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WWE’13 : The cult of personnality



Nous l’avons dit, le catch est un spectacle. Et comme tous les spectacles, il a dû opérer plusieurs révolutions pour continuer à plaire à un public qui ne l’attendait pas pour changer. Aujourd’hui, les enfants américains sont gavés de télévision, aussi le produit a-t-il été pensé essentiellement pour eux : le sacrosaint PG, qui interdit vulgarité, sexe et certains types de violence, mise en avant de catcheurs qui sont des machines de guerre, et bien évidemment toujours une tête de gondole, celui qui doit vendre du produit dérivé comme s’il en pleuvait. Il s’agit aujourd’hui d’un prétendu ex-marine qui prône la loyauté et le respect, effectue en match des retours improbables, et est une espèce de Superman des temps modernes qui protège la veuve et l’orphelin. Tout ce qui peut séduire les enfants selon une Fédération républicaine et vaguement sectaire. On pourrait objecter que jusqu’à preuve du contraire les enfants ne sont pas des abrutis, mais puisque cela marche, difficile de donner tort à la WWE…

Car c’est bien de cette dernière qu’il s’agit. Certes, il n’y a pas qu’elle : la TNA, la ROH, et quelques autres, contribuent à faire vivre ce spectacle très populaire aux Etats-Unis et bien sûr en Amérique du Sud, mais aussi au Japon et plus marginalement en Europe.

THQ produit donc, tous les ans, un nouveau jeu. En revanche, ils ne jugent pas utiles de reprendre tous les ans leur moteur graphique, ce qui en soi n’est pas un drame, mais mériterait quelques efforts… Ainsi, on constate tout de suite que les animations sont un brin rigides, les visages absolument pas expressifs, que certains soucis de collision sont là depuis deux ou trois ans. On constate aussi que quand certaines animations sont lancées, THQ a privilégié le spectacle : impossible de les interrompre… Esthétique, mais cela gâche un peu l’immersion.

Allez ! Essaie de m’interrompre !

Le système de jeu, lui non plus, n’a pas évolué depuis le changement moyennement heureux de l’épisode précédent. Le système n’est pas mauvais, mais l’IA contre avec un peu trop de facilité et surtout en cas de confrontation prendra systématiquement le pas sur vous. Pas suffisant pour perdre contre elle en mode Normal, mais agaçant. Le concept est en tous cas toujours le même : un bouton pour lancer son adversaire dans les cordes, un bouton pour les poings, un bouton pour les prises et un pour les coups spéciaux, la croix pour les provocations, et le stick droit pour réorienter un adversaire saisi, sonné ou au sol. Les gâchettes, quant à elles, servent essentiellement à parer et courir. Une fois l’adversaire saisi, on peut choisir de s’acharner sur une partie de son corps pour la fragiliser, et gêner un adversaire pour courir, résister à une soumission ou vous en infliger. On notera d’ailleurs que l’intelligence artificielle a tendance à toujours résister à votre premier coup spécial, même quand vous lui avez distribué des mandales avec générosité… Les soumissions, quant à elles, sont toujours délicates à placer, et le fait de placer un certain nombre de points de vie dans chaque zone du corps n’a pas un effet décisif sur la réussite ou non des manœuvres…

On peut ensuite attribuer les prises de son choix à son poulain, créer des coups spéciaux pour lui, son entrée, l’ensemble est très complet, indiscutablement.

En tous cas, prises, suplex, powerbombs, cordes à linge, soumissions, et j’en passe, tout est prévu pour retrouver l’intégralité des mouvements des catcheurs existants, et par extension pour créer le ou les vôtres, et même si l’éditeur n’a pas évolué d’un pouce, il est toujours aussi riche et creuser votre personnage vous prendra au bas mot une heure entière ! On notera tout de même que l’on peut désormais avoir son nom audio dans les commentaires, avec quelques approximations toutefois.

Vous pourrez aussi, évidemment, jeter votre adversaire à travers une table, ou du haut d’une cage, grimper les parois d’une cage pour vous échapper, manipuler des échelles pour remporter des Royal Rumble : on peut absolument tout faire, malgré quelques choix de bouton un peu regrettables.

