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Rencontre avec Shigeru Miyamoto : l’interview (Part 2)



Voici la deuxième partie de notre rencontre avec Shigeru Miyamoto lors de son passage à Paris au prestigieux Hôtel Meurice. Après avoir effectué un premier compte-rendu, nous  nous attarderons cette fois-ci sur l’interview collective de Shigeru Miyamoto au cours de laquelle les quelques journalistes présents, dont nous faisions partie, ont eu l’honneur de poser quelques questions au Maître.

Ce fut l’occasion d’en apprendre un peu plus sur la personne de Shigeru Miyamoto, le processus de création des jeux mais également sur l’avenir de la Nintendo 3DS. Place à l’interview !

 

La Nintendo 3DS est en retard par rapport aux possibilités de communication offertes par d’autres périphériques : pas de chat, attitude passive des utilisateurs (StreetPass), etc… Comptez-vous les développer ?

Shigeru Miyamoto : Effectivement les ordinateurs et autres machines permettent aujourd’hui de communiquer. Mais moi je veux quelque chose que les autres ne peuvent pas faire, sinon cela n’a aucun intérêt.

Notre public étant très large, il est très important pour nous d’assurer leur sécurité par un système de communication adéquat. Sinon il aurait fallu ajouter un système de contrôle parental. Je pense pour ma part que l’important c’est que la communication se fasse entre personnes qui possèdent une 3DS (via Streetpass).

Actuellement je travaille sur le développement d’un Flipnote Memo gratuit. Celui-ci permettrait, comme lorsqu’on dessine sur les pages d’un cahier qu’on fait défiler, d’animer votre dessin et de le partager avec vos amis. Il existe cependant un risque que certaines oeuvres ne soient pas adaptées aux enfants. Le problème de la responsabilité se pose donc toujours !


Que peut-on attendre de Super Mario 3D ?

[Rire] Je vous avais dis que je ne vous donnerai pas plus de détails, sinon je n’aurai plus rien à raconter à l’E3 ! Mais puisque vous me posez la question, il faut bien que je vous donne un élément supplémentaire.

Pour commencer, comme j’avais pu vous le dire, la queue qui apparaît sur le logo du jeu (Games Developers Conference 2011) est bien une queue de raton-laveur.

Par ailleurs, nous aurons notamment recours au procédé qui était utilisé lors de certaines phases dans Mario 64. Il s’agit des passages au cours desquels la caméra est fixe avec Mario qui peut se déplacer en profondeur.


Si vous deviez revenir au début de votre carrière, que changeriez vous ?

Je n’ai pas réalisé les buts de ma vie, mais je suis satisfait de ma vie quand je regarde tout ce que j’ai pu faire. Je n’avais jamais rêvé de rentrer chez Nintendo, de faire de Mario une série, je rêvais simplement de rentrer dans le monde des jouets. Aller dans les jeux vidéo n’était pas mon ambition, ce n’était pas un plan mais quelque chose qui s’est fait naturellement.

Lorsque j’étais enfant, je voulais devenir marionnettiste, puis au collège mangaka et enfin au lycée, dessinateur industriel. Finalement je fais tout ça chez nintendo ! Grâce à la 3DS je peux donner vie à mes personnages tel un marionnettiste. J’ai donc malgré tout réalisé mes rêves d’enfance.

Je ne pense pas avoir fait quelque chose d’inutile, tout me servira un jour ou l’autre.

 

Qu’est-ce qui vous inspire pour créer des univers aussi riches ? Quelles sont vos influences ?

Il est difficile de répondre. Tout le monde est influencé de manière inconsciente, cela ne se limite pas aux créateurs.

Mon travail c’est de construire un jeu vidéo autours d’une idée. On va donc créer par exemple des mécaniques de jeu : comment créer de la peur ? Comment créer de l’excitation ? Etc…. C’est comme ça que nous raisonnons dans notre démarche créatrice. Ainsi pour trouver de bonnes mécaniques, je vais avoir recours à mon expériencce sur les jeux sur lesquels j’ai déjà travaillé mais également à l’expérience que j’ai pu acquérir au fur et à mesure de mes voyages.

