relativement complexe et ne se contente pas d’être une ado rebelle : le contexte familial chaotique, une inadaptation au milieu estudiantin, une sexualité ambiguë, tout contribue à « épaissir » ce personnage qui avait déjà fait ses émules dans le premier opus. De la même manière, Rachel Amber, la prom queen de service  au centre de l’intrigue, propose un caractère tout aussi morcelé et instable. C’est sur cette amitié naissante que repose le scénario de cette nouvelle saison qui, ajoutons-le au passage, ne comportera que trois épisodes. Le hic, c’est justement que cela reste un peu light comme intrigue. Dans Life is Strange, un enjeu dramatique était posé d’emblée : il y en allait de la vie de Chloé et plus encore de la sauvegarde d’Arcadia Bay. Dans Before the storm, rien de tel. On suit les errances d’une jeune fille désœuvrée en quête de sens. Il faut attendre le cliffhanger en fin d’épisode pour comprendre que tout va probablement s’accélérer par la suite et qu’un sombre mystère gravite autour de Rachel Amber. Mais pour le reste, tout ceci ressemble à une grosse mise en place… 

De la mélancolie avant toute chose

Cela n’empêche pas Before the Storm d’être prenant et terriblement séduisant pour celui qui se laissera happer par le rythme nonchalant de cette « aventure ».  Une atmosphère à la fois sombre et poétique se dégage de tout le petit monde d’Arcadia Bay. L’action ne se situe pas spécialement dans la région la plus célèbre ou glamour des Etats-Unis : c’est un peu l’Amérique au ralenti qui se raccroche désespérément à son histoire et qui hésite encore à rentrer de plain-pied dans la modernité avec ses Diners rétro, ses vieilles voies de chemin de fer un peu pouilleuses, ses granges abandonnées et ses cabins plantées au beau milieu d’une forêt de pins centaines. Mais aussi ses lotissements au maisonnettes formatées et aux pelouses millimétrées… Le soft parvient avec une vraie maestria à vous plonger dans cette ambiance douce-amère. Pour le coup, l’atmosphère vaguement fantastique et bizarre du jeu originel a clairement disparu au profit d’une poésie de la normalité qui terrassera d’ennui certains et ravira les autres. C’est avant tout une question d’attente voire de sensibilité. Et puis l’on retrouve quelques très beaux moments, terriblement simples, comme cette virée clandestine de Chloé et Rachel à bord d’un train de marchandises. Les deux jeunes filles s’assoient et regardent défiler la campagne sans se dire un mot. Pas de doigts frénétiques sur les touches du paddle, pas d’explosions tonitruantes, même pas d’enjeu ludique en vérité… Juste une pause contemplative et une véritable intimité avec deux créatures virtuelles et pourtant intensément réelles. Magique !

Testé sur PS4