Et tout cela, on en fait quoi ?

D’abord, bien sûr, on peut faire des matchs à la volée, et avec plus de cent catcheurs, même si certains ont plusieurs versions, il n’y a que l’embarras du choix. En revanche, on peut adresser un carton rouge déterminé à THQ qui a, un peu comme la WWE du reste, fait l’impasse sur les Divas en en proposant un nombre famélique… Du reste, comme chaque année, le roster n’est absolument pas à jour : certains licenciés ou retraités sont toujours là, alors que d’autres qui pourtant sont sous les feux de la rampe actuellement et sont en activité depuis juin ne sont pas encore au casting, comme Ryback…

Vous aussi, comme ce jeune homme, vous pourrez créer des superstars hideuses !

Et tous ces jeunes gens pourront combattre dans TOUS les types de matchs existants : Hell in a Cell, Steel Cage, Rumble, handicap, Tag Team, Tag Team mixte, Inferno, TLC, tout est là sans exception et peut accueillir jusqu’à  quatre joueurs en local et autant que l’on veut en online (dont 40 pour le Rumble).

Méfiez-vous tout de même du mode online : vous y croiserez souvent des personnages créés par des joueurs, extrêmement puissants, ce qui aboutit à des joutes à sens unique ou terriblement longues et ternes entre deux surhommes, certains du reste ne choisissant pas leurs coups pour la cohérence de leur personnage mais bien pour exploiter les bugs du jeu… Et même si l’on peut souvent télécharger les personnages des autres, l’ensemble n’est pas très ludique…

Quant au jeu solo, on notera que l’IA a fait quelques progrès, et qu’il ne suffit plus par exemple de porter des coups en courant pour la surprendre systématiquement. Elle est plus rapide, plus réactive, et il faut bien avouer que la gâchette R2 de la PS3 n’aide pas du tout à caler des contres parfois très rapides (disons qu’on commence à appuyer au bon moment mais que le temps qu’on ait fini c’est trop tard…).

Pour ceux qu’un jeu plus scénarisé pourrait séduire, le jeu propose deux modes principaux.

Le mode Univers vous met dans la peau du catcheur de votre choix, y compris le vôtre, dans le quotidien de la WWE. Si l’ensemble manque un peu de coulisses et de réel scénario, il est assez sympathique d’essayer d’enchaîner les victoires, d’essayer de devenir aspirant au titre pour ensuite le remporter et le défendre, de participer à un Rumble ou à Money in the Bank, et le premier Main-Event de Wrestlemania, après de longues années, est un moment que tout fan de catch ne peut qu’adorer…

En revanche, nous devons insister, l’ensemble est peu scénarisé : peu de rivalités justifiées, peu de blessures, d’avatars divers, etc. Fort heureusement, on peut créer son propre scénario avec l’inamovible éditeur idoine, toujours aussi imité mais suffisant pour créer de belles histoires (ou, pour les paresseux, prendre celles des autres sur le online).

Du reste, on ne peut que vous conseiller de ne pas jouer votre avatar en Univers : vous aurez sans doute tendance à lui donner des statistiques trop confortables qui en feront une promenade de santé. Nous vous suggérons donc de prendre un catcheur existant et de le mener au sommet, comme par exemple l’un de vos favoris qui hélas n’a pas dans la réalité l’oreille du grand patron (n’est-ce pas Cody Rhodes ? Ne t’inquiète pas, tonton charentais va te l’avoir ton titre poids-lourds). A noter que vous pouvez aussi ajouter de nouveaux titres au mode Univers (même si on ne peut pas leur donner des critères d’obtention pertinents), modifier les rosters : vous êtes le maître !

En toute humilité, bien sûr.

