- Article publié sur MaXoE.com -


Donkey Kong Country Returns : deux singes en hiver



Los Angeles. 15 juin 2010. Nintendo privatise l’E3. Le plus grand salon de jeux vidéo se transforme en succursale du consolier japonais, qui déballe, hit après hit, son catalogue Wii. Des légendes parmi nous : Mario, Zelda, Kirby, et en apothéose, Donkey Kong. De retour dans un jeu de plate-forme en 2D, 16 ans après l’épisode sorti sur Super Nintendo. Dernier cité, et pourtant premier sorti, le singe à poils durs débarque à quelques jours de Noël avec sous le bras, la rage, la fougue et l’envie de flatter les gamers. Gare au gorille.

King Kong

Au jeu des différences, ce nouveau Country retoque l’ancien sur un seul point : Rare n’est plus de la partie. Les talentueux développeurs, véritable poule aux œufs d’or de Nintendo dans les années 90 (GoldenEye, Banjo et Kazooie, Conker’s Bad Fur Day) ont viré de bord, racheté à coup de millions par Microsoft. Sans atermoiement, le projet a donc atterri sur les bureaux de Retro Studios, une équipe à la réputation solide (leur CV : Metroid Prime). De nouveaux artisans, voilà la seule injonction au temps qui passe. Pour le reste, deux décennies, trois générations de consoles, rien n’y a fait, Kong reste le King.

L’originalité n’ayant jamais été le fort de la série, le scénario de Donkey Kong Country Returns tient encore une fois, sur une épluchure de banane. Le pitch : Donkey et Diddy se sont fait braquer leur stock de fruits frais. Dingue. Allez, vidons ce scénario, prétexte au chevauchement, et attardons-nous sur le cœur du jeu : de la plate-forme authentique. C’était, avouons-le, le principal défi à relever, et la principale crainte aussi, à savoir retrouver -ou non- ces sensations uniques de gameplay et d’émerveillement. Sensations intactes, rassurez-vous. Quel que soit le mode de contrôle (Wiimote à l’horizontale ou couplée au Nunchuck), la précision est totale. Le primate se contrôle quasiment à la voix, agile de ses membres, saute de caisses en caisses (bouton A), roule dans la terre humide (on agite la Wiimote), s’accroche partout où il peut (bouton B). Et ses possibilités sont nombreuses, puisque la brute épaisse sait aussi se faire tendre, en caressant de son souffle animal la végétation (pour cela, on se baisse et on secoue encore la Wiimote), et récolter ainsi des bonus (pièces, bananes ou cœur de vie). Bonus qu’il ne faudra en aucun cas snober car, et c’est l’autre atout maître de Donkey Kong Country Returns, la difficulté est bien au rendez-vous. Parfois trop.

Avec seulement deux cœurs de vie en début de niveau (quatre quand Donkey libère Diddy…), la progression se fait souvent par l’échec, à l’extrême, exigeant timing et mémoire. Car malgré les environnements paradisiaques (plage, jungle, terre de feu ou caverne), le level design demeure sacrément retors. Tantôt en faisant switcher l’action du premier au second plan d’un coup de tonneau, tantôt en poussant honteusement le joueur à la faute (maudites plates-formes mouvantes…). Si bien que recommencer un niveau des dizaines et des dizaines de fois (au hasard, celui du Tsunami), devient vite la norme. Heureusement, les vies gagnées (trop) facilement viennent adoucir un peu l’amertume. D’ailleurs, à ce sujet, on regrettera les appels du pad de Super Kong, singe sauveur à la grise fourrure, qui après plusieurs game over de rang, surgit à l’écran et incite à la triche, en finissant seul le niveau. Une sacrée tête de Kong, celui-là.

Old School

Entre deux checkpoints, pas question de laisser reposer la viande. Venir à bout des huit niveaux, découpés en autant de zones (dont certaines à troquer chez le vieux Cranky), n’a de sens que si les moindres recoins sont visités. Derrière un bloc de pierres, un feuillage touffu, se dissimule souvent un passage secret, gorgé de bananes, de vies supplémentaires, de lettres Kong ou de pièces de puzzle. Objectif : survivre, c’est déjà ça, et ensuite, boucler le jeu à 100% (des modes Chrono et Miroir attendent les plus acharnés…). Un esprit Old School vivifiant, agrémenté de petites nouveautés de gameplay sympathiques, comme les mottes de pelouse posées sur les parois qui obligent à bien des acrobaties, ou bien les passages aériens en tonneau-fusée. Un coup de gaz avec le bouton A, sensations garanties ! Les nostalgiques ne sont pas oubliés puisque Rambi le Rhino rapplique en force, et que les célèbres séquences de chariot dans la mine font elles aussi, un retour « fracassant ». Au sens propre du terme, ma Wiimote n’ayant pas survécu à leur roublardise. Les nerfs, rien d’autre…

Évoquons maintenant la réelle innovation de ce remake qui ne dit pas son nom, le mode coopératif. Changement d’époque : on n’intervertit plus les pads, on sort les paires de Wiimote. A dire vrai, pour pas grand-chose. Pas de chichi : jouer à deux, c’est se compliquer la vie. La progression devient franchement plus lente, voire chaotique. Et même si le jet pack ou le pistolet à cacahuètes de Diddy rendent bien des services, la complémentarité entre les deux primates déçoit. Généralement, la coopération tourne court. Le gros porte le petit sur son dos, trace, charge et boucle le niveau. Et on n’en parle plus. Quelques mots quand même, afin d’aborder le chapitre technique. Sur ce point comme tant d’autres, Donkey Kong Country Returns séduit. Rien à dire, c’est le charme fou : les niveaux sont colorés, souvent superbes (le coucher de soleil en fera craquer plus d’un), habité par des thèmes musicaux réorchestrés à merveille, fourmillant de détails, avec ce cachet si particulier que l’on doit au mélange 2D / 3D. Au hasard d’un chemin, l’écran prend vie : un arbre se fend, une vague se déchaine, et parfois, à mi-parcours, un boss se pointe (méfiez-vous de la pieuvre et de ses tentacules). C’est scripté, déjà vu ailleurs, mais ça prend aux tripes.

Au final, le cœur se fend et l’on craque : conscient du sérieux de son héritage, Donkey Kong Country Returns s’impose à l’évidence, avec style et poids, comme la nouvelle référence du genre plate-forme. Attention, jeu culte.