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Hitman : Absolution – C’est l’heure de sonner de l’olyphant, 47 revient



 

47 est, mine de rien, l’un des grands personnages de l’infiltration. La série Hitman, rappelons-le, a ouvert de nouvelles voies à l’infiltration, en y associant assassinats et déguisements, et en multipliant les possibilités pour atteindre sa cible. Seulement, depuis quelques épisodes, la recette semblait perdue : jouabilité discutable, jeu trop dirigiste malgré une difficulté toujours très élevée, puisque c’est l’un des credos de la série, il était temps de relever la tête. Six ans après, il revient donc faire flotter son ombre menaçante sur nos bécanes.

De nos jours. 47 est toujours le meilleur assassin de l’Agence, une obscure organisation intergouvernementale, et notre tueur mystique est toujours aussi efficace. Cependant, cette fois, sa cible n’est pas une cible ordinaire : il s’agit de Diana, « l’amie » de 47, en tous cas ce qui y ressemble le plus. Mais le boulot, c’est le boulot. Si la mission s’avérera difficile, on devine aussi qu’elle va plonger 47 dans une situation inextricable, qui le mettra face à une ombre de son enfance et à ses propres limites et démons, et qu’il devra ensuite survivre pendant plus de vingt heures de jeu.

D’entrée, le choix narratif est intéressant symboliquement : en devant s’en prendre à Diana, c’est finalement au passé de la saga que le joueur est amené à s’attaquer. Quand, par la suite, il ne dispose plus de ses pistolets fétiches, il s’agit pour les développeurs de dire : les règles ont changé, bienvenue dans Hitman 2.0.

Dès le tutorial, on est dans le bain. On sort d’une cinématique épatante, qui plonge le joueur dans le vif du sujet et dans un scénario noir et mature. On doit alors choisir un niveau de difficulté : plus ce sera dur, moins le joueur aura d’indications à l’écran, plus les PNJ seront réactifs, et surtout moins Hitman pourra utiliser son instinct. L’instinct est une nouvelle fonctionnalité qui permet de repérer le trajet d’un garde, les objets utiles, d’avoir quelques indications, ou de passer inaperçu avec un costume lorsque l’on est susceptible de se faire repérer. Selon le niveau de difficulté on en aura plus ou moins, et il se rechargera ou pas, mais les puristes auront tôt fait d’y renoncer, quitte à suer sang et eau pour passer certains niveaux. Mais c’est le prix à payer pour une immersion incroyable: les rues grouillent de monde, on entend des conversations, des sons, et tout est susceptible de recéler un indice concernant la mission. On se retroure alors dans un état de concentration extrême, à guetter le moindre détail, à peser chaque mouvement, et rarement on a connu une expérience aussi grisante dans un jeu de ce genre, et même dans les jeux en général. De plus, l’environnement est en mouvement et du coup déborde de vie.

Prenons, par exemple, un petit détail qui devrait vous donner une idée de l’immersion du jeu et du vice des développeurs. Dans les films ou les jeux, il n’est pas rare que des seconds couteaux se fassent trucider par packs de douze. Et rares sont ceux (et votre serviteur en fait partie) qui se sont demandés qui ils étaient, s’ils avaient des familles, etc. Et bien dans Hitman, parfois, lorsque vous tuerez quelqu’un, vous entendrez un de ses équipiers crier « il a tué untel ». Et mine de rien, avec ce seul nom, ce n’est plus un péon standard que vous tuez, mais bien un personnage, et on se prend à regretter son geste. Volontaire ou pas, sadique ou pas, ça fait un drôle d’effet. De même, si vous prenez pour bouclier humain quelqu’un dont le statut indiffère à vos adversaires, ils n’hésiteront pas à dire qu’il ne vaut pas un clou et à le trouer de balles, et vous à travers lui. Bluffant, unique.

Le système en lui-même a peu évolué : faire diversion, se faufiler, tuer, prendre des déguisements, cacher des corps. Mais là où Hitman fait très fort, et revient aux fondamentaux en leur mettant un coup de turbo au passage, c’est sur la profusion de possibilité. Rien que sur le niveau tutorial, vous aurez de nombreuses façons de procéder, allant de la discrétion absolue sans même changer de costume au passage en mode Rambo, totalement inintéressant mais parfaitement viable pour qui ne s’intéresse pas à son score. Mais dans ce cas, on ne peut que vous conseiller un FPS!

La jouabilité est excellente, à l’exception peut-être du couvert, puisqu’on se demande parfois si 47 est à couvert ou accroupi. Mais les commandes sont souples, instinctives, et ce que l’on joue au clavier ou à la manette (nous avons essayé les deux).

