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Soul Sacrifice : voilà ce qui s’appelle « payer de sa personne »



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Vous n’êtes pas en très bonne posture. Enfin, vous, votre avatar, quoi, dont vous commencerez par définir les grands traits. Soyons clairs, tout cela est purement cosmétique, à telle enseigne que l’on peut changer en cours de partie. Or donc, cet avatar est prisonnier des geôles d’un Sorcier qui a pour but de le sacrifier. On ne sait pas trop pourquoi, au moins au début, mais le dénommé Magusar vient de transformer votre voisin de cellule en tartare premier choix et tout indique que vous êtes le suivant au menu. Moche.

Alors que votre espérance de vie ressemble un peu à celle d’une galinette cendrée à une réunion de chasseurs, vous tombez sur un livre. Enfin, un livre… Disons, et c’est d’actualité, que le livre en question ressemble plutôt au livre des morts d’Evil Dead qu’à un honnête annuaire du Loir-Et-Cher. La faute, sans doute, à ses yeux jaunes qui vous fixent, à ses pustules et à ses petits crocs aiguisés. Ambiance.

D’ambiance, d’ailleurs, il sera beaucoup question dans ce jeu, car finalement, le bouquin en question, est assez à l’image de l’univers dans lequel vous allez évoluer : glauque et sombre.

Et moche, aussi, pourrait-on dire, mais nous y reviendrons.

Librom est donc un livre et en le feuilletant, vous vous apercevrez que non seulement il recense une foule d’informations sur l’univers, les monstres, etc, mais qu’il narre aussi des batailles passées. Et c’est là que le jeu dévoile l’une de ses premières idées : Librom est en fait une espèce de hub, un point de départ pour de multiples quêtes, puisque toutes ces batailles, vous allez pouvoir les rejouer. Par les histoires qu’il lit, votre avatar apprend en réalité la magie, et cela se traduit en termes de jeu par le fait de jouer les combats passés. Précisons quand même qu’il s’agit de schématiser grossièrement, le jeu étant un peu plus fin que cela.

Et des batailles, il va y en avoir : quêtes principales, quêtes annexes, defis bonus, objectifs à remplir ou non, vous allez avoir de quoi vous occuper et boucler le jeu en intégralité demandera aux acharnés une bonne quarantaine d’heures.

Pourtant, le système de base est assez simple : avec 3 boutons, on peut déclencher trois attaques différentes (mêlée, distance, coup puissant) ou des actions comme du soin, avec le dernier bouton de facade, on esquive, avec une gâchette, on cible, comme dans tous les jeux en 3D du moment, et avec l’autre, on passe à une seconde série de six boutons. Combos, enchainements, tout est là, mais on est dans le classicisme.

Cependant, le jeu s’appelle Soul Sacrifice, et c’est le second mot qui doit retenir votre attention. En effet, à chacune des deux séries de trois attaques ou actions sont associés des objets, que l’on utilise comme catalyseur pour les déclencheur. Ce que faisant, on consomme un peu de l’essence même de ces objets, qui petit à petit se détériorent jusqu’à se briser. Il faudra donc bien choisir son matériel avant chaque mission, et veillez à l’utiliser avec parcimonie.

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Le problème, c’est que les adversaires ne l’entendent pas de cette oreille. Le jeu est dur, même très dur parfois, et vous n’aurez parfois pour seul recours que de sacrifier un objet précieux que vous auriez preferé garder voire… une partie de vous-même. Poussé dans vos derniers retranchements par un boss délirant (et gigantesque), vous serez peut-être amenée à vous couper une main, à vous arracher les yeux, vous écorcher vif ou que sais-je encore, pour déclencher un sort surpuissant dans la plus pure tradition alchimique. Et n’allez pas croire que tout revient à la normale dès le combat fini, non, vous continuerez à traîner votre mutilation comme un handicap jusqu’à ce que vous parveniez à la réparer par magie. Bien sûr, tout cela sera long et cher.

Cette magie sacrificielle est donc le cœur même du gameplay, et même si vous pourrez réparer un objet ou votre propre corps avec les larmes de Librom (en même temps, étant donné la sensibilité du bestiau, je pencherais plutôt pour des gouttes de pus, bon appétit bien sûr), la notion de sacrifice sera toujours présente dans votre esprit car vous ne pourrez jamais tout réparer.

De même, lorsque vous tuez un monstre, vous pourrez drainer une partie de son énergie pour augmenter votre vie et votre défense, ou le sacrifier pour amplifier votre puissance, base du système d’expérience puisque c’est ainsi que l’on gagne des niveaux, à travers ces deux choix. Mais ce qui peut paraitre simple et évident l’est beaucoup moins en réalité.

