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Retour sur Far Cry 3 : dans la jung’, personne ne vous entendra cryer



 

Ah, les vacances. Vous et quelques camarades californiens friqués et décadents vous avez décidé de vous la couler douce dans un atoll paradisiaque, situé on ne sait pas bien où puisqu’on y trouve de la faune asiatique et des locaux latinos, mais comme ça Ubi ne se fâche avec personne. Bon, sur le dépliant, vous n’aviez pas vu « danger, pirates assoiffés de sang et qui ne rigolent pas » parce que Bob avait déposé une ligne de coke dessus (souvenez-vous, winners don’t use drugs, Bob n’est donc pas un winner). Et c’est un peu dommage parce que du coup lesdits pirates vous ont un peu capturés, et comme ils sont malins ET ont de la suite dans les idées, ils ont décidé de demander une rançon à vos parents puis de vous vendre comme esclaves sexuels dans on ne sait quel bouge local. En somme, si vous ne voulez pas que votre vie se résume à subir les assauts répétés de riches texans, supposant que vos parties les plus fragiles ne tiendront pas le choc, il ne vous reste plus qu’à vous enfuir, ce que vous faites séance tenante en suivant votre frère aîné, Grant, marine de son état, et chacun sait que les Marines ne se font pas malmener par des texans. Vous voilà donc à crapahuter dans la jungle pour échapper à vos bourreaux, et de fil en aiguille, vous vous retrouverez bien sûr avec un cas de conscience : après avoir échappé à vos bourreaux (je ne pense pas que ce soit un spoil, parce que si vous vous faisiez reprendre ce ne serait pas un jeu mais un court-métrage et je ne serais pas en train de vous en parler parce que ce serait nul), vous réalisez que vous avez un peu oublié vos copains de chambrée dans le camp pirate. Texans tout ça. Et comme vous avez une conscience, vous, Jason Brody, vous prenez votre machette, vous vous faites tatouer par un obscur marabout et vous voilà parti pour l’aventure.

Évidemment, ce genre de présentation peut laisser perplexe, mais jouer à Far Cry est une expérience assez particulière car soyons directs, nous tenons ici peut-être l’une des expériences les plus délirantes et funs jamais vues dans un jeu vidéo.

Celle-ci, il vaudrait mieux ne pas la louper…

D’abord, il y a Vaas. Vaas, c’est LE méchant du jeu. Enfin pas vraiment, mais c’est lui que vous retiendrez, parce que c’est le plus beau spécimen de psychopathe que vous ayez vu. Capable de mélancolie comme de monstruosité, d’élans lyriques et des débordements les plus orduriers, on tient là un méchant qu’il est impératif de découvrir et ce, cerise sur le gâteau, en VF comme en VO, le jeu s’offrant un doublage absolument exceptionnel (comme souvent, chez Ubi, néanmoins).

Et heureusement que Vaas a du charisme parce que Jason en manque totalement. En même temps, on s’en fout un peu, plus le personnage principal est inepte, plus on peut se glisser facilement dans sa peau puisque notre personnalité peut totalement remplacer la sienne. Et c’est bienvenu, car c’est typiquement cela qui est au cœur du jeu : votre liberté totale.

Bien sûr, votre objectif à long terme est de sauver vos petits camarades, et le chemin sera jalonné de missions diverses et variées. Mais les à-côtés, innombrables, constituent un jeu à part entière, puisque vous êtes libres de faire ce que bon vous semble.

Vous vous sentez l’âme d’un explorateur ? Prenez un véhicule, ou vos gambettes, et courez la pampa à la recherche d’un pylone radio qui vous donnera des ristournes chez les marchands et une vue plus détaillée d’une portion de la carte. Artisan ? Allez donc tuer la faune locale pour la dépecer et utiliser sa peau pour pouvoir porter davantage d’armes, de munitions, de butin ou d’argent. Et vous allez en avoir besoin car le jeu comporte pléthore d’armes que vous pourrez qui mieux est customiser à loisir avec des accessoires et des peintures. Il y en a donc pour tous les goûts, du tueur infiltré au fondu de la grenade en passant par celui qui, comme votre serviteur, pêche au lance-roquettes, mais je m’égare. A moins que vous ne soyez un hippie (et je pense que vous vous êtes trompé de jeu) et que vous ne décidiez de cueillir des fleurs pour fabriquer des seringues et vous shooter gaiement. Oui, le Winners don’t use drugs, tout ça, a arrêté d’avoir un sens dès que vous êtes arrivé dans cette jungle mal fréquenté.

