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Drunk – Un hymne vibrant au monde d’avant



Il existe une théorie – du psychologue norvégien Finn Skårderud – selon laquelle l’homme serait né avec un déficit d’alcool dans le sang de 0,5g par litre. Quinquagénaires légèrement désabusés par la monotonie d’une vie qui finit par leur peser, quatre enseignants en lycée décident d’éprouver cette théorie en la mettant en pratique avec toute la rigueur scientifique qu’elle impose. Hypothèses et analyses s’enchaînent aussi rapidement que les verres, au travail comme en privé. Avec pour finalité l’idée de retrouver une vie plus intense. Ou tout simplement de recommencer à vivre.

Bien des sujets pourraient être abordés autour de la dernière œuvre du cinéaste danois Thomas Vinterberg. De son scénario naïf aux partitions presque trop calibrés des différents personnages, en passant par une narration qui aurait sans doute gagné grâce davantage de démesure. Mais rien de tout cela ne sera évoqué, tout simplement parce que les quelques réserves que l’on peut formuler à propos de Drunk sont insignifiantes en comparaison de la puissance dégagée par ce film. D’ailleurs, il est extrêmement difficile de parler de ce que provoque Drunk comme sensations sans que je n’écrive – et cela pour la première fois – une critique à la première personne du singulier.

Je suis allée voir ce film le 28 octobre, jour où le second confinement a été annoncé en France. Le Président de la République n’avait pas encore pris la parole, mais tout le monde savait déjà ce qui allait se passer. Une fois encore, notre vie allait tourner au ralenti. Une fois encore, nos interactions sociales allaient être réduites. Une fois encore, nous ne pourrions plus nous retrouver entre amis autour de quelques verres tout en partageant un repas. Une fois encore, les cinémas allaient fermer. Il fallait donc en profiter une dernière fois et depuis que j’en avais vu la bande-annonce, ce film mettant en scène l’immense Mads Mikkelsen ne quittait pas mes pensées.

Pour autant, je ne pensais pas une seule seconde à la claque que j’allais prendre en le voyant. Une claque qui m’a fait réaliser ô combien certains aspects de la vie antérieure à la crise sanitaire me manquaient profondément.

Drunk est un film immense, porté par cet immense acteur qu’est Mads Mikkelsen et qui représente à lui seul toute cette soif de vivre dont nous sommes en partie privés pour le bien commun. Attention, ce propos n’est en aucun cas un pamphlet contre les mesures prises actuellement, qui sont le mal nécessaire à la résolution, in fine, de cette crise. Il est toutefois normal – et même surtout tout à fait humain – de regretter cette euphorie à laquelle nous n’avons plus droit en ce moment. Et que Drunk n’a de cesse de rappeler.

Drunk est en effet bien plus qu’un film sur l’alcool, les bienfaits que quelques verres peuvent apporter et les abus que trop de verres peuvent provoquer. C’est un film sur l’envie de vivre. Plus encore, sur le besoin de vivre et surtout de se sentir vivant. Et j’ai pris conscience devant ce film que tout ce qui me permet de me sentir vivante sont les interactions sociales auxquelles j’ai été habituée toute ma vie, avec surtout le contact physique qu’elles impliquent. Dans Drunk, aucun geste barrière, aucune distanciation physique. Les êtres s’enlacent, s’embrassent, se frappent, se saoulent en échangeant leurs verres, … Ils se touchent tout simplement, sans retenue, sans hésitation, sans ambages. Toute cette liesse, qui me manque tant, atteint son paroxysme avec une scène finale absolument magnifique et dans laquelle Mads Mikkelsen est tout simplement stupéfiant.

Cette scène, qui est pour moi la plus belle scène de cinéma que l’année 2020 ait offerte, justifie à elle seule de voir ce vibrant hymne à la vie signé Thomas Vinterberg. Le 15 décembre, je prendrai assurément une deuxième tournée de Drunk pour étancher ma soif de vivre et de cinéma. Et je vous invite à faire de même si, comme moi, vous souhaitez célébrer tout ce que vous aimez du monde d’avant !