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Les Fantômes d’Ismaël – Récits parallèles et mise en abyme



Ismaël Vuillard est réalisateur. Ou plutôt « faiseur de films » comme il le dit lui même. Il y a vingt ans, sa femme Carlotta est partie sans laisser la moindre trace. Depuis, Ismaël vit avec son fantôme, rendant régulièrement visite au père de la disparue afin d’évoquer son souvenir. Puis, il rencontre Silvia, avec qui il reprend peu à peu goût à la vie, s’arrachant au fantôme de sa femme perdue. Jusqu’à ce que Carlotta réapparaisse. Et cherche à reprendre sa place.

D’un premier abord, le dernier film d’Arnaud Desplechin paraît simple sur le papier. Un homme cherche à reconstruire sa vie après avoir perdu son grand amour. Et son passé refait surface, tentant de récupérer sa vie d’avant, tandis que son présent s’enfuit pour ne pas souffrir davantage. Cette trame principale, très classique, met en scène un triangle amoureux dans lequel chacun doit s’affirmer vis-à-vis des autres, afin de ne pas se sentir dépossédé. Si le trio Amalric / Gainsbourg / Cotillard fonctionne, il n’est pas pour autant exceptionnel. Les uns comme les autres font ce qu’ils savent faire, mais sans vraiment se mettre en danger en sortant de leur zone de confort.

Heureusement, à côté de cette trame principale vient se juxtaposer un autre récit, celui du film que le personnage de Mathieu Amalric (Ismaël) est en train de préparer. Un film qui parle de son frère, diplomate travaillant au Ministère des Affaires Étrangères. Autre histoire. Autre fantôme. Autre style. Car au lieu de simplement montrer le tournage de ce film, Desplechin nous plonge dans l’esprit d’Ismaël. Et c’est un second film qui s’offre alors à nous, avec des scènes dignes d’un roman de Kafka ou d’une pièce de Samuel Beckett. Comme cette scène d’ouverture où tout le monde au Ministère cherche et attend – comme on attend GodotIvan Dedalus (le frère d’Ismaël) qui ne se montre pas.

Contrairement à son récit principal qui n’a finalement que peu d’intérêt (et qui s’achève si rapidement que Desplechin donne l’impression de ne pas avoir su trouver comment le terminer) cette mise en abyme est très réussie. Et si bien d’ailleurs qu’elle donne envie d’en savoir plus sur ce mystérieux Ivan Dedalus et son alter ego très pince sans rire Louis Garrel, qui arrive à nous faire oublier les trois têtes d’affiche.

Autre réussite, les quelques scènes réunissant Mathieu Amalric et Hippolyte Girardot, producteur d’Ismaël qui tente de faire revenir son réalisateur sur le tournage qu’il abandonne. Pour se réfugier parmi des poules. Un beau moment de cinéma.