Les boss sont des sorciers qui ont muté à cause d’une corruption de leur pouvoir. Quand vous les battez, ils retrouvent forme humaine. Dès lors, allez-vous les achever comme des chiens, pour devenir beaucoup plus puissant, ou leur accorder la rédemption et potentiellement vous en faire des alliés plus tard… ou pas. Le jeu pousse même le vice jusqu’à y ajouter un système d’affinités…

Le choix n’est pas anodin, car en plus de ce choix en termes de jeu, il pourra influer directement sur le déroulement du scénario, d’une façon tout à fait concrète et pertinente.

Venons-en à vos partenaires. L’IA vous accompagne souvent, et se pose alors la question ultime : si VOUS, vous mourez, que ferez-vous ? Vous sacrifierez-vous pour offrir à vos alliés un sort démentiel ? Demanderez-vous une resurrection, au prix de la santé de vos alliés ? Ou bien mourrez-vous, tout simplement, devenant un fantôme et offrant un bonus à vos alliés ? Si la question est simple à résoudre face à l’IA (d’abord en général parce qu’elle n’est pas maline et mourra avant vous), il n’en va pas de même quand vous jouerez avec des joueurs humains, l’un des autres charmes du jeu.

La répartition des rôles est assez classique, mais c’est dans ces moments-là que le jeu prendra tout son sel et je vous assure que la première fois que vous vous ferez sacrifier comme un vulgaire péon par vos alliés pour vaincre un boss, même si la fin justifie les moyens, vous aurez une envie furieuse de beugler.

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On ne peut d’ailleurs que regretter que l’IA soit aussi faible, car lors des combats de boss on passe parfois trop de temps à la couvrir, mettant en péril la réussite de la mission. Car même si on peut ressusciter un allié mort, c’est loin d’être gratuit, et dans le cadre de la quête principale, s’il meurt, Librom vous demandera de rejouer la mission car les choses ne se sont pas passées ainsi. Saleté de bouquin. En revanche, en multi, les parties s’enchainent pendant des heures avec un plaisir intact.

Évidemment, le jeu se dote en outre d’un système d’affinité élémentaire : le feu surclasse le poison, la glace surpasse le feu (oui, je sais, c’est étrange)… Du coup, face à vos ennemis, vous aurez tendance à tester tout et n’importe quoi, à mourir, et à revenir riche de ces enseignements…

De même, non seulement les objets sacrifiables en guise d’offrande sont innombrables, mais en plus vous pourrez bientôt les combiner pour découvrir de nouvelles magies beaucoup plus originales, comme des pièges, des appats, des « téléportations », etc.

Et tout cela avec en plus un pied de nez magnifique des développeurs : à tout moment, vous pouvez décider de fermer Librom et d’aller affronter Magusar. Je vous suggère, d’ailleurs, de le faire au moins une fois en début de partie, pour que vous mesuriez le chemin que vous avez à parcourir avant d’espérer quoi que ce soit…

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Penchons-nous maintenant sur l’emballage.

Premier point, les musiques. Elles sont magnifiques, impeccablement collées à l’action, tout à fait la patte de Yasunori Mitsuda. De même, le chara design est vraiment agréable : loin des canons japonais, on est beaucoup plus dans du sword and sorcery, à la Frazetta, avec des créatures monstrueuses et répugnantes, une ambiance sordide, des armures démesurées.

En revanche, pour le reste… Le principal reproche ira à la pauvreté des décors, navrants, à peine dignes d’une PS2. De plus, on aura souvent l’impression de voir toujours un peu les mêmes, ce qui se révèle évidemment rapidement agaçant. Alors, certes, certaines zones, sous l’eau notamment, sont intéressantes, notamment parce qu’elles influent sur le jeu, mais l’ensemble est vraiment chiche.

C’est d’autant plus dommage que précisément en revanche le gameplay est réjouissant : nerveux, fluide, le jeu est orienté action et cela se ressent, la tension s’installe vite, on a l’œil à tout, et l’on n’est jamais frustré comme si on le serait si on perdait parce que l’on a mal lu l’action passé, il est vrai, un léger temps d’adaptation.

En somme, Soul Sacrifice est un jeu exigeant, mais qui en vaut la peine. Certes, on peut lui reprocher des ressemblances avec Monster Hunter, une tendance relative au farming, mais ce serait alors oublier que le jeu est riche, prenant, original, totalement cohérent avec son concept de départ, maîtrisé de bout en bout, et capable d’offrir aux plus motivés des dizaines d’heure pour réussir à merveille chaque mission, débloquer tous les bonus et les missions cachées, et ainsi accéder aux offrandes les plus rares, justifiant par là même de se remettre à l’œuvre encore et encore.

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