Vous vous sentez l’humeur bagarreuse ? Vous aurez de quoi faire ! Les camps ennemis à conquérir sont nombreux, et tous différents. Vous débrouillerez-vous pour tous les tuer à distance sans alerter quiconque ? Pour vous infiltrer ? Libérerez-vous un ours noir au milieu du camp pour créer une diversion ? Mais méfiez-vous, car le jeu vit en autonomie et l’IA n’est pas idiote.

Quelques exemples:

– vous êtes dans les fourrés et zigouillez à tout va. Vos adversaires ne vous distinguent pas. Il faut donc vous débusquer. Ils vont donc d’abord sonner l’alarme, puis ils viendront mettre le feu à l’herbe. Et après mûr examen de la situation, le feu brûle toujours, tue parfois, et oblige à décamper sous un déluge de plomb souvent. D’autant qu’on meurt facilement dans ce sacré jeu.

– Vous êtes toujours dans vos chers fourrés, attentif à rester discret. Un GROAR, ou tout grondement approchant, vous vous retournez et vous retrouvez face à un ours noir d’Asie, qui a confondu votre fondement et un pot de miel. Réflexe, vous tirez à la mitrailleuse. D’abord, l’ours va probablement vous mettre une volée, et ensuite les ennemis vous ont entendu, donc reperé, et ils vont vous encercler.

– Toujours dans vos fourrés, et vous entendez un sifflement. Vous avez déjà été mordu par un serpent, vous savez que ça pique. Aussi, vous courez, vous retournez, arrosez copieusement à la mitraillettre avec votre tout nouveau silencieux. Mais ce n’est pas un serpent. Oh non. C’est un dragon de Komodo. Et vous avez encore oublié vos ennemis pour parer au plus pressé.

– A l’inverse, parfois, les locaux attaqueront les pirates, créant une diversion formidable, à moins que ce ne soit une bande de chiens enragés.

Et surtout, surtout, rien de tout cela n’est scripté.

En voyant ce paysage bucolique, difficile d’imaginer que les pirates vont vous tomber dessus…

Bref, le jeu donne une impression de vie extraordinaire, renforcée par un cycle jour-nuit qui donne lieu à des spectacles somptueux et à un moteur climatique qui donne des orages tropicaux magnifiques. Car si sur consoles la profondeur de champ est un peu restreinte, sur PC en revanche on a là l’un des plus beaux jeux à ce jour, de ceux où l’on s’arrête pour le simple plaisir de regarder un coucher de soleil assis sur son jet-ski. Et que dire des visages, expressifs à souhait, bien plus que dans L.A. Noire, et qui renforcent la qualité de l’immersion et bien sûr la crédibilité des personnages. Vaas, revenons-en à lui, est à cet égard extraordinaire.

Tout cela pour dire que dans le jeu, vous ferez ce que vous voudrez. Il est vraiment grisant de courir l’aventure, en choisissant d’aller chercher des reliques, des vieilles lettres d’officiers japonais, un animal étrange, d’aller chercher la guerre. Et c’est quand, pour la première fois, on se jette dans un fossé à l’approche d’une patrouille motorisée que l’on réalise à quel point on est dans l’histoire, immergé dans ce personnage, ce qui, j’en reviens au postulat de départ, n’aurait pas été possible avec un héros tangible plutôt que ce flan de Jason. D’ailleurs, Ubi ne nous montre pas vraiment à quoi il ressemble, il n’est qu’un véhicule pour nous, en même temps que notre guide dans l’espèce de délire psychédélique qu’est ce jeu. Car scénario il y a, ou plutôt un contexte, une ambiance, un naufrage dans la folie.

