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La Cabane dans les Bois : une nouvelle ère commence



La mode, en ce moment, est aux parodies érudites, en termes de film d’horreur, aux pastiches sympathiques et bien pensés, comme le mémorable « Shaun of the Dead », le plus récent « Tucker & Dale fightent le mal », et quelques autres. Sans se moquer violemment de leur sujet, ils savent lui rendre un hommage appuyé et un peu taquin, mais avec une réelle tendresse, comme seuls les américains savent le faire dans leur comédie (si avec cette déclaration je ne déclenche pas une volée de commentaires haineux c’est à n’y rien comprendre!).

La Cabane dans les bois part d’un postulat comparable, mais prend un chemin différent, et surtout beaucoup plus malin.

Cinq étudiants, dont une bimbo, un footballeur, une coincée, un bourrin et un drogué, partent pour le week-end dans une cabane loin de tout, où naturellement les GSM ne passent pas.

Le plot est certainement l’un des plus vus depuis des années dans les films d’horreur, mais le vrai problème… c’est que je ne peux pas vous en dire plus!

Vous vous doutez bien qu’un sujet aussi niais ne provoquerait pas un tel degré d’excitation chez le public, ni le taux de satisfaction de plus de 90% atteint par le film en salles…

Tout ce que l’on peut vous en dire, c’est que le film a assimilé tout le cinéma horrifique, tous les mythes associés, et au lieu de casser les codes ou de les parodier, a décidé de contourner le problème en les justifiant. La bimbo avantageusement fournie? les quatre personnes qui font quatre groupes de un contre toute forme de bon sens? les tueurs en série sortis de nulle part? Les envies frénétiques d’aller copuler loin de tout le monde? Bien sûr, il y a une explication parfaitement logique.

En plus de brouiller les pistes et les conventions, Joss Whedon, producteur du film, et son acolyte Drew Goddard, connaissent parfaitement leur sujet, et savent en exploiter toutes les ressources, ce qui fait que même les vieux de la vieille pourront être surpris par certaines scènes ou effets, le film d’ailleurs résistant à la tentation du racolage en se contentant d’un -12 là où tant d’autres pensent qu’il faut faire du -16 minimum pour être angoissant. A -16, on est écœurant, pas angoissant… Et à l’inverse, à -12, un cinéaste talentueux peut instiller une sale ambiance avec quelques détails insignifiants, et sans avoir besoin d’une partition trop appuyée.

Mais la vraie prouesse du film, que l’on peut vous révéler tout en gardant en tête l’impérieuse nécessité de ne pas trop en dire, c’est sa capacité à placer le spectateur dans la peau de l’antagoniste principal, le film déroulant une métaphore du cinéma de genre de haute volée.

On pourra lui reprocher d’être mal réalisé, ce serait alors occulter que la réalisation sert la narration, et que la façon de filmer évolue selon les situations de manière cohérente entre les lieux et les moments.

On pourra aussi lui reprocher d’être d’un certain classicisme. Au début, oui, mais cette trame ne sert que le vrai objectif du film, et son fond.

Joss Whedon ne change pas tout ce qu’il fait en or. Buffy ou Angel ont nombre de détracteurs, dont votre serviteur. Mais il est aussi l’auteur, entre autres, de Firefly, série qui a marqué tous les fans de SF, signe que le bonhomme peut alterner le cynisme le plus intégrale, et une intégrité artistique totale, comme il l’a démontré avec Avengers. Avengers n’est pas un grand film, mais il remplit parfaitement son objectif : réunir une équipe de super-héros et donner du plaisir. Et avec ces deux films, Whedon a signé la même année deux films qui marqueront une forme de culture underground.

Car La Cabane dans les Bois est du même ordre : une œuvre qui a une ligne claire, à laquelle il ne déroge jamais, maline et plus profonde qu’on ne le croirait malgré son apparente facilité, et dont la virtuosité stupéfiante sert un film qui hante longtemps, très longtemps après avoir éteint son poste.

PS: si j’ai un conseil à vous donner, ne regardez pas le trailer. Et quand vous aurez vu le film, conseillez-le, mais gardez-vous de tout spoil…