Et le tout nous mènera à travers une histoire riche de rebondissements, où l’on découvre de nouvelles facettes de la personnalité de 47 sans pour autant détruire le personnage que nous connaissons. On découvre un 47 marqué, plus dur mais aussi plus sensible, aux motivations plus floues. Pour ainsi dire, on pourrait penser au 47 de la version cinématographique, durement critiquée lors de sa sortie mais pas si mauvaise, et qui fournit obligeamment le jeu de mots du titre de cet article.

La base, cependant, reste de tuer. Et du point de vue de l’arsenal comme des moyens, 47 est servi! Armes en tous genres, contondantes, tranchantes, à feu, explosions, mais aussi empoisonnement, étouffement, écrasement, pendaison, électrocution, chaque niveau regorge de façons de faire, et vous serez parfois surpris en voyant jusqu’à quel niveau de détails les développeurs ont poussé le concept. Il nous est arrivé par exemple de vouloir laisser fuir une gazinière, puis de s’écarter, et de tirer juste à côté lorsque notre cible approchait. Bilan : les étincelles de l’impact ont provoqué une explosion, alors que nous pensions vraiment que les développeurs n’étaient pas allé aussi loin. De même, remplacer de la sauce barbecue par de l’essence donne souvent un résultat… tout feu tout flamme. Tout simplement génial.

De plus, les développeurs se sont offert de petites respirations, avec des niveaux très courts, mais dont l’enjeu est très simple : tuer untel ou untel, ou prendre une décision. Cela ne changera pas le jeu en profondeur, mais c’est important pour vous approprier le personnage, sa psychologie, ses haines, ses aversions, mais aussi ses sentiments. C’est bien votre 47 qui officie à l’écran, avec sa classe naturelle.

Du coup, le jeu n’est plus une succession de missions avec passage à la planque pour choisir son équipement, mais bien un scénario continu, certes convenu, mais beaucoup plus vivant et prenant que les missions que l’on picorait autrefois.

Et comment ne pas être bluffé lorsque l’on rentre dans un Chinatown noir de monde, où pourtant l’on doit commettre un meurtre? Comment ne pas avoir le souffle coupé lorsque l’on se cache en espérant ne pas être remarqué avec simplement la respiration de 47 dans nos oreilles. Quel jeu de patience et de méticulosité que ce Hitman Absolution…

Et quand vous aurez fini le jeu, exténué, ce n’est pas fini ! Chaque niveau affiche une série de défis pour obtenir des boni, des compétences pour 47, etc. Nouvelles facons de tuer, ne pas se faire prendre, agir sans déguisement, les défis sont variés, nombreux, exigeants, et terriblement addictifs. Malgré la difficulté bien réelle du titre, on y revient encore et encore pour creuser encore davantage le concept.

Et les développeurs l’ont bien compris en introduisant un mode Contrat : en prenant pour décor l’une des missions du jeu, les joueurs peuvent créer des scénarios pour les autres qui devront alors porter un certain costume, tuer telle ou telle personne en un temps record ou dans un temps imparti… Un aspect communautaire qui renforce la durée de vie d’un soft qui n’aurait pu se pourvoir d’un aspect multijoueur qu’en copiant Assassin’s Creed, ce qui aurait été dommage : là où AC repose sur sa narration, Hitman est un jeu de défis, dont on parle ensuite entre joueurs pour savoir comment l’on a procédé et en combien de temps.

Hélas, cent fois hélas, quelques problèmes subsistent. D’abord, l’IA est inégale : parfois elle ne vous repère pas du tout, et d’autres fois elle vous verra à une distance irréelle, sans plus de raison dans un cas que dans l’autre. Ce n’est que rare mais c’est agaçant. Ensuite, certains bugs de collision peuvent apparaitre, et quelques soucis d’affichage ont pu apparaitre en de rares occasion. Pour pinailler, on peut aussi dire qu’à la différence d’un Sleeping Dogs, 47 change de costume pendant les cinématiques, à l’occasion (celles qui ne sont pas faites avec le moteur du jeu).

47 est en outre un mutant : il encaisse les balles sans broncher, et se retrouver farci de balles sans trembler ni surtout sans mourir ne fait pas bon ménage avec l’immersion, d’autant plus si l’on ajoute une partition un peu brutale, qui peut aller dans les passages mystiques mais est souvent un peu trop cavalière, là où des morceaux plus angoissants ou plus doux auraient été les bienvenus parfois.

On ne peut également que regretter l’absence de variété dans les skins, car l’on voit vite que la foule se compose en réalité d’une dizaine de modèles répétés à l’envi…

Enfin, et c’est plus gênant, le jeu comporte différents points de passage entre deux étapes d’une mission, la première étant chassée par la seconde : en gros, vous avez fait un massacre épouvantable au fusil à pompe dans une salle, vous changez de salle, cela charge une nouvelle étape de la mission, et dans la salle voisine les PNJ font comme si de rien n’était…