Mais le gros morceau, c’est évidemment le mode Attitude. Pour ceux d’entre vous qui l’ignorent, faisons un peu d’histoire : en 1997, la WCW de Ted Turner est en train de dépasser la WWE. A grands renforts de dollars, Turner débauche les plus grandes stars de la WWE, programme son show principal en face de celui de la WWE et devient la première fédération. Pour la WWE, il faut vivre ou mourir. Aussi, elle décide de faire évoluer son produit vers davantage de maturité : à des animaux de foire ou des personnages trop hauts en couleur, elle oppose des personnages plus irrévérencieux, moins lisses, vulgaires, brutaux. C’est l’époque de DX, de The Rock, mais surtout de Stone Cold Steve Austin, véritable figure de proue de ce renouveau. Certes, le niveau technique n’était pas exceptionnel, mais les histoires étaient dures, parfois sordides, et les matchs autrement plus impressionnants… C’est cette époque que le jeu veut nous faire revivre, à travers plusieurs dizaines de matchs clés de l’époque. Ainsi en est-il du fameux match, pour ne citer que lui, entre l’Undertaker et Mankind, qui vu le premier balancer le second du haut d’une cage de cinq mètres ! Pour chaque match, il y a un objectif principal, et des objectifs optionnels, parfois extrêmement corsés, qu’il faudra essayer de remplir pour obtenir diverses arènes, de nouvelles ceintures, et bien sûr de nouveaux lutteurs. L’ensemble est très scénarisé, et même si les cinématiques ne sont pas très belles puisque faites avec le moteur du jeu, on se prend à ces histoires farfelues et extravagantes. Bien sûr, l’ensemble a été considérablement édulcoré : finis les doigts d’honneur d’Austin ou la bière vissée à sa main, même les textes ont été largement « épurés »… Reste quand même une impression de liberté, de retrouver un produit autrement plus séduisant que le cartoon pour enfants que devient, de plus en plus, la WWE.

Par ailleurs, l’emballage est soigné : on retrouve les commentateurs de l’époque, les looks et musiques également, des extraits éloquents, les chronologies des courbes d’audience : THQ a mis les petits plats dans les grands, comme elle l’avait fait pour l’excellent Legends of Wrestlemania.

Bref, un mode très scénarisé, très fun, bien pensé, avec une époque qui avait une identité forte et qui a clairement été un tournant pour le catch.

Exemple de personne exposée à un tournant.

Le problème, nous l’avons dit, c’est que ce WWE’13 n’invente pas grand-chose. Le mode Univers n’a pas progressé. Le gameplay, les graphismes, les éditeurs, pas vraiment non plus. On paie donc essentiellement les nouveaux rosters et le mode Attitude, alors que dans le même temps on paie aussi pour retrouver des loadings récurrents et longs, un Online Access de plus, un online parfois hésitant sur Playstation, des effets d’éclairages étranges, et surtout la tendance de l’IA, lorsqu’elle contrôle plusieurs lutteurs, à tous les envoyer sur vous. Et ça, ce sont des critiques que la communauté avait déjà formulées sur les épisodes précédents. On ne peut pas dire que THQ ne soigne pas son produit, le mode Attitude est là pour le prouver, mais avec les éditeurs, du temps et de la bonne volonté, n’importe qui aurait pu faire cela lui-même dès WWE 2012…

De plus, poussant le bouchon un peu loin, THQ recommence à sortir des DLC à la chaîne, à des prix souvent rédhibitoires, pour de nouveaux personnages, de nouvelles ceintures, et surtout, ce qui est parfaitement incroyable, de nouvelles prises, évidemment des prises à même de séduire le fan pour le pousser à passer à la caisse. Or, si les personnages peuvent se recréer via les éditeurs, il n’en va pas de même pour les prises, et on ne peut donc que blâmer l’éditeur pour cette mentalité déplaisante, car il faut bien dire que la pilule passe d’autant moins dans un jeu qui propose des nouveautés aussi chiches…

 

Testé sur une version PS3

PS : si le sujet vous intéresse, je vous conseille la lecture de www.lescahiersducatch.com . En effet, ce site envisage le catch comme un spectacle écrit, et s’interroge sur les choix faits, les méthodes narratives, le tout dans un ton assez décalé. Et qui sait, vous y croiserez peut-être un pseudonyme que vous connaissez déjà…

Si vous ne venez pas, je casse tout !