Le tatouage de Jason progresse à mesure que l’on accomplit des tâches, chaque compétence que l’on choisit venant l’agrandir. On peut devenir plus discret, meilleur chasseur, meilleur cueilleur, devenir un as de l’assassinat discret (et à la fin vous serez un danseur d’eau, je vous l’assure…) et autres, mais au lieu d’en faire un tableau standard de RPG (ce qui aurait été déjà très bien, d’ailleurs, toute dose de RPG signifiant que l’on peut adapter le jeu à son goût), c’est donc ce tatouage qui grandit, et vous rapproche, peu à peu, de Vaas, votre alter-ego mauvais mais finalement peut-être pas beaucoup plus fou que vous.

La narration est l’avenir du jeu vidéo, Heavy Rain et 999 l’ont prouvé, et avec certains délires Far Cry 3 réussit à créer son mode d’expression propre, de ceux qui ne vous laissent pas indemnes. En choisissant d’atteindre le joueur à travers le véhicule qu’est Jason, en renvoyant face à lui une galerie de portraits qui sont tous sur le fil du rasoir, de l’agent à moitié fou au mystérieux shaman en passant par l’inévitable Vaas, il s’assure un contexte solide et une histoire valable pour soutenir son trip beaucoup plus psychologique que véritablement construit. Pourtant, tout est cohérent, tout tend vers un climax inévitable, on s’habitue, comme Jason, à tuer, à dépecer des animaux (au début vous serez écœuré, ensuite…), et petit à petit on l’accompagne alors qu’il sombre et que le gentil touriste inoffensif devient une machine de guerre. Du reste, le fait de ne jamais quitter la vue à la première personne est très bien exploité : ainsi, si un échafaudage se dérobe sous vos pieds, au lieu de voir la scène de l’extérieur, vous la vivrez, entendant les os de Jason craquer à chaque fois qu’il rebondit sur une poutrelle. Incroyable grand-huit sensoriel que ce jeu.

Et pourtant on vous assure que les screenshots ne rendent pas hommage à la beauté du jeu…

Et le jeu ne se prive pas, en plus, de nous offrir des moments d’anthologie. Précisons d’abord que le jeu a finalement assez peu de musiques, et que la bande-son est assez répétitive, même si on ne la subit que dans les voitures. Pourtant, parfois, on a un moment de génie, le premier en dehors de la fuite de Jason et son frère étant d’aller brûler des champs de marijuana. Sachant que les pirates écoutent sur leurs radios du reggae, il faut voir ce passage pour le croire : Jason, fracassé par les vapeurs de weed brûlée, s’extasie sur le lance-flammes en beuglant comme un porc, tandis que des pirates le pourchassent et qu’en fond on a du ragga pur et dur. Enorme. Non seulement c’est emblématique de l’ambiance du jeu, mais cela vous confirme aussi que les missions principales sont toujours différentes, originales, vous obligeant parfois à bien vous préparer sous peine de finir en sextoy de Vaas.

Alors oui, le multi n’est pas reluisant, entre un mode coopération trop court et mal fichu et des modes multis déséquilibrés. Mais qu’importe, c’est un jeu qui se savoure tout seul, égoïstement, avec un réel plaisir de tous les instants.

Vaas vous attend.

Et voici un deuxième avis. 

 

L’avis de Tof

J’ai testé le jeu sur PS3. Graphiquement, c’est un cran en dessous de la version PC, bien sûr, mais je peux vous dire que la console va chercher dans ses tripes. Côté gameplay, que dire sinon que le titre vous prend à la gorge dès les premiers instants. Mon ami le Charentais a beaucoup apprécié la liberté donnée dans le jeu mais votre serviteur a été scotché par l’immersion et le scénario. Les personnages sont attachants et on a qu’une envie, c’est de voir le dénouement du jeu. Et puis quand vous en avez marre de vous taper la trame principale, partez à la chasse, à la cueillette, allez zigouiller des méchants, … Oui la liberté est totale et oui le jeu vous promet de longues heures de jeu. Un incontournable, à n’en pas douter. Pas la peine de prolonger ce test, il vous faut Far Cry 3, un point c’est tout. 

 

Testé sur PC