Il est bien-sûr possible que je sois influencé par Disney, Miyazaki… Mais qui n’est pas influencé par de telles oeuvres universelles ?

Je m’inspire notamment beaucoup du Monsaï qui est basé sur un duo de comiques. Il s’agit d’un art du spectacle seulement connu dans ma région. Dans le Monsaï il y a un nigaud et la réaction de son binôme. Le timing est donc très important. Je m’inspire beaucoup de Yoshimoto (une figure culte du Monsaï) pour le rythme de mes jeux de manière à faire rire de façon optimale. Vous voyez donc comme le Monsaï m’influence alors qu’il est inconnu en dehors de la région.

Evidemment, chacun réagit différemment aux influences en fonction de sa sensibilité. Certains directeurs de jeux comprennent ma démarche d’autres pas, tout dépend des personnes. D’ailleurs il y a une autre situation qui me stress : les directeurs de jeux qui recyclent les mêmes mécaniques sans y ajouter grand chose.

Pourquoi ne pas avoir intégré un second stick sur la droite de la 3DS afin de mieux pouvoir contrôler la caméra ?

Nous y avons beaucoup réfléchi. Effectivement, lorsqu’on joue sur une console Sony on y est habitué. Personnellement je trouve qu’un stick est tout aussi bien pour déplacer son personnage. Le problème si on ajoute des boutons supplémentaires sur une toute petite surface, c’est que certains n’apprécieront pas. Trop de boutons rendrait le jeu trop périlleux. Par ailleurs, comme j’ai déjà pu le dire (Cf. notre Compte rendu Part 1) un gyroscope a été intégré à la 3DS. Or je pense qu’il est plus agréable de manipuler la vue via le gyroscope qu’à l’aide d’un second stick.

Dans Starfox il faudra manipuler la console ce qui donnera un tout autre aspect au jeu. Je pense que le gyroscope est l’avenir, plus qu’un second stick.

 

Jusqu’à maintenant la 3D s’est montrée plus esthétique qu’autre chose. Allez-vous développer des jeux autours de la 3D afin de l’implanter au coeur du gameplay ?

Je suis quelqu’un qui apprécie l’architecture du gameplay. Je pense donc à la structure permettant au mieux d’exploiter les capacités de la 3D. Je suis actuellement en pleine expérimentation de plusieurs concepts. On pourrait penser à un jeu où une image serait uniquement visible avec l’oeil gauche ou l’oeil droit. Ce serait par exemple parfait dans un jeu avec des fantômes qu’on ne verrais pas arriver.

J’espère que beaucoup de créateurs s’intéresseront à la 3D. La 3D n’est pas naturelle pour certains, c’est nouveau. Certaines choses sont pertinentes en 3D, d’autres pas. Il faut donc y aller doucement, je pense que les  choses se déveloperront naturellement.

Vous avez eu l’occasion de travailler sur de nombreuses aventures de Mario. Si demain vous deviez travailler sur LE dernier Mario, que feriez-vous pour n’avoir aucun regret ?

Je créée des jeux vidéo à la manière d’un musicien-compositeur : j’invente des structures de jeux mais la façon dont elles seront utilisées se décidera dans l’instant. L’improvisation est quelque chose d’important, je suis donc comme un musicien.

Si je devais travailler sur le dernier Mario, alors je ferais un jeu qui plairait aussi bien aux joueurs aguerris qu’aux joueurs débutants. Je m’y mettrais à fond pendant deux ans sans rien faire d’autre à côté.

 

Comptez-vous utiliser la 3DS comme manette comme ce qui avait pu être fait sur Nintendo GameCube avec la Game Boy Advance ?

Nous y réfléchissons beaucoup car nous réfléchissons toujours en terme de connectivité. Rien d’officiel cependant, nous testons les différentes possibilités qui pourraient exister.